Un écran de télévision montre la preuve vidéo d’un agent de police de Grand Rapids qui lutte avec Patrick Lyoya et lui tire dessus, à l’hôtel de ville de Grand Rapids, le mercredi 13 avril 2022. Lyoya, 26 ans, a été abattu vers 8h10 le 4 avril, après ce que la police a déclaré être un contrôle routier.
(Département de police de Grand Rapids)

Par Niles Niemuth

Dans la poursuite de sa campagne de guerre contre la Russie à propos de l’Ukraine, la classe dirigeante américaine et ses médias ne cessent de proclamer le caractère sacré des «valeurs» américaines de liberté et de démocratie censées être défendues à l’étranger.

Cependant, à l’intérieur du pays, l’oligarchie capitaliste maintient un appareil barbare de répression et de violence.

Patrick Lyoya, un réfugié africain de 26 ans, ouvrier dans l’industrie automobile, s’est fait tuer en plein jour le 5 avril par un agent de police à Grand Rapids, dans le Michigan. Son délit présumé était de conduire avec une plaque d’immatriculation non enregistrée, une situation mineure et courante.

Des vidéos de spectateurs, les images des caméras corporelles de la police et une autopsie indépendante confirment qu’après une brève bagarre, le policier a tiré une balle à bout portant à l’arrière de la tête de Lyoya alors qu’il plaquait le jeune homme au sol. Malgré ces preuves évidentes, l’officier n’a pas été identifié publiquement, ni arrêté et encore moins inculpé.

Le père de Lyoya, Peter Lyoya, qui avait fait venir sa famille aux États-Unis en 2014 pour fuir la violence au Congo, a été choqué d’apprendre que son fils avait été tué. «Je ne pensais pas […] qu’un génocide existe dans ce pays», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse la semaine dernière. «Je ne savais pas qu’ici en Amérique on pouvait être exécuté par un policier».

Près de 600 personnes ont été tuées par la police lors de contrôles routiers depuis 2017, selon une analyse récente des données recueillies par Mapping Police Violence réalisée par le Guardian. Les meurtres lors de contrôles routiers représentent environ 10 pour cent des plus de 1.000 meurtres commis par la police chaque année. Parmi les exemples cités par le Guardianfigurent un homme tué par la police de Miami après s’être fait arrêter pour une plaque d’immatriculation périmée et un homme de Milwaukee tué après avoir apparemment omis d’utiliser son clignotant.

Depuis le début de l’année, il y a seulement eu quatre jours sans signalement de meurtre commis par la police quelque part aux États-Unis. Employée par l’État pour défendre les intérêts de la propriété privée et faire respecter un fossé toujours plus profond d’inégalités sociales, la police opère dans les quartiers populaires en tant que juge, jury et bourreau.   

Jeudi soir, les États de Texas et de Tennessee ont procédé à des exécutions quasi simultanées, tuant les hommes les plus âgés de leurs couloirs de la mort respectifs. Malgré l’opposition populaire à la peine de mort, les chambres mortuaires du pays continuent de fonctionner dans 27 États.   

Après plus de trente ans dans le couloir de la mort, Carl Wayne Buntion, 78 ans, a été attaché à une civière et a reçu une dose létale de pentobarbital, un barbiturique qui, lorsqu’on l’administre à forte dose, entraîne la mort par arrêt respiratoire. Les opposants à son utilisation comparent l’effet sur le sujet à la mort par noyade ou le fait d’être brûlé vif. Le fabricant danois de pentobarbital a bloqué la vente de ce médicament aux États américains qui appliquent la peine de mort.   

Oscar Franklin Smith, 72 ans, a été exécuté à l’aide d’une injection létale en trois temps, y compris un paralysant qui l’empêchait de se tordre de douleur ou de crier lorsque les drogues lui enlevaient la vie. Smith, reconnu coupable du meurtre de sa femme et de ses deux fils en 1989, avait clamé son innocence. Ses avocats n’ont pas pu présenter des preuves ADN qui, selon eux, l’auraient disculpé. La prison lui a servi un dernier repas à l’américaine composé d’un cheeseburger, d’une tranche de tarte aux pommes et d’une glace à la vanille.

La Caroline du Sud s’apprête à exécuter Richard Bernard Moore, 57 ans, par peloton d’exécution la semaine prochaine, après un sursis temporaire ordonné par la Cour suprême de l’État. Moore a eu le «choix» de mourir sur la chaise électrique ou par peloton d’exécution, et il a opté pour le peloton. Si son exécution se déroule comme prévu, ce sera la première exécution de ce type aux États-Unis depuis plus de dix ans.

Et le Texas doit exécuter Melissa Lucio, 53 ans, dans moins d’une semaine. Elle serait la dix-huitième femme exécutée depuis le rétablissement de la peine de mort aux États-Unis en 1976. Cette mère de quatorze enfants a été reconnue coupable de meurtre après la mort de son enfant de deux ans en 2007.

