Par Alex Lantier

Tôt mercredi matin, le cabinet ministériel israélien a approuvé une proposition d’échange d’otages et un cessez-le-feu de quatre jours dans sa guerre génocidaire contre Gaza. Les termes de l’accord négocié par le Qatar entre les responsables israéliens et américains d’une part, et l’administration du Hamas à Gaza d’autre part, n’ont pas été rendus publics. Toutefois, Washington et son allié israélien ont clairement l’intention d’obtenir tout au plus une brève accalmie dans l’assaut génocidaire mené contre la population de Gaza.

Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’entretenait avec ses ministres pour approuver ou rejeter l’accord, il a déclaré: «Nous sommes en guerre et nous continuerons la guerre jusqu’à ce que nous ayons atteint tous nos objectifs. Détruire le Hamas, faire revenir tous nos otages et faire en sorte que personne à Gaza ne puisse menacer Israël».

La stratégie de Netanyahou pour garantir que Gaza soit entièrement vulnérable face à Israël implique le blocus de l’eau, du carburant et des aliments à destination de Gaza, ainsi que l’application sans retenue d’une puissance de feu écrasante contre les civils, qui a déjà détruit la moitié des bâtiments de Gaza et coûté la vie à plus de 14.000 personnes. Les responsables israéliens ont élaboré des plans pour expulser de Gaza tous les Palestiniens qui survivraient au conflit, procédant ainsi au nettoyage ethnique de la région. Le cessez-le-feu accepté par Netanyahou ne marque aucun changement dans cette stratégie.

Il vise à donner aux forces de défense israéliennes (FDI) le temps de se regrouper, d’obtenir le retour d’une cinquantaine d’otages pris par les forces du Hamas lors du soulèvement du 7 octobre contre le blocus de Gaza, et d’endormir les protestations mondiales massives contre la guerre israélienne à Gaza.

Au cours des semaines qui ont suivi le 7 octobre, des millions de personnes ont manifesté dans le monde entier contre le génocide israélien à Gaza, soutenu par l’OTAN. Ce mouvement a ébranlé les gouvernements capitalistes du monde entier qui entretiennent des relations étroites avec le régime israélien. Cet accord ne représente en rien une tentative d’accéder aux demandes de ce mouvement, mais essaye d’être perçu comme accédant partiellement à ses demandes, tout en préparant des atrocités encore plus grandes. En effet, le jour même où les responsables israéliens et américains ont accepté l’accord, ils ont intensifié les menaces et les attaques contre Gaza, le Liban, l’Irak, l’Iran et la Russie.

La guerre contre Gaza ne doit pas être interrompue, mais stoppée. L’accord de cessez-le-feu indique la possibilité et la nécessité d’intensifier le mouvement pour arrêter la guerre contre Gaza, avant tout en mobilisant les travailleurs à l’international dans une lutte contre elle.

L’accord de cessez-le-feu approuvé par le cabinet ministériel israélien, quant à lui, stipule ce qui suit: «Le gouvernement israélien s’est engagé à ramener chez elles toutes les personnes enlevées. Ce soir, le gouvernement a approuvé les grandes lignes de la première étape pour réaliser cet objectif, où au moins 50 personnes enlevées — femmes et enfants — seront libérées sur une période de quatre jours, au cours de laquelle il y aura une accalmie dans les combats. … La libération de chaque dizaine de personnes enlevées supplémentaires se traduira par un jour de répit supplémentaire».

Pour souligner qu’il est opposé à tout arrêt de la guerre contre Gaza, il ajoute: «Le gouvernement israélien, Tsahal et les forces de sécurité poursuivront la guerre pour ramener toutes les personnes enlevées, achever l’élimination du Hamas et s’assurer que Gaza ne renouvelle aucune menace pour l’État d’Israël».

Six semaines après le début du conflit, il est évident que les plans de Netanyahou pour «éliminer» le Hamas et tuer tous ses membres impliquent la destruction de Gaza en tant que société fonctionnelle et le déclenchement d’une violence génocidaire pour achever la conquête du territoire.

Les premiers rapports partiels sur l’accord que le Qatar a négocié entre le régime Netanyahou, Washington et le Hamas permettent d’ores et déjà de dégager deux points essentiels.

Premièrement, il s’agit d’un accord intrinsèquement instable et fragile, auquel s’opposent des factions puissantes de l’élite dirigeante israélienne qui soutiennent ouvertement une politique génocidaire. Le ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, du parti d’extrême droite Otzma Yehudit, a dénoncé le cessez-le-feu comme un «désastre» et la décision du cabinet israélien de l’approuver comme une «idiotie».

