Par Régis de Castelnau
Article assez infect de Marc Weitzmann, qui fait partie de ces intellectuels sucrés qui font semblant d’objectivité mais sont en fait des justificateurs de génocide. Et devinez dans quel journal ce type de propos est accueilli ? Libération évidemment qui s’est fait une spécialité de la fausse compassion. Sous prétexte d’équilibre, donner massivement la parole aux négationnistes du génocide de Gaza est un choix politique. Celui de soutenir cette horreur.
Nous renvoyons à notre article précédent sur ce sujet qui faisait un point assez large de la dimension juridique du concept de génocide, mais également de ses implications en matière de recherche historique. Il nous est cependant apparu nécessaire de revenir sur certains points face à une offensive (que certains mènent de bonne foi), mais dont l’article de Weitzmann est une belle illustration. Pour tenter d’amoindrir l’écrasante responsabilité de l’État d’Israël devenu paria génocidaire, on essaie d’écarter la qualification de génocide en faisant glisser le débat vers la dimension historique de cette qualification. Parmi les intervenants de bonne foi, je citerai Emmanuel Todd ou Ludivine Bantigny, dont les positions sont erronées, mais ne peuvent encourir à aucun moment l’accusation de complaisance vis-à-vis de ce que Todd qualifie lui-même de « carnage de Gaza ». Un certain nombre d’historiens, notamment israéliens, ont pris leurs responsabilités et ont qualifié ce qu’Israël faisait à Gaza de génocide par référence aux critères historiques identifiés par leur étude et leurs recherches propres. Ces prises de position sont politiquement utiles dans les débats qui se déroulent. Mais il n’est pas possible de s’en contenter parce que la qualification de « génocide » est devenue un thème important sur lequel les souteneurs de l’État paria reviennent systématiquement afin de disqualifier ceux qui l’utilisent. Et surtout parce que cela permet de DISPENSER Israël des obligations résultant de la qualification juridique. Mais aussi de dispenser également tous les autres pays signataires notamment occidentaux qui ne prennent aucune des mesures pour faire cesser le génocide alors que la Convention le leur impose.
L’hypocrisie de Marc Weitzmann est de ce point de vue exemplaire.
Rappel de la fonction du Droit
Le concept de génocide a été élaboré par le juriste polonais Raphaël Lemkin en 1944, dans le contexte des atrocités de la Seconde Guerre mondiale, et a progressivement été intégré au droit international. Mais il faut savoir qu’il n’a pas été judiciairement utilisé lors du procès de Nuremberg (1945–1946). Certains actes ont été qualifiés de crimes contre l’humanité, concept élaboré à cette occasion mais le terme « génocide » n’avait pas encore de statut juridique autonome.
La définition juridique du génocide figure dans article II de la Convention : « Tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel ». 153 pays l’ont adopté, y compris Israël bien sûr, mais elle est incorporée désormais au droit coutumier et applicable aux pays non-signataires (dont par exemple le Japon…)
La seule définition opératoire du génocide est désormais JURIDIQUE, et il y a par conséquent un avant et un après Convention de 48.
Le « génocide » est donc D’ABORD un concept juridique. Le droit s’empare du réel et le DÉFINIT en en tirant toutes les conséquences opératoires. Le 5e des « 10 commandements » dit : « tu ne tueras point », c’est un précepte moral. Qui devient concept juridique dans le Code pénal au travers des qualifications « homicide volontaire » et « assassinat » (homicide volontaire avec préméditation) qui vont avoir des conséquences directes concernant l’auteur de l’acte. On ne va pas attendre comme le souhaite Emmanuel Todd pour le génocide, que les choses se décantent et que les historiens se mettent au travail pour savoir si le responsable de la mort d’autrui avait ou non l’intention de tuer et s’il a ou non prémédité son acte. Il y a des moments où il faut redevenir sérieux.
Appréhender le réel, le qualifier, en tirer toutes les conséquences y compris en utilisant la violence légitime, C’EST À ÇA QUE SERT LE DROIT.
