Des personnes font la queue pour les tests COVID, le 14 mars 2022, à Pékin
(AP Photo/Ng Han Guan)

Par Evan Blake

Au cours de la semaine dernière, les infections à la COVID-19 ont atteint des niveaux record en Chine en raison de la pénétration du sous-variant Omicron BA.2, hautement infectieux et résistant au système immunitaire qui a évolué suite au refus de presque tous les gouvernements d’arrêter la pandémie. Fort du soutien populaire à la politique du «zéro COVID» qui vise à maintenir continuellement à zéro le nombre d’infections de COVID-19, le gouvernement chinois mobilise de vastes ressources pour endiguer l’épidémie et sauver des vies.

La Commission nationale de la santé de Chine a signalé lundi 5.154 nouveaux cas de COVID-19, dont 1.647 étaient asymptomatiques. Du 1er au 14 mars, on a identifié plus de 15.000 cas transmis localement, touchant 28 régions de niveau provincial. La recrudescence des infections a commencé début mars dans plusieurs provinces. Elle est centrée sur la province du Jilin, dans le nord-est, où se trouvent plus de 90 pour cent de tous les cas identifiés de l’épidémie actuelle.

Le 6 mars, jour où 526 nouveaux cas ont été signalés, les autorités ont jugé la situation «grave» et ont invité les habitants à faire preuve de prudence. Lundi, lorsque le Jilin a signalé 4.067 nouveaux cas, les responsables locaux ont averti que la situation restait «grave et compliquée», tout en promettant de mettre fin à la transmission dans un délai d’une semaine si possible.

Carte qui montre l’emplacement de tous les cas connus en Chine (à gauche) et les lieux du centre-ville de Pékin récemment visités par des personnes infectées (à droite) (Source: application Baidu Maps)

La Chine déploie presque toutes les mesures de santé publique disponibles, notamment les tests de masse, la recherche des contacts, l’isolement sûr de tous les patients infectés et la mise en quarantaine des personnes qui se sont trouvées en contact avec des patients infectés. Plus de 88 pour cent de la population du pays a reçu deux doses de vaccin, soit le sixième taux le plus élevé au monde, et le gouvernement dispose d’amples réserves d’anticorps monoclonaux et d’autres traitements.

Comme cela a été le cas en janvier 2020 en réaction à l’épidémie initiale de COVID-19 à Wuhan, en Chine, dans les jours qui ont suivi l’épidémie de ce mois-ci, cinq hôpitaux de fortune ont été construits à Changchun et Jilin, avec une capacité combinée de 22.880 lits. Un centre d’isolement de 6.000 lits sera construit d’ici la fin de la semaine. En outre, cinq provinces, régions autonomes et municipalités ont envoyé des équipes et des ressources médicales à Jilin.

Des centaines de millions de tests COVID-19 seront effectués dans tout le pays au cours des prochaines semaines. Dans la métropole du sud-est, Shenzhen, chacun des 17,6 millions d’habitants sera testé trois fois cette semaine. À Jilin, 12 millions de tests d’antigène rapide à domicile sont distribués aux résidents, qui recevront également plusieurs tests PCR.

Chaque patient symptomatique de la COVID-19 recevra des soins hospitaliers, tandis que les personnes asymptomatiques resteront dans des centres d’isolement sûrs. Tous les contacts étroits seront mis en quarantaine et se soumettront à des tests quotidiens à domicile pendant cinq jours, en plus de subir régulièrement des tests PCR.

Plus crucial encore, le gouvernement a mis en place des mesures de confinement partiel ou complet dans chaque ville où les infections sont les plus élevées, y compris toute la province du Jilin, ainsi que les métropoles de Shenzhen, Langfang, Dongguan, Shanghai, Xian et d’autres villes de taille petite à moyenne. Au total, on estime que plus de 50 millions de personnes ont reçu l’ordre strict de rester à la maison et que près de 40 millions de personnes sont en confinement partiel.

Ces confinements, décriés par les médias bourgeois parce qu’ils interrompent la production de bénéfices, impliquent la fermeture temporaire des lieux de travail non essentiels et des écoles afin d’endiguer la transmission virale aussi rapidement que possible. À Jilin et dans d’autres villes, seuls les lieux de travail essentiels restent ouverts, notamment les supermarchés, les pharmacies, les compagnies d’eau, de gaz, d’assainissement et de communication, ainsi que les fournisseurs de biens essentiels.

La majorité de la population chinoise soutient ces mesures de santé publique nécessaires pour arrêter la propagation de la COVID-19. Les premiers confinements de janvier-mars 2020 ont été très chaotiques en raison de la nouveauté de la situation. Mais, près de deux ans après la fin du confinement de Wuhan, le processus a été simplifié et est largement accepté.

Un modèle de prévision géré par l’université de Lanzhou, dans le nord-ouest de la Chine, prévoit que si toutes ces mesures sont maintenues, alors l’épidémie sera totalement contenue début avril, après que quelque 35.000 personnes auront été testées positives à la maladie. Jusqu’à présent, personne n’est décédé au cours de cette dernière épidémie. La Chine n’a enregistré que deux décès dus à la COVID-19 depuis le 16 mai 2020, alors qu’on estime à près de 20 millions le nombre de décès excédentaires attribuables à la pandémie en dehors de la Chine au cours des deux dernières années.

