Les huit grévistes de la faim: En haut, de gauche à droite: Qesser Zuhrah, Amu Gib, Heba Muraisi, Jon Cink. En bas, de gauche à droite : Teuta Hoxha, Kamran Ahmed, Lewie Chiaramello, Umer Khalid [Photo: Prisoners for Palestine]
Par Robert Stevens
Quatre jeunes prisonniers politiques pro-palestiniens courent toujours un grave danger de mourir de faim en prison, victimes du gouvernement travailliste britannique, alors qu’ils poursuivent une grève de la faim qui dure depuis près de deux mois.
Kamran Ahmed, Heba Muraisi, Teuta Hoxha et Lewie Chiaramello poursuivent leur grève de la faim après que trois autres – Amu Gib (49 jours), Qesser Zuhrah (48 jours) et Jon Cink (38 jours) – ont interrompu leur grève le 23 décembre. Umer Khalid, l’autre des huit grévistes de la faim d’origine, a mis fin à son action après 13 jours.
Au jour de Noël, Heba Muraisi avait passé 53 jours sans nourriture, Teuta Hoxha 47 jours, Kamran Ahmed 46 et Chiaramello 32. La mort survient généralement entre 60 et 70 jours sans nourriture, mais peut survenir plus tôt en fonction de la santé de l’individu et de sa situation.
Vendredi, un groupe d’experts des Nations Unies, dont Gina Romero, rapporteure spéciale des Nations Unies sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association, et Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation dans les territoires palestiniens occupés, sont intervenus pour dénoncer le traitement réservé aux manifestants par le Premier ministre travailliste Keir Starmer. Dans leur déclaration, ils ont affirmé: «Ces informations soulèvent de graves questions quant au respect du droit international des droits de l’homme et des normes internationales, notamment l’obligation de protéger la vie et de prévenir les traitements cruels, inhumains ou dégradants.» Ils ont ajouté: «Les décès évitables en détention sont inacceptables. L’État est pleinement responsable de la vie et du bien-être des personnes qu’il détient […] Il est urgent d’agir».
Le gouvernement travailliste est à la tête d’une campagne mondiale de répression étatique contre l’opposition au génocide israélien à Gaza.
Aucun des manifestants, actuellement en détention provisoire, n’a été reconnu coupable de quoi que ce soit. Ils ont tous subi des mauvais traitements et des blocages injustifiés de leurs communications avec l’extérieur, en raison de l’affirmation arbitraire et injuste du tribunal que les charges retenues contre les personnes arrêtées lors des manifestations de Palestine Action (PA) auraient un «lien terroriste».
En violation du délai légal de six mois pour la détention provisoire, tous les grévistes de la faim sont maintenus en détention provisoire depuis plus d’un an – Qesser Zuhrah étant détenu depuis 16 mois. Ils exigent une libération sous caution immédiate, le droit à un procès équitable, la fin de la censure de leurs communications, la levée de l’interdiction de Palestine Action et la fermeture de tous les sites britanniques gérés par Elbit, le principal fabricant d’armes israélien.
Le ministre de la Justice, David Lammy, a refusé toutes les demandes de rencontre formulées par les avocats et le représentant des familles des grévistes de la faim. Ces derniers sont en détention provisoire dans l’attente de leur procès, dans le cadre de l’affaire des 24 de Filton,(article en anglais) pour leur implication présumée dans une manifestation de Palestine Action organisée en août 2024 à Elbit, près de Filton non loin de Bristol. Certains sont également accusés d’avoir participé à une manifestation en juin 2025 sur la base aérienne royale de Brize Norton, dans l’Oxfordshire, où deux avions militaires de ravitaillement ont été aspergés de peinture rouge.
Au cours des 26 derniers mois, la criminalisation de l’opposition au génocide de Gaza s’est intensifiée en Grande-Bretagne, les principales puissances impérialistes ayant laissé carte blanche à Israël pour commettre certains des pires crimes de guerre de ce siècle.
Plus de 2 700 personnes ont été arrêtées en seulement quatre mois en vertu de la loi antiterroriste de 2000 pour avoir manifesté pacifiquement contre l’interdiction de Palestine Action. Les manifestations sont soumises à des conditions strictes, les manifestations contre le génocide étant qualifiées de «marches de la haine».
Ces mesures se reproduisent dans nombreux pays avec descentes de police sur les campus et arrestations d’étudiants, aux États-Unis comme ailleurs.
Une étude publiée en octobre par la Fédération internationale pour les droits de l’homme (FIDH) – portant sur le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et l’Allemagne – a noté que les manifestations dans ces pays étaient «des indicateurs forts d’une prise de conscience mondiale croissante du génocide en cours et des violations systématiques du droit international, et de la nécessité cruciale d’une action citoyenne là où les gouvernements restent complices ou inertes».
La FIDH ajoutait: «Pourtant, comme le montre ce rapport, ces manifestations de solidarité se heurtent à une répression généralisée, non seulement sous les régimes autoritaires, mais aussi dans des démocraties libérales qui prétendent depuis longtemps défendre les droits humains.» Elle notait que les quatre pays en question avaient instrumentalisé la législation antiterroriste pour réprimer les manifestations légitimes contre l’offensive israélienne à Gaza et en Cisjordanie occupée.
