Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou participe à une conférence de presse avec le ministre de la Défense Yoav Gallant et le ministre du Cabinet Benny Gantz sur la base militaire de Kirya à Tel-Aviv, Israël, samedi 28 octobre 2023. [AP Photo/Abir Sultan]

Par Jean Shaoul, Chris Marsden

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a exposé sans détours son plan de nettoyage ethnique de la bande de Gaza et sa prise de contrôle par Israël. Il a rejeté par là les demandes soulevées en Israël pour un cessez-le-feu lié à la libération d’otages et les prétentions du gouvernement américain à vouloir sauver la face en justifiant son soutien au génocide par la création d’une sorte de mini-État palestinien celui-ci une fois commis.

Lors d’une conférence de presse tenue jeudi dernier, Netanyahou a insisté pour dire qu’il «ne transigera pas sur le contrôle total de la sécurité israélienne sur l’ensemble du territoire situé à l’ouest du Jourdain». Une déclaration qui préfigure également un assaut sur la Cisjordanie et la saisie de tous les territoires tenus par les Palestiniens.

La guerre «se poursuivra jusqu’à la fin, jusqu’à la victoire, jusqu’à l’élimination du Hamas» et «rien ne nous arrêtera». Mettre fin prématurément à la guerre «nuirait à la sécurité d’Israël pour des générations», a-t-il déclaré, laissant entendre que l’action militaire pourrait se poursuivre jusqu’à l’année prochaine.

Le président américain Joe Biden a réagi samedi en téléphonant à Netanyahou pour la première fois depuis un mois, après quoi il a affirmé que le dirigeant israélien envisagerait un «type» de solution à deux États.

Le porte-parole de Netanyahou a rejeté dimanche l’affirmation de Biden. Il a déclaré que «lors de sa conversation avec le président Biden, le Premier ministre Netanyahou a réitéré sa politique selon laquelle, après la destruction du Hamas, Israël devait conserver le contrôle de la sécurité à Gaza afin de s’assurer que Gaza ne constituera plus une menace pour Israël, une exigence qui contredit la demande de souveraineté palestinienne».

Netanyahou a déclaré dimanche: «J’ai insisté auprès du président Biden sur notre détermination à atteindre tous les objectifs de la guerre et à faire en sorte que Gaza ne constitue plus jamais une menace pour Israël». Sous sa direction, Israël mènerait une guerre régionale beaucoup plus large «sur tous les fronts et dans tous les secteurs. Nous n’accorderons l’immunité à aucun terroriste: ni à Gaza, ni au Liban, ni en Syrie, ni nulle part».

Netanyahou et ses généraux ont maintes fois indiqué clairement qu’Israël menait une guerre non seulement contre les Palestiniens, mais aussi contre l’Iran et ses alliés. Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré qu’Israël était confronté à une guerre sur sept fronts: Gaza, la Cisjordanie, l’Iran et ses alliés au Liban, la Syrie, l’Irak et les Houthis au Yémen. Répondant à un journaliste qui lui demandait pourquoi Israël se contentait d’attaquer les mandataires de l’Iran au lieu de s’en prendre directement à l’Iran, Netanyahou a déclaré: «Qui a dit que nous n’attaquons pas l’Iran? Nous attaquons l’Iran».

Dans la nuit de vendredi à samedi, les forces israéliennes ont bombardé la capitale syrienne, Damas, prenant pour cible les forces iraniennes alliées au gouvernement syrien pendant les 13 années de la guerre de changement de régime de l’OTAN dans ce pays. Parmi les victimes figurait le chef des services de renseignement du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) en Syrie et quatre autres membres du CGRI.

Enhardi par la perspective d’une victoire de Trump aux présidentielles américaines de novembre à s’opposer ouvertement à Biden, Netanyahou a jeté le gant à ses opposants en Israël. Rejetant toute possibilité d’organiser des élections, il a déclaré: «Aller aux élections serait irresponsable et interromprait gravement l’effort de guerre».