La poursuite agressive de l’objectif «Zéro COVID» en Chine continentale est influencée par la réaction désastreuse du gouvernement local de Hong Kong, ville et région administrative spéciale de Chine qui a refusé de mettre en place des mesures de confinement depuis que le BA.2 a provoqué une forte poussée d’infections et d’hospitalisations à la mi-février. Les taux de mortalité quotidiens sont montés en flèche et atteignent actuellement le record mondial de 37,68 décès par million d’habitants, en grande partie à cause du faible taux de vaccination des personnes âgées. Si la population âgée chinoise est légèrement plus vaccinée, près de la moitié des personnes de plus de 80 ans ne sont pas vaccinées.

Il reste à voir si la Chine parviendra à éliminer le virus une fois de plus, mais la réaction rapide et complète indique que cela se produira probablement malgré les caractéristiques particulièrement dangereuses du sous-variant BA.2. En cas de succès, cela prouverait une fois de plus que la propagation massive de la maladie et de la mort au-delà des frontières de la Chine n’était pas inévitable.

Le fait que la Chine ait dû éliminer le virus à plusieurs reprises et faire face à la menace constante de la réintroduction de la COVID-19 depuis l’étranger témoigne du caractère criminel de la réaction à la pandémie dans les pays capitalistes avancés, surtout aux États-Unis et dans l’Union européenne.

En refusant de mettre en œuvre la stratégie d’élimination lancée par la Chine et reproduite par de nombreux autres pays d’Asie-Pacifique en 2020, les élites capitalistes et leurs représentants politiques sont responsables de la mutation du SRAS-CoV-2 en de nouveaux variants toujours plus infectieux et qui échappent à l’immunité, d’Alpha à Omicron et tout ce qui suivra. Leur promotion du nationalisme vaccinal et le maintien des droits de propriété intellectuelle ont fait que 86 pour cent des habitants des pays à faible revenu n’ont jamais reçu de vaccin.

Depuis le début de la vague Omicron fin novembre, presque tous les pays en dehors de la Chine ont abdiqué devant la pandémie et ont levé toutes les mesures d’atténuation qui servaient à ralentir la propagation du virus. Ils ont restreint les tests, la recherche des contacts, la collecte et la publication des données, les directives d’isolement, et même les protocoles de port du masque les plus élémentaires. Affirmant à tort que la COVID-19 est désormais «endémique», les élites dirigeantes imposent une «nouvelle normalité» brutale d’infection massive sans fin, d’effets débilitants à long terme et de mort.

Par conséquent, les cas augmentent de manière exponentielle dans toute l’Europe, notamment en Allemagne, au Royaume-Uni, en France, en Italie, en Autriche, en Suisse et dans d’autres pays. Les hospitalisations sont en hausse au Royaume-Uni.

Aux États-Unis, BNO News a fait état lundi de 52.694 nouveaux cas officiels et de 1.478 nouveaux décès, soit près de la moitié du nombre cumulé de cas et un tiers du nombre cumulé de décès en Chine depuis le début de la pandémie. Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont discrètement noté que le BA.2 représente désormais 23,1 pour cent de toutes les infections séquencées, un pourcentage qui double presque chaque semaine. La surveillance des eaux usées entre le 24 février et le 10 mars a montré que 37 pour cent des comtés déclarants ont connu une augmentation de 100 pour cent ou plus de la présence d’ARN viral dans leurs eaux usées, tandis que 15 pour cent de tous les sites ont signalé une augmentation de plus de 1.000 pour cent.

La limite fondamentale de la politique chinoise du «zéro COVID» est son caractère national. Tant que la COVID-19 continue de se propager dans le monde, il est possible que de nouveaux variants plus infectieux, plus résistants au système immunitaire et plus virulents évoluent. Sans une stratégie internationale, la politique du Zéro COVID sera continuellement mise à mal.

Pour paraphraser le grand révolutionnaire marxiste Léon Trotsky, l’élimination de la COVID-19 dans les limites nationales est impensable. La fin de la pandémie commence sur la scène nationale, se déroule sur la scène internationale et s’achève sur la scène mondiale.

L’aggravation de la crise de la pandémie coïncide avec une crise géopolitique croissante déclenchée par l’invasion russe de l’Ukraine. Cette réaction désespérée du régime de Poutine à l’expansion de l’OTAN vers l’est depuis des décennies et la volonté de l’impérialisme américain de maintenir son hégémonie en encerclant la Russie et la Chine a profondément déstabilisé un ordre mondial déjà fracturé. Les deux crises, celle de la guerre et celle de la pandémie, alimentent la montée de l’inflation et l’instabilité économique, qui à leur tour provoquent la croissance de la lutte des classes au niveau international.

La seule voie à suivre pour résoudre la crise du capitalisme mondial est la révolution socialiste. La classe ouvrière internationale doit s’unifier au-delà des frontières nationales et organiser une puissante lutte mondiale pour arrêter la course à la troisième guerre mondiale, éliminer la COVID-19 dans le monde entier et reconstruire la société sur des bases socialistes.

(Article paru en anglais le 16 mars 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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