Des soldats israéliens travaillent sur des chars dans une zone de rassemblement près de la frontière avec la bande de Gaza, dans le sud d’Israël, dimanche 18 mai 2025. [AP Photo/Ariel Schalit]

Par Andre Damon

Après le voyage du président américain Donald Trump en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et au Qatar la semaine dernière, Israël a lancé ce qu’il appelle la «conquête finale» de Gaza, alors que les États-Unis préparent activement le déplacement forcé du peuple palestinien hors de sa patrie historique.

Alors que la couverture médiatique du blocus et des massacres américano-israéliens organisés contre les Palestiniens a disparu des gros titres, d’innombrables articles mettaient en avant en première page l’«affront» commis envers Benjamin Netanyahou par Trump, qui n’avait pas visité Israël au milieu de «tensions» entre les deux gouvernements.

Cela a ouvert un espace politique permettant au comité éditorial du Washington Post – un exemple parmi tant d’autres – de saluer le voyage de Trump comme une suite de «victoires» dues à sa diplomatie «peu orthodoxe». Le Post a loué la « normalisation» des relations avec le gouvernement syrien, lié à Al-Qaïda, et ses «bons progrès» dans toute la région.

Pourtant, un objectif majeur de ce voyage était de poser les bases diplomatiques de ce que le gouvernement Netanyahou a qualifié de «manœuvres finales» à Gaza: l’occupation militaire totale de l’enclave, le déplacement interne de la population dans des camps de concentration sous surveillance armée, et l’expulsion forcée des Palestiniens hors de Gaza.

Le 5 mai, Netanyahou a annoncé l’«Opération Chariots de Gédéon» devant débuter après le départ de Trump du Moyen-Orient. Dimanche, l’armée israélienne a déclaré le lancement à grande échelle de l’opération, impliquant de nouvelles offensives terrestres majeures dans le nord de Gaza, des bombardements massifs et de nouveaux ordres de déplacement. Rien que dimanche, 144 personnes ont été tuées par les frappes aériennes israéliennes.

Parmi les personnes tuées au cours de la semaine écoulée figure le dirigeant du Hamas Mohammed Sinwar, frère de Yahya Sinwar, assassiné par Israël en octobre. La mort de Mohammed Sinwar a été rapportée par plusieurs médias, mais n’a pas encore été confirmée.

Le contenu de l’«Opération Chariots de Gédéon» a été formulé ainsi le 6 mai par le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich:

D’ici un an, Gaza sera entièrement détruite, les civils seront envoyés au sud dans une zone humanitaire, et de là, ils commenceront à partir en grand nombre vers des pays tiers.

Le lancement de l’opération a été accompagné de proclamations enthousiastes du gouvernement israélien, relayées par les médias américains, affirmant que «même à cet instant, l’équipe de négociation à Doha s’efforce d’explorer toutes les possibilités d’un accord» pour mettre fin à la guerre. Mais il a clairement indiqué que cet «accord» exigerait «l’exil des terroristes du Hamas et le désarmement de la bande de Gaza» – autrement dit, que les négociateurs du Hamas signent leur propre arrêt de mort.

Vendredi soir, dans un «Friday night news dump» classique qui n’a pas été repris par les grands médias, NBC a publié un article intitulé: «L’administration Trump travaille sur un plan visant à déplacer un million de Palestiniens vers la Libye».

L’article révèle que, pendant que Trump était au Moyen-Orient, son administration menait des négociations avancées avec la Libye et la Syrie, deux pays dont les gouvernements ont été renversés par des insurrections islamistes sponsorisées par les États-Unis.

NBC rapporte que:

L’administration Trump travaille sur un plan visant à relocaliser de façon permanente jusqu’à un million de Palestiniens de la bande de Gaza vers la Libye, ont déclaré à NBC News cinq personnes au fait du dossier. […] La Syrie, avec sa nouvelle direction suite à la destitution de Bachar el-Assad en décembre, est également envisagée comme lieu de réinstallation pour les Palestiniens actuellement à Gaza.

La chaîne a encore expliqué:

qu’en échange de la réinstallation des Palestiniens, l’administration pourrait débloquer des milliards de dollars de fonds destinés à la Libye que les États-Unis tiennent gelés depuis plus de dix ans.