Politiquement embarrassé par la confirmation que tout discours sur un État palestinien, tout comme les appels à Israël pour éviter les pertes civiles, est de la rhétorique vide destinée à la consommation publique, Biden a poliment souligné que la création d’un État palestinien était «toujours une possibilité».

Un porte-parole du Premier ministre britannique Rishi Sunak a qualifié de «décevante» l’opposition de Netanyahou. L’Union européenne elle, a divulgué lundi un document politique affirmant qu’elle poursuivrait les négociations de paix incluant une solution à deux États sans la participation d’Israël, parce qu’il était «irréaliste de supposer que les Israéliens et les Palestiniens s’engageront directement dans un avenir proche dans des négociations de paix bilatérales».

Sur tous les points fondamentaux, Washington est d’accord avec les objectifs de guerre de Netanyahou, bien qu’il ait besoin de la feuille de vigne d’une solution à deux États pour aider des alliés régionaux comme l’Arabie saoudite et l’Égypte à justifier leur refus de venir en aide aux Palestiniens.

L’attaque lancée par Israël contre les Palestiniens a été planifiée avec Washington et conçue comme la première étape d’une campagne militaire visant l’Iran et ses alliés, qui fait elle-même partie de préparatifs plus vastes de l’impérialisme américain pour une guerre contre la Chine. Washington et son allié Londres ont envoyé des navires de guerre au Moyen-Orient dans les jours qui ont suivi l’attaque du 7 octobre, afin d’assurer leur hégémonie sur cette région riche en ressources.

Netanyahou est à la tête d’un gouvernement en crise et profondément impopulaire, et les efforts qu’il a déployés pour satisfaire ses électeurs de droite n’ont fait qu’aggraver la situation. Avant le 7 octobre et l’assaut lancé contre Gaza, il avait dû faire face à des mouvements de protestation de masse contre sa coalition d’extrême droite.

Le sentiment anti-palestinien suscité par l’incursion du 7 octobre et le lancement d’attaques de représailles ont été utilisés pour étouffer l’opposition, mais la colère de l’opinion publique s’est accrue suite aux révélations que l’attaque préparée était connue et avait été autorisée afin de fournir une excuse pour déclencher la guerre contre Gaza. Cette colère a été alimentée par le coût massif de la guerre, sa brutalité et l’absence de priorité accordée à la libération des otages.

La cote de popularité du Premier ministre et de son parti, le Likoud, s’est effondrée. On prédit que la plate-forme d’opposition, ‘Unité nationale’, dirigé par les anciens chefs d’état-major de l’armée Benny Gantz et Gadi Eisenkot (tous deux membres du cabinet de guerre de Netanyahou) et par le chef du parti ‘Yesh Atid’, Yair Lapid, remporterait des élections.

Lundi, les familles des otages ont fait irruption à la Knesset lors d’une session de la Commission des finances, exigeant que le gouvernement fasse davantage pour obtenir la libération de leurs proches. À l’extérieur de la Knesset, des dizaines de manifestants ont appelé à de nouvelles élections avant d’être emmenés par des agents de sécurité.

Ces événements font suite à plusieurs jours de manifestations modestes, mais de plus en plus nombreuses dans les grandes villes d’Israël, appelant à des pourparlers pour mettre fin à la guerre et obtenir la libération immédiate des 140 otages restants, certains manifestants réclamant également de nouvelles élections. Samedi, des milliers de gens ont participé à une manifestation à Tel-Aviv, dont les rues sont couvertes de pancartes portant l’inscription «Ramenez-les à la maison» ; ils exigeaient la dissolution immédiate de la Knesset et la tenue de nouvelles élections.

