Par Leila Mazboudi

De pire en pis, l’état de santé de la détenue palestinienne Isra’ Jaabis qui croupit dans la prison israélienne de Damon depuis 6 ans se détériore sans cesse.

Il suffit de la voir pour s’en rendre compte. C’est comme si le feu qui a brûlé 60% de son corps depuis 6 ans ne s’est jamais éteint.

continue de dévorer son corps. C’est visible sur son visage surtout. Une simple comparaison entre ce qu’elle était et ce qu’elle est devenue suffit à le montrer.

Et ses mains, elles n’ont plus de doigts. Ils ont fondu comme de la cire. Ils collent de plus en plus au fur et mesure que le temps passe. Et l’opération tarde à venir. Le même processus touche les autres parties de son corps, notamment son dos. Ses brûlures sont au troisième degré.

La cause de cette dégradation n’est autre que la négligence médicale préméditée, nouvelle arme de guerre qu’Israël utilise contre les Palestiniens en détention. Celle que les Palestiniens appellent la mort lente, ou la mort en tenue blanche. L’entité sioniste laisse les maladies les dévorer. Elle est soupçonnée aussi d’en accélérer le processus.

Depuis six ans qu’Isra est emprisonnée, les hospitalisations et les traitements ne sont pas venus à bout de ses brûlures.

Etudiante en deuxième année d’éducation à la faculté de la localité Beit Hanina au nord d’al-Qods, et travaillant avec les personnes âgées, elle se rendait ce 11 octobre 2015 à son nouveau domicile à al-Qods, sur la route menant de la ville d’Ariha où elle habitait avec son mari et son fils Moetassem qui avait 5 ans à cette époque.

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« Je déménageais quelques affaires vers mon nouvel appartement, a proximité de mon lieu de travail. Ce jour-là je transportais une bonbonne de gaz et un appareil télévisé », a-t-elle raconté à son avocat Tarek Bargouth, rapporte l’Association Addameer ( La conscience en arabe) qui s’occupe des détenus palestiniens dans les prisons israéliennes.

« Arrivée à hauteur de la colonie de Maalé Adommim, le ballon d’air de la voiture situé à proximité du volant a éclaté et la voiture a pris feu sans que je m’en rende compte. Je suis sortie de la voiture pour demander au secours à des policiers de l’occupation qui étaient à proximité de l’incident ».
« L’un d’entre eux a brandi une arme devant moi en criant en hébreux « jette le couteau ». Mais je ne portais pas de couteau », poursuit-elle. Elle n’avait d’ailleurs plus de doigts.
« Un autre policier a commencé à crier ouvrez le feu » alors que son corps était en train de brûler.
« Je suis restée à terre sans vêtements jusqu’à l’arrivée de l’ambulance », s’est-elle rappelée… Elle a perdu connaissance pendant le trajet. Ses souffrances étaient insupportables.

Et là, a commencé son supplice à l’hôpital de Hadassah, selon Addameer. En plus de ses douleurs qui n’ont jamais été soulagés,  elle était toujours tenue dans l’incertitude de son état de santé et de son sort. Comme pour lui donner des faux espoirs.

« Les médecins refusaient au début de l’informer de son état de santé. Ils lui disaient que tout allait bien. Ou ils lui répondaient à la hâte et s’en allaient. Lorsqu’elle a rencontré son avocat Tarek Barghout, elle était la plupart du temps ligotée au lit

de sa main gauche et de son pied droit au lit. Par la suite, ils ont lâché sa main mais gardé son pied attaché au lit. Même quand elle allait aux toilettes ils la ligotaient. Elle est restée de la sorte pendant deux mois et demi sans que l’on sache quel est son état de santé », poursuit l’association rapportant l’histoire de son avocat.

Un autre épisode de souffrances lui a été infligée dans le deuxième hôpital où elle a été transportée, celui de Ramlah. Les médecin et infirmiers qui venaient pour lui changer les pansements de ses blessures et ses brûlures ne lui donnaient qu’un seul tube de pommade pour alléger les douleurs, alors qu’elle avait besoin de beaucoup plus.

Elle a été placée dans le service des hommes condamnés pour des délits sécuritaires, surveillée à longueur de journée par une caméra installée dans sa chambre, sans aucune considération pour son intimité, sous la surveillance de la gardienne de sa chambre qui ne ratait aucune occasion pour l’humilier et la harceler.

Pendant son interrogatoire intervenu alors qu’elle était encore à l’hôpital, on lui faisait subir toutes sortes d’humiliations, tout pour la briser.
« Regarde mes beaux doigts, j’ai des doigts mais tu n’en as pas », la narguaient une femme-officier israélienne qui participait à son interrogatoire. Elle lui répondait, moi j’en avais mais ils ont été coupés », raconte Mona sa sœur.
« Certains enquêteurs lui disaient que ses parents l’avaient abandonnée et ne veulent plus la voir. Ils ne lui disaient pas qu’on s’était acharnés pour la voir. Ils lui apportaient un miroir pour qu’elle regarde son visage », poursuit-elle en larmes.

