Une image d’une prise de vue de CCTV montrant les forces israéliennes en pleine intrusion au QG de Defense for Children International – Palestine (DCI-P), dans le centre de la Palestine occupée,
le 18 août 2022. (Photo : DCI-P)

Par Tamara Nassar

Israël a désigné comme terroriste une organisation de défense des droits humains peu après que le département d’État des EU s’était enquis d’un rapport qui détaillait le viol d’un enfant palestinien par les autorités carcérales israéliennes.

Tamara Nassar, 6 décembre 2023

La révélation est venue de Josh Paul, l’un des directeurs du département d’État américain avant qu’il ne donne sa démission en octobre dernier. Lundi dernier, ce même Josh Paul était interviewé par Christiane Amanpour, de CNN.

Christiane Amanpour a évoqué les événements du 7 octobre, qu’elle a décrits comme « barbares » et « sauvages », citant entre autres les « récits de viol et de viol collectif ».

Josh Paul a dit des événements de cette journée qu’il s’agissait effectivement de « mille atrocités », mais il est revenu sur l’invocation par Christiane Amanpour disant que, ce jour-là, des combattants palestiniens avaient violé des Israéliennes.

Israël et ses alliés ont activé une nouvelle campagne médiatique, ressortant les allégations non vérifiées selon lesquelles les combattants du Hamas auraient commis des viols massifs d’Israéliennes lors de l’opération militaire du 7 octobre.

Malgré une couverture globale mettant en scène Hillary Clinton et des gens du même bord, Israël n’a pas fourni la moindre information sur les victimes spécifiques de violence sexuelle, ni n’a produit la moindre vidéo ou preuve médicolégale corroborant ces viols massifs qui, prétend-il, ont bel et bien eu lieu.

« Vous avez fait état de violence sexuelle », a dit Josh Paul lors de son interview par CNN.

« J’ai fait partie du processus de vérification des droits de l’homme concernant des armes destinées à Israël et une ONG appelée Defense for Children International – Palestine (DCI-P) a attiré notre attention, au département d’État américain, sur des violences sexuelles, en fait un viol, qui ont été perpétrées dans une prison israélienne de l’ancienne mission russe Moskobiyyeh>. »

La Moskobiyyeh, connue également sous le nom d’« Enceinte russe », est un centre d’interrogatoire et de torture installé à Jérusalem.

« Nous avons examiné ces allégations, nous croyons qu’elles étaient crédibles et nous les avons présentées à Israël, au gouvernement israélien. Et savez-vous ce qui s’est passé le lendemain ? Les FDI [l’armée israélienne] ont fait irruption dans les bureaux de DCI-P, ont emporté tous les ordinateurs et ont déclaré que l’organisation était une entité terroriste. »


DCI-P était l’une des six importantes organisations palestiniennes de défense des droits humains à avoir été déclarées « terroristes » par Benny Gantz, qui était à l’époque – octobre 2021 – ministre israélien de la Défense.

Le viol d’un enfant

L’enfant auquel Josh Paul fait allusion avait 15 ans, à l’époque.

Les forces d’occupation israéliennes l’avaient arrêté chez lui, dans le quartier d’Issawiyeh, à Jérusalem-Est occupée, au milieu d’une nuit de janvier 2021 et l’avaient emmené à l’Enceinte russe, où il avait été interrogé par un homme qui se faisait appeler le capitaine Kamel.

« Il m’a frappé à coups de pied et à coups de poing tout en me criant dessus et en disant que je devais lui dire ce que j’avais fait »,

avait rappelé l’adolescent. Il était accusé d’avoir lancé des pierres et des cocktails Molotov.

« Chaque fois que je lui disais que je n’avais rien fait, il me cognait dessus plus durement encore. Il m’a menacé de me secouer à l’électricité, mais je lui ai dit que je n’avais rien fait. »

L’adolescent avait affirmé que le même homme

« l’avait balancé par terre alors qu’il avait les yeux bandés et qu’il l’avait violé avec un objet »,

rapportait DCI-P. Le capitaine Kamel avait menacé de poursuivre cette violence sexuelle tant que le garçon n’aurait pas avoué.

Le garçon a déclaré que le capitaine Kamel l’avait alors coincé contre le mur et qu’il lui avait infligé une douleur intense dans les parties génitales.

« Il n’y a pas de mots pour décrire un tel moment »,

avait dit l’adolescent à DCI-P.

