Interview réalisée par M.Mehdi
Il est l’un des rares reporters de la planète à avoir vécu les différentes étapes du génocide des palestiniens, de la guerre de six jours en juin 1967, au siège de la résidence de l’autorité palestinienne en 2000, par le génocidaire Ariel Sharon dans la foulée de l’Intifada II, en passant par les massacres de Sabra et Chatila ( 16-18 septembre 1982) à Beyrouth, où il était témoin et le retrait de l’OLP du Liban en 1982.
Il s’agit bien entendu de Jacques-Marie Bourget, grand ami du martyr Yasser Arafat et qui a failli payer de sa vie en octobre 2020, sa détermination à étaler la vérité sur les crimes de l’entité sioniste loin du parti pris des médias mensonges. Jacques-Marie Bourget à qui on souhaite beaucoup de santé pour surmonter les épreuves de son courage, nous livre dans cette interview la doctrine génocidaire de l’entité sioniste, en évoquant les massacres de Sabra et Chatila et le génocide d’aujourd’hui à Gaza par ce régime fasciste qui bénéficie largement de la passivité et le silence de la communauté internationale et surtout de la politique défaitiste des pays arabes.
Algérie54:Dans quelques jours, nous commémorons le 43e anniversaire des massacres de Sabra et Chatila. En votre qualité de reporter et témoin ayant vécu ces massacres, quelle lecture faites-vous aujourd’hui?
Jacques-Marie Bourget: Je fais une lecture tardive mais effrayante, je découvre que, dès son origine, le sionisme a considéré le génocide comme une arme de guerre tout à fait admissible. En réalité le but à peine caché du sionisme, et nous sommes ici longtemps avant l’Holocauste, était la disparition des Palestiniens d’une terre, que de façon totalement historiquement était erronée et selon un principe colonial, ils considéraient comme la leur.
Pour « libérer » leur Terre soi-disant « promise », les sionistes avaient deux moyens , le génocide (tuer les Palestiniens), ou l’épuration ethnique (les obliger à fuir).
Pudiquement, et parce que c’était « antisémite » que de la dire, les différents massacres opérés sous la tutelle britannique, puis la Nakba quand 700 000 Palestiniens ont été chassés par les armes en 1947-48, procédaient de cet esprit, génocide et épuration. Jamais les sionistes ont envisagé la création d’un État palestinien.
Le massacre de Sabra et Chatila, que j’ai vécu, le vendredi soir , au deuxième jour du carnage, de l’intérieur , fait partie de cette série de crimes ayant pour but l’élimination des Palestiniens. Je ne vais pas énumérer, les tueries sont trop nombreuses, mais de Tal el Zaatar en 1977 à Gaza aujourd’hui nous avons été les témoins de multiples « éliminations ». Sabra et Chatila en font partie après le massacre de la « Quarantaine » .
Je rappelle aux aveugles qu’en décembre 1982,l’Assemblée Générale de l’ONU a déclaré que Sabra et Chatila était « un acte de génocide ». Un acte imprescriptible pourtant jamais puni. Alors que de A à Z cette barbarie a été organisée en voulue par Israël et son chef Sharon. Les Israéliens ont entraîné les miliciens libanais qui sont entrés dans les camps (accompagnés par des officiers israéliens le jour J). Depuis 1982 nous avons retrouvé les notes des propos échangés entre Reagan et Sharon : ce dernier a arraché à Reagan l’autorisation de commettre le massacre. Vouloirs faire de Sabra Chatila un épisode libanais est une honte pour la vérité. Leila Seurat la fille d’un otage mort en captivité, aujourd’hui chercheuse vient de publier un article d’une rare qualité à propos de l’historique de Sabra-Chatila, lisez-le sur le site « Le grand Soir », lisez aussi sa dernière analyse sur l’inéluctable retour à la lutte armée du mouvement palestinien (Orient XXI). Enfin, pour les plus curieux, la lecture du livre d’Israël Shahak démontre à chaque ligne la possibilité de l’usage du génocide comme arme de guerre.
Algérie 54: Les massacres de Sabra et Chatila sont liés cette année au génocide du peuple palestinien de la bande de Gaza. Ne pensez-vous pas qu’il est temps aujourd’hui pour la communauté internationale de se mobiliser pour mettre un terme à l’impunité dont bénéficie l’entité sioniste?
Jaques-Marie Bourget: Je pense que les Palestiniens sont un peuple maudit. Il doit de s’attaquer à l’inattaquable, et c’est une épreuve monstrueuse. On évoque toujours la « solidarité arabe »… mais les palestiniens ne sont pas que des arabes et le seul lien des arabes avec eux est religieux, c’est celui de l’islam (même si une minorité chrétienne existe chez eux). D’un côté il y a les peuples du monde qui enragent contre le colonialisme sioniste et le mépris des lois et décision internationales, de l’autre leurs dirigeants,(sauf l’Algérie, le Yémen, l’Irlande, l’Espagne et quelques autres), qui ont des options capitalistes ou géostratégiques où le peuple palestinien ne compte pas.
La seule solution est entre les mains d’un prince du sionisme, psychiquement instable et totalement inculte : Donald Trump. Tant que les peuples ne seront pas capables de tordre le bras de leurs dirigeants, rien ne changera pour la Palestine.
Algérie54: Dans un mois, Jacques- Marie Bourget commémore le 25e anniversaire de la tentative d’assassinat menée par l’armée sioniste à Ramallah à son égard, lors de l’exercice de sa profession comme reporter. Ce scénario revient aujourd’hui avec l’assassinat de plus de 250 journalistes palestiniens à Gaza. Quel message adressez-vous pour marquer l’atteinte physique aux journalistes?
Jacques-Marie Bourget: Cette indignation face à l’assassinat des journalistes est inopportun puisque les sionistes se sont donné le droit de faire ce qu’ils veulent, quand ils le veulent et sans sanctions. Pourquoi voulez-vous que la vie des journalistes, qui plus est palestiniens, soient respectée ? Ils sont un bétail comme un autre, des vies qui n’en sont pas, celles de non-êtres. Pendant la Seconde guerre mondiale, prenons l’exemple de Pierre Brossolette, il était journaliste et résistant, il a été assassiné par les nazis mais personne n’a osé contester ses deux qualités « journaliste-résistant ». A Gaza un journaliste, lui, ne peut être qu’un « terroriste » c’est un degré en plus.
Pour avoir vécu dans mon corps la barbarie d’une tentative d’assassinat sioniste, je comprends fort bien le cruauté qu’il y a à considérer celui qui informe comme une cible. Quand un journaliste meurt, c’est la vérité qui quitte le champs de bataille. Pourtant, au pays des droits de l’homme, ces assassinats sont, dans de trop nombreuses bouches, considérés comme légitimes.
Interview réalisée par M.Mehdi
Source : Algérie54
(Envoyé par A. Djerrad)
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