Deuxièmement, l’accord n’annonce pas un changement de la part du gouvernement israélien ou de ses alliés en faveur d’une politique de paix. Il fait bien plutôt partie d’un plan d’escalade continue des opérations militaires d’Israël et de l’OTAN à travers le Moyen-Orient et sur l’ensemble de la masse continentale eurasienne alors que le système capitaliste plonge à nouveau l’humanité dans une guerre mondiale.

Peu avant l’annonce de l’accord de cessez-le-feu, Israël a lancé une nouvelle frappe aérienne sur le camp de réfugiés de Jabaliya, qui a été de façon répétée la cible d’atrocités. L’agence de presse palestinienne Wafa a rapporté que la frappe avait tué 33 personnes et en avait blessé des dizaines d’autres.

Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont également intensifié les bombardements sur la frontière nord d’Israël, au Liban. L’attaque israélienne a coûté la vie à trois employés de la chaîne de télévision Al Mayadeen qui a déclaré que les FDI avaient «délibérément» pris pour cible sa correspondante Farah Omar et son caméraman Rabih Me’mari. Tous deux, ainsi qu’un autre employé de la chaîne, ont été tués.

L’escalade de l’agression militaire israélienne contre Gaza, le Liban et d’autres régions avoisinantes va de pair avec l’escalade militaire de l’OTAN contre l’Iran, la Russie et la Chine.

Hier, le Pentagone a annoncé que des avions de guerre américains avaient bombardé des milices pro-iraniennes en Irak, qui avaient tiré sur les troupes américaines de la base aérienne d’al-Asad, dans l’ouest de l’Irak. Les forces américaines y sont stationnées depuis l’invasion illégale de l’Irak en 2003, dans le cadre des opérations de soutien à la guerre de changement de régime en Syrie, que l’OTAN mène depuis 2011.

Le porte-parole du Pentagone, le général de brigade Pat Ryder a déclaré: «Nous pouvons confirmer une attaque hier soir par des milices soutenues par l’Iran utilisant un missile balistique à courte portée contre les forces américaines et de la coalition à la base aérienne d’Al-Asad, qui a fait huit blessés et quelques dommages mineurs à l’infrastructure… Immédiatement après l’attaque, un avion militaire américain AC-130 a mené dans la région une frappe d’autodéfense contre un véhicule de la milice soutenue par l’Iran et un certain nombre de membres de la milice soutenue par l’Iran qui étaient impliqués dans cette attaque. Cette frappe d’autodéfense a entraîné la mort de plusieurs ennemis ‘KIA’ [ou ‘Killed in action’ en anglais (tués au combat)].

Les attaques de l’OTAN contre l’Iran et les forces pro-iraniennes font partie d’une guerre plus large, en fait mondiale, que l’OTAN mène contre l’Iran, la Russie et finalement la Chine, qui soutien l’Iran et la Russie. En effet, lors d’un séminaire en ligne destiné à la presse, le porte-parole de la Maison-Blanche pour la Sécurité nationale, John Kirby, a souligné que dans le cadre de la guerre contre Gaza Washington et ses alliés de l’OTAN intensifieraient leurs opérations militaires contre les forces russes et iraniennes en Ukraine et au Moyen-Orient.

Kirby a dénoncé la milice russe du groupe Wagner, qui, selon lui, s’apprête à fournir des systèmes de missiles antiaériens et d’autres armes essentielles aux forces libanaises ou iraniennes. «Wagner, sous la direction du gouvernement russe, s’apprête à fournir une capacité de défense aérienne au Hezbollah ou à l’Iran ».

«L’Iran pourrait se préparer à aller plus loin dans son soutien à la Russie», a-t-il poursuivi. «Nous sommes préoccupés par le fait que l’Iran envisage de fournir à la Russie des missiles balistiques destinés à être utilisés en Ukraine ». Il a clairement indiqué que l’OTAN, qui est déjà en guerre avec la Russie en Ukraine et qui tire sur les troupes iraniennes ou leurs alliés en Irak, en Syrie et au Liban, a l’intention d’intensifier ces guerres.

Nous sommes certainement prêts à utiliser nos pouvoirs de sanctions antiterroristes contre les individus ou les entités russes qui pourraient effectuer ces transferts déstabilisants», a-t-il déclaré, ajoutant: «Nous allons continuer à utiliser ces outils et d’autres à notre disposition pour démasquer et perturber le partenariat militaire en expansion des Russes et des Iraniens, aux côtés de nos alliés et partenaires».

De telles déclarations révèlent que la guerre génocidaire menée par Israël contre les Palestiniens est liée à des calculs politiques et géopolitiques bien plus vastes des puissances impérialistes de l’OTAN. Pour véritablement mettre fin au génocide contre Gaza, les travailleurs et les jeunes du monde entier doivent poursuivre et intensifier la lutte contre le militarisme et la guerre impérialiste.

(Article paru en anglais le 22 novembre 2023)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/articles/…