Des centaines de manifestants anti-guerre, organisés par le Partenariat pour la paix, une coalition de groupes de la société civile, ont pris part à une manifestation dans la ville mixte de Haïfa, appelant à la fin de la guerre, à la conclusion d’un accord sur les otages et à la tenue d’élections. La manifestation avait d’abord été interdite par la police et n’a été autorisée qu’après un recours devant la Cour suprême et l’imposition d’un maximum de 700 participants.

Les manifestations, bien que beaucoup moins importantes que celles de l’an dernier s’opposant aux attaques de Netanyahou contre la Cour suprême d’Israël, souffrent des mêmes faiblesses politiques. Un général à la retraite, Nimrod Sheffer, a pris la parole lors de la manifestation de Haïfa et a appelé Eisenkot et Gantz à «choisir si vous êtes dans le gouvernement et continuez à servir le gouvernement, ou si vous le quittez maintenant et commencez à servir le peuple. La Knesset israélienne doit rendre son mandat au peuple, maintenant».

Les demandes de cessez-le-feu, de libération des otages et de nouvelles élections ne pourront jamais être satisfaites en faisant appel aux criminels de guerre que sont Eisenkot et Gantz. Tous deux continueront à faire la guerre aux côtés de Netanyahou aussi longtemps qu’il le faudra. Parlant de Gaza, Gantz a déclaré: «La guerre ici est pour notre existence et pour le sionisme, et je ne peux donc pas donner d’estimation de la durée de chaque étape de la guerre et des combats qui se poursuivront après. Nous ne pouvons pas reculer par rapport à notre objectif stratégique» et «Sur la question de la durée de l’opération, il n’y a pas de limites».

Leur promesse à la bourgeoisie israélienne et à l’impérialisme américain est que si un changement de gouvernement s’avère nécessaire, Unité nationale et ses partenaires de coalition continueront à mener la guerre, mais de manière plus efficace, en particulier en conjuguant le génocide à Gaza et le conflit régional plus large avec l’Iran et ses alliés.

Dans une interview à la chaîne israélienne Channel 12, Eisenkot s’est déclaré en faveur d’une pause temporaire dans les combats pour des pourparlers visant à obtenir la libération des otages, afin de maintenir le soutien de l’opinion publique à une escalade de la guerre. Mais il a fait suivre ces remarques de ces mots: «Pour moi, la mission de sauver les civils passe avant de tuer l’ennemi. L’ennemi peut être tué après».

Eisenkot s’est vanté de ce que la décision d’Unité nationale de rejoindre le cabinet de guerre et de mener le génocide à Gaza avait empêché Netanyahou de plonger Israël dans un désastre. Selon le Times of Israel, «le 11 octobre, Israël était sur le point de frapper le Hezbollah, mais lui et Gantz ont réussi à convaincre Netanyahou et le cabinet de guerre d’attendre. ‘Notre présence sur place a empêché Israël de commettre une grave erreur stratégique’, a déclaré Eisenkot ».

« Si la décision avait été prise d’attaquer le Hezbollah, ‘nous aurions réalisé la vision stratégique de [Yahya] Sinwar, le chef du Hamas à Gaza’, provoquer une guerre régionale, a-t-il déclaré. L’ensemble de l’axe – Syrie, Irak, Iran – aurait été impliqué, a-t-il dit, et alors ‘[la guerre contre] le Hamas, qui nous a causé les plus grands dommages depuis la création de l’État, serait devenu une arène secondaire’, a-t-il dit ».

Le Times of Israel ajoute: «Néanmoins, il n’a pas exclu la possibilité d’une escalade jusqu’à la guerre».

Créer les conditions politiques nécessaires à la poursuite d’un programme de génocide et de guerre, voilà ce qui préoccupe Eisenkot et Gantz. Celui-là a expliqué que même s’ils continuaient pour l’instant à participer pleinement au cabinet de guerre, «il est nécessaire, dans un délai de quelques mois, de ramener l’électeur israélien aux urnes et d’organiser des élections afin de renouveler la confiance, parce qu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de confiance».

(Article paru d’abord en anglais le 23 janvier 2024)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…