L’article décrit avec des détails horrifiants l’ampleur des plans américains de nettoyage ethnique, qui ne correspondent à rien de ce qui a été entrepris par une puissance impérialiste depuis l’Holocauste. NBC écrit que «les fonctionnaires de l’administration étudient des options pour les loger [les Palestiniens] ; et toutes les méthodes possibles pour les transporter de Gaza à la Libye – par voie aérienne, terrestre et maritime – sont envisagées».

Elle ajoutait:

Jusqu’à 2 000 personnes peuvent monter sur les versions haut de gamme de certains des ferries que les États-Unis ont utilisés pour transporter des civils le long de la mer Méditerranée afin d’échapper à la guerre civile en Libye en 2011. Si ces navires étaient utilisés – et à condition qu’ils n’aient pas besoin de ravitaillement et que la météo soit favorable – il faudrait des centaines de trajets de plus d’une journée chacun pour transporter jusqu’à un million de personnes de Gaza à Benghazi.

L’article précise que les plans répétés de Trump pour nettoyer ethniquement et annexer Gaza, souvent rejetés comme des élucubrations par les médias américains, sont pris très au sérieux par l’administration. «Le plan en discussion fait partie de la vision du président Donald Trump pour un Gaza d’après-guerre», rapporte NBC.

Le 5 février, lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche avec Netanyahou, Trump avait déclaré: «Les États-Unis prendront le contrôle de la bande de Gaza, et nous allons aussi y faire du bon travail. […] Nous allons prendre cette partie […] nous allons la développer.» Quatre jours plus tard, le 9 février, il avait précisé: «Mais nous sommes déterminés à la posséder, à la prendre.» Le 11 février, lors d’une conférence de presse avec le roi Abdallah II de Jordanie, il avait ajouté: «Nous n’allons rien acheter. Nous allons avoir [Gaza], et nous allons la garder.»

Une étape clé vers la mise en œuvre de ce plan semble être un projet américano-israélien de prise en charge totale de l’approvisionnement alimentaire à Gaza, administré par la «Gaza Humanitarian Foundation» basée aux États-Unis.

Ce week-end, la radio de l’armée israélienne a cité le ministre de la Défense Israel Katz, selon lequel cette «fondation » commencerait « à distribuer de l’aide humanitaire le 24 mai ».

L’opération «humanitaire» a été condamnée par les Nations Unies comme une feuille de vigne pour l’occupation totale de la bande de Gaza. Le Secrétaire général Antonio Guterres a déclaré lors d’un sommet de la Ligue arabe ce week-end en Irak:

Je souligne que l’ONU ne participera à aucune opération d’aide dite humanitaire qui ne respecte pas le droit international et les principes humanitaires d’humanité, d’impartialité, d’indépendance et de neutralité.

C’est le sens de l’annonce dimanche par le cabinet de Netanyahou qu’Israël allait «introduire une quantité minimale de nourriture pour la population». Cette annonce, présentée par les médias américains comme une «avancée» due à la «pression» américaine, constitue en fait un élément central du plan américano-israélien d’occupation militaire de Gaza dans le cadre de la campagne de nettoyage ethnique.

Dimanche, le bilan du génocide à Gaza a atteint 53 339 morts, selon le ministère de la Santé de Gaza. Depuis le 2 mars, aucune nourriture, eau ou électricité n’est entrée à Gaza, provoquant une flambée de la malnutrition.

La semaine dernière, le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), soutenu par l’ONU, a averti que l’ensemble de la population de Gaza courait un «risque critique de famine». Le rapport a révélé que 244 000 personnes à Gaza sont déjà confrontées à une «catastrophe» alimentaire, la pire classification pour une famine de masse. Il s’agit d’une augmentation de 85 % par rapport au précédent rapport de l’IPC datant d’octobre 2024.

Ce week-end, les Nations unies ont annoncé que 300 employés de l’UNRWA, leur agence d’aide, avaient été tués par les forces israéliennes, franchissant un «seuil macabre». Le chef humanitaire de l’ONU, Philippe Lazzarini, a écrit sur Twitter que

la grande majorité du personnel a été tuée par l’armée israélienne avec leurs enfants et leurs proches: des familles entières anéanties. […] Les victimes étaient principalement des travailleurs de la santé et des enseignants de l’ONU.

(Article paru en anglais le 19 mai 2025)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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