Lucio maintient son innocence et affirme qu’elle s’est trouvée contrainte de faire des aveux après six heures d’interrogatoire intense par la police. Les preuves présentées par ses avocats corroborent l’affirmation de Lucio selon laquelle l’enfant s’est fait mal en tombant dans un escalier.

Plus de 1.500 personnes ont été mis à mort aux États-Unis au cours des 46 dernières années. La majorité d’entre elles sont été exécutées par injection létale (1.365), suivie de l’électrocution (163), la chambre à gaz (11), la pendaison (3) et le peloton d’exécution (3). Bien que la Cour suprême ait mis fin à la peine de mort pour les mineurs en 2005, 22 personnes ont été exécutées après avoir été condamnées pour des crimes commis alors qu’elles avaient moins de 18 ans.

Selon le «Centre d’information sur la peine de mort» (Death Penalty Information Center), 187 personnes ont été libérées du couloir de la mort après avoir été reconnues innocentes du crime pour lequel elles avaient été condamnées. Cela représente une moyenne de près de quatre personnes condamnées à tort qui sont disculpées chaque année après avoir été placées en face de la mort par l’État. On ne saura jamais combien d’innocents ont été exécutés pour assouvir la soif de sang des procureurs, des juges et des politiciens.

Tel est l’état de barbarie dans lequel se déroule la vie quotidienne aux États-Unis, une société déchirée par des niveaux grotesques d’inégalité sociale et dominée par une élite capitaliste qui a montré à maintes reprises son indifférence et son hostilité à l’égard des vies des travailleurs.

L’appareil d’oppression intérieure s’étend bien au-delà des meurtres quotidiens de la police et des meurtres officiels de l’État.

Environ deux millions d’hommes et de femmes croupissent dans le réseau tentaculaire de prisons et d’établissements pénitentiaires de la nation, soit la plus grande population carcérale du monde. Dix millions de personnes passent par les prisons américaines chaque année. Beaucoup d’entre elles restent coincées derrière les barreaux avant même qu’on les reconnaisse coupables d’un crime parce qu’elles n’ont pas les moyens de payer leur caution.

Pendant ce temps, des milliers d’immigrants, dont beaucoup ne sont jamais accusés d’un crime, sont enfermés dans un réseau tentaculaire de centaines de prisons et d’établissements pénitentiaires simplement parce qu’ils n’ont pas les papiers nécessaires. Parmi eux, des dizaines de milliers d’enfants se trouvent soumis à l’isolement et aux mauvais traitements de leurs gardiens.

L’indifférence de la classe dirigeante américaine pour la vie s’est manifestée tout au long de la pandémie. Elle a laissé le virus mortel se propager largement, tuant au moins un million de personnes aux États-Unis et 20 millions dans le monde. La pandémie a fait chuter l’espérance de vie pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale. De l’autre côté, le marché boursier a atteint de nouveaux sommets, alimenté par une infusion de fonds de sauvetage et une orgie de profits liés à la pandémie.

L’État a ouvertement encouragé et promu des sentiments rétrogrades et antiscientifiques. La santé publique, en tant que domaine scientifique consacré à la protection et à l’éducation du public en matière de maladies, a été complètement mise de côté, étant vue comme un obstacle à l’accumulation des profits.

Cette indifférence s’exprime également dans les plus de 7.800 personnes qui sont mortes alors qu’elles étaient sans abri aux États-Unis en 2020. Cela signifie que près d’une vingtaine de personnes sont mortes chaque jour dans la rue, dans leur voiture, dans des bâtiments abandonnés ou des abris publics. Les décès dus aux armes à feu, autre indicateur d’une profonde crise sociale, approcheront les 45.000 en 2021, dont environ 24.000 suicides.

Le caractère de l’État américain est le reflet des profondes tensions sociales et de classe qui règnent au cœur du capitalisme mondial. Les États-Unis ont les plus hauts niveaux d’inégalité de tous les grands pays capitalistes.

La seule voie progressiste pour la classe ouvrière dans la lutte contre la guerre, la violence policière, la répression étatique et l’écrasante inégalité sociale est la lutte pour le socialisme.

Le Comité international de la Quatrième Internationale et le World Socialist Web Siteorganisent une réunion internationale en ligne du 1er mai afin d’élaborer un programme d’unification de la classe ouvrière dans la lutte mondiale contre le système capitaliste, qui est à l’origine de l’inégalité sociale et de tous ses maux.

Pour vous inscrire à la réunion en ligne du 1er mai, remplissez le formulaire ci-dessous ou visitez le site wsws.org/maydaypour plus d’informations.

(Article paru d’abord en anglais le 22 avril 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

Notre dossier États-Unis