Par conséquent la convention de 1948 identifie des faits selon des critères et les qualifie juridiquement. Rappelons au passage que plusieurs autres institutions internationales (la Cour Pénale Internationale) ont intégré la Convention à leur statut.
Les négationnistes du génocide de Gaza, spéculant sur l’ignorance juridique hélas trop partagée, avancent souvent l’argument selon lequel on ne peut pas parler de génocide puisque jusqu’à présent aucune juridiction n’a pris de décision définitive. Outre que c’est factuellement faux en ce qui concerne la Cour Internationale de Justice dont les décisions constatent explicitement l’existence « d’un risque de génocide », c’est également une astuce grossière irrecevable. D’abord la question de la présomption d’innocence ne se rapporte qu’à des personnes physiques, et effectivement cette donnée sera applicable aux auteurs et complices du massacre à l’occasion des procédures pénales qu’ils subiront. Ensuite, comme l’apprennent les étudiants de première année, il y a quatre sources du droit. La loi (en la circonstance la convention), la jurisprudence, LA DOCTRINE et la coutume. La doctrine, tout à fait essentielle dans le fonctionnement du droit, est l’opinion des juristes professionnels qui travaillent à son élaboration. Leur portée générale est essentielle.
Tous les débats et en particulier ceux qui se sont déroulés devant la CIJ ont démontré que l’ensemble de la communauté mondiale des juristes internationaux considérait comme incontestable la qualification de génocide, pour à la fois le carnage de Gaza, mais également le comportement d’Israël vis-à-vis des populations dans les territoires occupés.
La responsabilité des soutiens occidentaux d’Israël
Le principal responsable des horreurs infligées au peuple palestinien est évidemment Israël, auteur principal. Mais la convention de 1948 impose aux états signataires des obligations internationale de prévention, c’est-à-dire de tout faire pour mettre fin au génocide en cours, mais également d’intenter poursuites et JUGEMENTS des auteurs et des complices. Ce sont des obligations internationales IMPÉRATIVES. Force est de constater que la France ne remplit pas ces obligations. Se pose alors la question de savoir si notre pays signataire de ladite Convention, qui ne remplit pas ses engagements internationaux en refusant d’intervenir pour faire cesser le carnage, se retrouve en situation de COMPLICITÉ.
La réponse est évidemment positive. La complicité est le fait, pour une personne, de faciliter ou de provoquer la commission d’une infraction par une autre personne (l’auteur principal), en connaissance de cause. En droit pénal, elle se caractérise par ce que l’on appelle « la fourniture de moyens », et en général il faut identifier des actes positifs. Dans la mesure où ne faisant rien pour faire cesser les génocides en Palestine COMME LUI IMPOSE LA CONVENTION DE 1948, le refus devient un acte positif et la France engage sa responsabilité propre. Et dans la mesure où cette défaillance est manifestement volontaire, et contribue à la commission du crime, la complicité est établie. Mais il y a plus, directement mais également par Union Européenne interposée, la France soutient l’effort militaire de l’État d’Israël utilisé pour le carnage de Gaza. Il y aura également des complicités pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés depuis le 7 octobre 2023.
Une fois cette horrible guerre terminée, outre une honte et un déshonneur désormais indélébiles, il est possible qu’il y ait du monde sur les bancs des accusés.
Alors, l’historicisation du génocide viendra après, par l’établissement de la vérité historique dont l’élaboration appartient aux historiens selon leurs règles. C’est bien la raison pour laquelle REFUSENT le débat juridique ceux qui, comme Marc Weitzmann et quoi qu’ils en disent, soutiennent le carnage de Gaza. Et glissent systématiquement sur le débat autour du concept historique. Parce qu’ils savent que la « vérité historique » est relative et n’a aucune portée opératoire.
IL NE FAUT PAS TOMBER DANS CE PIÈGE.
Avant de partir, merci de m’acheter un café !
Source : Regis’s Substack
https://regisdecastelnau.substack.com/…
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