Mona raconte lorsque ses parents sont venus la voir pour la première fois, dans la prison militaire Hasharon, des moments d’une douleur inoubliable.
« Lorsque mon père s’était approché d’Isra en la regardant, il avançait puis revenait et lui disait qui es-tu toi ? elle lui a répondu : « je suis Isra, Papa, mon visage est déformé mais je suis Isra Papa… Je suis Isra »

Dans une lettre qu’elle a adressée à sa sœur trois ans plus tard, en 2018, il semble qu’on la garde toujours dans l’incertitude sur son sort, sur les opérations qu’elle devrait subir. A cette époque, les médecins de l’hôpital Hadassah lui avaient dit qu’ils allaient séparer les doits de ses mains, restés collés. Or il s’est avéré qu’ils l’ont opérée de l’œil et des aisselles qui étaient également collées.
Là aussi, ils la ligotaient au lit avec des menottes serrées qui la blessaient tellement sa peau était fragilisée par les brulures. Jamais ils n’acceptaient de les lui élargir.  Un moyen de la faire souffrir davantage.

Mêmes les militaires de l’unité Nahshon qui étaient chargés de l’emmener au Tribunal central de Jérusalem, pendant son procès, ils l’insultaient dans la véhicule, et lui confisquait ses pilules analgésiques. Ils venaient la prendre à 2 heures après minuit et ne la ramenaient que vers minuit.

Au début, la police israélienne avait conclu qu’il s’agissait d’un accident normal. Mais elle n’a pas tardé à changer de version accusant Isra d’avoir voulu s’attaquer aux soldats.
Son procès s’est poursuivi pendant un an. Un chef d’accusations lui a été attribuée : celui d’avoir voulu exécuter une opération et tentative d’homicide au moyen d’une bonbonne de gaz.

« Il n’y a pas eu d’explosion. Mêmes les vitres de la voiture n’ont pas été brisées. C’est la preuve tangible qu’il n’y a pas eu d’explosion et qu’il n’y avait pas d’explosifs », a nié Isra. Sans pour autant convaincre les juges israéliens.

Elle a été condamnée à 11 ans de prison et à une contravention de 50 mille shekels, en octobre 2016.
« Elle a des raisons nationales pour tuer les Israéliens », a conclu le procureur de l’occupation se fiant à ses post sur Facebook. Elle y défendait les droits usurpés de son peuple.

« Je souffre de négligence médicale. Je suis privée du traitement approprié et des opérations chirurgicales nécessaires pour alléger mes souffrances », déplore toujours Isra.
Selon sa sœur , aujourd’hui Isra a besoin de 8 opérations vitales, hormis celles esthétiques. « Pour au moins manger et boire convenablement et marcher sans trop de douleurs. Elle a des douleurs dans tout le corps. Elle souffre d’une chaleur constante dans son corps comme s’il brûle toujours. Ses collègues en prison lui allument le ventilateur même en hiver. Même la pilule d’analgésique administrée, on ne la lui donne que lorsqu’elle ne peut plus soulager ses douleurs. On lui donne en revanche des médicaments neurotoxiques qui ne sont administrés que pour les gens qui ont des troubles cérébraux ce qui met en danger sa vie ».

Isra fait tout pour résister. Pour sortir de prison et voir son fils Moetasem qui l’attend. Depuis qu’elle est partie il n’est plus le même.
« Il passe des heures en silence », raconte sa tante avec qui il vit désormais. « Lorsqu’il regarde un clown à la télé, il se met à rire d’une façon hystérique et en même temps il pleure et fond en larmes ».
« Il ne joue pas. Il attend la sortie de sa mère pour jouer avec elle. Il garde soigneusement dans son armoire un costume traditionnel qu’elle lui avait acheté. C’est un costume pour un jeune garçon de 16 ans », précise-t-elle.
Il devrait avoir cet âge lorsque viendra la date de sa libération, en 2026.

Mais tout porte à croire qu’Israël fait tout pour qu’Isra succombe avant cette date. Comme ce fut le cas avec d’autres détenus.

Depuis début septembre, une campagne a été lancée en vue de sa libération.
Sauvez Isra…  Liberté pour Isra et tous les détenus… les slogans et appels fusent sur la Toile
« C’est un crime parfait contre Isra, celui que commettent les occupants israéliens. Ils l’on laissée brûler, puis ils l’ont condamnée injustement, et maintenant ils la tuent à petit feu, par négligence médicale », a commenté un internaute, très affligé par son histoire.
Tous sont complices : les policiers, les juges, les geôliers,les militaires… et les médecins aussi, conclut-il

Pour de nombreux, Isra est la Joconde de la Palestine.

L’histoire de supplices est celle de son peuple, et de sa patrie…  C’est l’histoire d’une usurpation dans ses formes les plus inhumaines.

C’est aussi l’histoire d’un silence qui n’est plus permis.

« Nous sommes ta voix »…

Source: Médias

Source : Al Manar
https://french.almanar.com.lb/…