Le traitement brutal infligé par le gouvernement travailliste britannique marque un tournant décisif dans la dérive autoritaire et dictatoriale. Dès le départ, il a clairement indiqué qu’il ne prendrait en compte aucune des revendications démocratiques légitimes des prisonniers politiques. Au contraire, Starmer, Lammy et le ministre de la Santé, Wes Streeting, ont tous refusé d’intervenir pour empêcher une mort des grévistes de la faim.
Il y a plus de deux semaines (le 10 décembre), les avocats de plusieurs des grévistes ont exprimé leur mécontentement de façon incisive dans une lettre adressée à Lammy: « Si cette situation perdure sans solution, il existe un risque réel et de plus en plus probable que de jeunes citoyens britanniques meurent en prison, sans même avoir été condamnés pour une infraction.»
Mais ni les hospitalisations répétées des grévistes de la faim, ni la menace, le 22 décembre, d’une action en justice devant la Haute Cour par des avocats contestant le refus de Lammy de rencontrer leurs représentants n’ont réussi à faire reculer le premier ministre.
Au lieu de quoi, ministres et députés ont déserté le Parlement pour les vacances de Noël le 18 décembre, pour ne revenir que le 5 janvier. Ceci dans des conditions où l’un des derniers grévistes de la faim, Kamran Ahmed, perd, selon sa sœur, jusqu’à un demi-kilo par jour.
La gréviste de la faim Qesser a déclaré qu’ils étaient confrontés à un « gouvernement qui pense qu’il est approprié de ‘faire une pause pour Noël’ alors que 8 de ses citoyens meurent de faim dans leurs cellules, tandis que Gaza meurt de faim […] tout cela à cause de l’engagement persistant et nauséabond du gouvernement britannique en faveur du projet sioniste le plus injuste».
Les agissements barbares de Starmer rappellent ceux du gouvernement conservateur de Margaret Thatcher, qui avait laissé mourir de faim dix républicains irlandais – le plus fameux étant Bobby Sands – lors de la grève de la faim de 1981 à la prison de Long Kesh. Cette grève protestait contre la révocation par le gouvernement britannique du statut spécial accordé aux prisonniers de guerre politiques. Sands mourut de faim alors même qu’il était élu à la Chambre des communes, en même temps que deux autres prisonniers républicains (dont un gréviste de la faim) étaient élus au Dáil Éireann [Parlement irlandais].
L’opposition à ce crime historique du Parti travailliste est quasi inexistante dans ce parti, comme au Parlement en général. Seuls 62 députés, moins d’un dixième des 650 que compte la Chambre, ont signé une motion parlementaire demandant à Lammy d’«intervenir d’urgence pour garantir un traitement humain aux grévistes de la faim et le respect de leurs droits fondamentaux». Parmi eux, seuls 31 députés travaillistes sur 404 l’ont signé (7 pour cent).
Les travailleurs et les jeunes doivent se mobiliser, en Grande-Bretagne et à l’international, contre l’attaque la plus concertée jamais lancée contre la défense des droits démocratiques. Les bases de cette riposte politique ont été exposées dans une analyse publiée en juillet dernier par Chris Marsden, président national du Socialist Equality Party britannique. Celle-ci explique que la transformation d’un parti, né de la lutte pour le droit des travailleurs à s’organiser et à faire grève contre leurs employeurs en fer de lance de la pire atteinte aux droits démocratiques de l’histoire britannique:
ne peut être attribuée à quelques mauvais dirigeants. Starmer, ancien avocat des droits de l’homme devenu fanatique de droite et son gouvernement sont bien plutôt le produit d’une profonde transformation des fondements mêmes du capitalisme mondial…
Le capitalisme est plongé dans une crise existentielle dû à ses contradictions inhérentes: contradiction avant tout entre un système de production mondialement intégré et un monde divisé en États-nations antagonistes, fondés sur le maintien de la propriété privée des moyens de production. Pour maintenir son pouvoir et ses immenses privilèges, la bourgeoisie de chaque pays impérialiste doit mener la guerre commerciale et militaire à l’extérieur et la guerre de classe à l’intérieur pour assurer sa compétitivité face à ses rivales.
Cette politique est incompatible avec une préservation des droits démocratiques. Ceux-ci sont en train d’être démantelés sous l’impulsion des attaques menées contre les manifestations anti-génocide et contre les migrants.
Le gouvernement travailliste de Starmer prouve que la marche vers la dictature de Trump aux États-Unis n’est que l’expression la plus aboutie d’une marche forcée vers l’autoritarisme d’extrême droite qui a lieu dans le monde entier.
Les travailleurs et les jeunes, en Grande-Bretagne et à l’étranger, doivent exiger la libération immédiate des grévistes de la faim et de toutes les personnes détenues sans inculpation pour avoir manifesté pacifiquement, ainsi que la levée de l’interdiction visant Palestine Action.
L’expérience amère faite à travers le monde montre que les protestations se limitant à faire pression sur les gouvernements impérialistes complices de tous les crimes du régime fascisant de Netanyahou sont insuffisantes. Il est impératif de construire un nouveau mouvement anti-guerre, fondé sur des principes socialistes et internationalistes, et s’appuyant sur la classe ouvrière – la véritable force révolutionnaire dans la société – agissant indépendamment de toute faction de l’élite dirigeante.
(Article paru en anglais le 27 décembre 2025)
Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