Le capitaine Kamel l’avait également menacé de poursuivre toute cette violence physique et sexuelle s’il mettait son avocat au courant de ce qui s’était passé.

Environ un quart d’heure après l’incident, le garçon avait eu la permission de voir son avocat pendant cinq minutes.

Il avait encore été interrogé dans les heures et les journées qui avaient suivi, avait fait l’objet de violences verbales et avait été contraint de signer des documents en hébreu, une langue qu’il ne comprenait pas.

Des prisonniers menacés de violence sexuelle

Quand les femmes et adolescents palestiniens ont été libérés de leur détention en Israël suite à l’échange historique entre Israël et le Hamas, le bureau des Nations unies pour les droits humains ont reçu des témoignages

« de détenus, hommes et femmes, menacés de viol en guise de représailles pour les attaques du 7 octobre ».

Le prisonnier libéré Ramzi al-Absi a raconté avec vivacité des conditions horribles subies par les Palestiniens à la prison du Néguev, dans le sud d’Israël, disant que les prisonniers étaient battus et assaillis sexuellement par les autorités israéliennes.

« Les détenus sont assaillis sexuellement, et cela va jusqu’au viol. Je n’exagère en aucun cas. Cela va jusqu’au viol !!! »,

avait-il dit.

Lama Khater, une Palestinienne libérée, a expliqué qu’elle avait été menacée de viol par ses interrogateurs israéliens.

« J’ai été traitée avec une grande brutalité et une cruauté excessive, au début de ma détention »,

a déclaré Lama Khater, ajoutant qu’elle avait été entravée, avec un bandeau sur les yeux et emmenée à l’interrogatoire sans savoir « qui me parlait ou qui enquêtait sur moi ».

« Ils m’ont fait des menaces de viol »,

a déclaré Lama Khater à un journaliste.

Quand le journaliste lui a demandé qu’elle en dise un peu plus, elle a déclaré :  « Honnêtement, j’ai été menacée de viol » en guise de représailles des événements du 7 octobre.

Elle a expliqué que son interrogateur israélien lui avait dit :

« J’ai ici une vingtaine de soldats présents, en ce moment »,

suggérant qu’ils pouvaient l’agresser sexuellement.

« Bien sûr, il était évident que le but était de m’intimider, ce qui signifiait qu’il s’agissait d’une séance d’intimidation psychologique. »

Fatima Amarneh, une autre Palestinienne libérée de sa détention en Israël, a expliqué par le menu à Al Jazeera comment les autorités carcérales israéliennes l’avaient battue et avaient tenté de lui enlever ses vêtements.

« L’interrogateur m’a battue et il a tenté d’arracher mes vêtements et, quand je me suis défendue, il m’a dit qu’il allait détruire ma famille en arrêtant ses membres »,

a-t-elle dit.

Une démission à cause des exportations d’armes vers Israël

Josh Paul a déclaré qu’il avait démissionné du département d’État en raison de la poursuite, de l’expédition et de l’intensification par les EU des « fournitures d’armes létales à Israël ».

Même Josh Paul – avec sa longue carrière au service de l’empire américain – n’a pu se convaincre que le tort commis par les EU pouvait être surclassé par le bien, pour reprendre ses propres termes.

« Nous ne pouvons être contre et pour l’occupation en même temps », avait-il écrit dans sa lettre de démission.

Josh Paul avait décrit les actions d’Israël comme une forme de nettoyage ethnique, d’apartheid et d’occupation, pas seulement à Gaza, également en Cisjordanie occupée.

« Se hâter à livrer davantage d’armes encore à un camp du conflit, c’est ce que j’appelle agir selon une vision courte, de façon destructive, injuste et contraire aux véritables valeurs que nous défendons en public et que je soutiens de tout cœur. »

Précédemment, Josh Paul avait servi comme coordinateur de la sécurité américaine à Ramallah, où se trouve le siège de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie occupée, où il avait travaillé à « faire progresser la gestion du secteur sécuritaire » au sein de l’AP et à « assurer la liaison avec les forces d’occupation israéliennes ».

En d’autres termes, Josh Paul opérait comme facilitateur américain de ce qu’on appelle par euphémisme la « coordination sécuritaire ».

Il s’agit de la coopération, financée par les EU, des renseignements et des forces de sécurité de l’AP avec les forces israéliennes et la police secrète du Shin Bet afin de réprimer toute résistance palestinienne à l’occupation.

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Publié le 6 décembre 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

Source : Charleroi pour la Palestine
https://charleroi-pourlapalestine.be/…