Par Karine Bechet-Golovko

Il y a un temps pour chaque chose. Aussi désagréable que cela puisse paraître, ce n’est pas le temps de la diplomatie. La Russie a beau s’évertuer à s’accrocher envers et contre tout, contre son intérêt même, aux mécanismes diplomatiques, c’est le temps du combat. Celui de la diplomatie reviendra ensuite, quand l’une des parties considèrera avoir perdu. En attendant, les diplomates sont instrumentalisés comme des munitions et s’ils ne savent pas se battre, ils feront perdre leur pays. Le monde atlantiste a clairement précisé la chose en expulsant les diplomates russes, en leur niant le statut de diplomates, en en faisant des espions. La France suit le mouvement et annonce des expulsions massives.

Le ministère français des Affaires étrangères l’a déclaré hier, la France entre dans la danse des expulsions de diplomates russes :

« La France a décidé ce soir de l’expulsion de nombreux personnels russes sous statut diplomatique affectés en France dont les activités sont contraires à nos intérêts de sécurité.

Cette action s’inscrit dans une démarche européenne.

Notre première responsabilité est toujours d’assurer la sécurité des Français et des Européens. »

Il s’agirait de 35 diplomates. En cela, la France souligne son allégeance à l’Atlantisme et suit les pays Baltes, l’Allemagne et, avant encore, d’autres pays européens comme la Belgique, les Pays-Bas, la République Tchèque ou la Slovaquie, faisant clairement passer le message : la Russie n’est plus un état fréquentable, elle est présentée en fait comme un Etat terroriste, donc elle n’a pas le droit d’avoir des diplomates, comme ses journalistes étaient requalifiés de propagandistes. La seule présence de diplomates russes dans l’espace satellite atlantiste pose manifestement un problème de sécurité, posé non pas par des diplomates (ce qui serait absurde), mais par des « espions ».

Que les pays satellites des Etats-Unis tiennent cette démarche est regrettable, mais logique. Que la Russie s’accroche à la diplomatie, alors que le conflit n’est pas épuisé, est contre-productif. Le temps de la diplomatie viendra, que la phase active du conflit ne présentera plus d’intérêt pour l’une des parties, c’est-à-dire quand elle reconnaîtra sa défaite. En attendant, les diplomates doivent être combatifs, car ce n’est pas le moment des compromis. En Ukraine et en Europe, ils l’on parfaitement compris. L’Ukraine mène réellement une guerre contre la Russie et, à travers elle, le monde atlantiste. La Russie, elle, veut rester dans le cadre d’une opération postmoderniste à connotation militaire. Ce décalage est parfaitement illustré par les déclarations de Lavrov, qui laissent songeur :

« Les négociations entre la Russie et l’Ukraine se déroulent de manière assez intensive, a déclaré M. Lavrov.

Moscou, a-t-il dit, espère que la partie ukrainienne dans les négociations sera guidée par ses propres intérêts et n’écoutera pas les conseillers. »

La diplomatie russe est très bonne en temps de paix, tant que le conflit reste politique, qu’il peut se régler par une joute oratoire. Mais depuis le glissement vers un conflit militaire, la diplomatie russe n’a pas été réorientée, elle est de plus en plus décalée.

Comment peut-on sérieusement parler de la défense par l’Ukraine de ses intérêts propres, quand le pays est totalement pris en main et que ses élites dirigeantes ne demandent qu’une plus grande soumission à l’OTAN et à l’UE ?  Comment peut-on sérieusement parler de négociations, quand les actes et les déclarations des pays atlantistes, qui soutiennent l’Ukraine, vont vers un réarmement en temps réel de l’Ukraine, vers une augmentation de la présence militaire de l’OTAN en Europe de l’Est, vers des attaques militaires du territoire russe ? Refuser la guerre ne permet pas de l’éviter, comme refuser le conflit pendant 8 ans n’a pas permis à la Russie d’éviter son embrasement. Bien au contraire, faire preuve de faiblesse politique est le meilleur moyen de provoquer un embrasement militaire : l’on n’attaque que les faibles. Et la force ne doit pas être démontrée uniquement militairement, il faut également une force politique, une unité des élites politiques, ce qui fait largement défaut en Russie, à l’inverse de l’Ukraine et des pays satellites atlantistes. Et là est sa plus grande faiblesse.

PS: La Pologne déclare être d’accord pour héberger des armes nucléaires américaines sur son territoire.

Source : Russie politics
http://russiepolitics.blogspot.com/…

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