Communiqué de la CGT France TV
Jamais un porte-parole d’une armée étrangère n’a disposé d’une tribune aussi large sur les médias français pour déballer ce que l’on ne peut qualifier autrement que de propagande. Et franceinfo TV n’est pas en reste, puisque ce colonel de l’armée israélienne intervient très régulièrement sur nos antennes, interrogé au cours de longues interviews qui durent parfois plus de dix minutes, avec une déférence qui ne laisse pas d’étonner.
La médaille militaire pourrait être décernée à la chaîne pour sa tranche 14/16 du 28 juin 2025, lorsqu’Olivier Rafowicz est complaisamment appelé « Mon Colonel », comme si journaliste et officier faisaient partie du même métier. Il s’agit pourtant d’une marque de respect qui concerne les militaires entre eux. C’est ainsi qu’un trouffion doit s’adresser à son supérieur, pas un civil, encore moins un journaliste !
Qu’un porte-parole d’une armée en guerre soit interviewé peut être justifié bien évidemment. Là n’est pas le problème. Mais quand cette armée est accusée de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité par les Nations Unies, quand les deux principaux dirigeants de son gouvernement, Benyamin Netanyahou et Yoav Galant, l’ancien Ministre de la Défense, sont poursuivis par la Cour Pénale Internationale pour les mêmes chefs d’accusation, quand la Cour Internationale de Justice reconnaît le risque de génocide à Gaza, il y a un minimum de précautions à prendre, que la direction de franceinfo TV semble ne pas avoir encore bien intégrée dans sa ligne de conduite.
Notre chaîne ne doit pas servir de plateforme d’expression pour les responsables de tueries et de massacres à grande échelle. Ce point fait déjà partie des chartes déontologiques de grands médias comme l’AFP. Il devrait être discuté avec les organisations syndicales en Commission déontologie. Pour le représentant d’une armée qui commet des crimes de guerre, la CGT considère qu’un extrait de 30 secondes, pas plus, encadré par les précautions d’usage, devrait être la norme. Pas ces interventions interminables qui s’installent sur nos plateaux comme une figure imposée.
« L’opinion, ça se travaille ! »
Mais indépendamment de l’éthique, les interventions à tort et à travers d’Olivier Rafowicz sur nos antennes posent aussi un problème de crédibilité. La direction de franceinfo TV ne se souvient sans doute pas de la phrase célèbre d’un porte-parole de l’OTAN, Jamie Shea, au moment de la guerre du Kosovo : « L’opinion, ça se travaille ». Il expliquait que son service de presse avait alors une méthode bien rôdée pour répondre aux médias lorsque les forces de l’OTAN avaient commis une bavure. Il disait que les faits ne sont pas encore clairement établis mais qu’une enquête est en cours. Olivier Rafowicz ne fait pas autre chose lorsqu’il répond aux questions des journalistes sur le bombardement d’un hôpital ou d’une équipe humanitaire. Il fait diversion, tout en sachant bien que lorsque la vérité sera faite, les médias seront passés à autre chose.
Un média de référence comme franceinfo TV – ainsi le qualifie notre Présidente – devrait savoir qu’une armée ne délivre pas d’informations. L’information est pour elle une façon de faire la guerre par d’autres moyens : la guerre psychologique et informationnelle. Au mieux, elle déforme les faits, au pire, elle propage des fake news, dont le colonel Rafowicz s’est fait une spécialité.
« Pas de famine à Gaza »
Sur internet, on peut toujours l’écouter parler des bébés décapités et des femmes éventrées par le Hamas le 7 octobre, fausses informations qui ont servi à justifier la réplique impitoyable de Tsahal sur Gaza. On peut le voir affirmer sans preuves que les journalistes assassinés par l’armée israélienne sont des membres de la branche armée du Hamas. Sur franceinfo TV, le 30 mai 2025, il explique tranquillement que la proportion de civils et de combattants tués est de 50/50. Puis, lorsqu’un document provenant de l’armée israélienne révèle que 83 % des morts à Gaza sont des civils, il prétend sur nos antennes que ces chiffres proviennent du Hamas. Fin août encore sur franceinfo TV, après avoir affirmé qu’il n’y avait pas de famine à Gaza, il prétend que c’est l’ONU qui refuse de distribuer l’aide, alors qu’il suffit d’interroger les organisations humanitaires pour savoir que c’est l’armée israélienne qui affame la population en rendant la distribution impossible.
Alors bien sûr, la contradiction est apportée par des invités en plateau, ou par des reportages sur le terrain. Mais la véracité des propos d’un expert indépendant ou d’un·e journaliste de France Télévisions, et celle d’un colonel de n’importe quelle armée du monde, n’est pas la même. Il y a une différence de nature. L’un·e recherche la vérité, l’autre cherche à influencer. Rafowicz n’est pas un invité comme les autres. Et à ce compte-là, pourquoi ne pas donner un temps de parole équivalent à un représentant de l’Autorité palestinienne, ou à tout autre dirigeant palestinien qui n’appartient pas à une organisation classée en Europe comme « terroriste » ?
Il n’est pas acceptable de laisser un militaire s’exprimer aussi librement, alors que sa propre armée interdit à tout journaliste étranger de se rendre à Gaza. Tout ce qu’il raconte ne peut être vérifié et n’a donc pas sa place sur nos antennes.
« J’ai les noms ! »
Le très médiatique Rafowicz s’imagine sans doute avoir le bras assez long pour tenir les rédactions en laisse. Il tance un journaliste de franceinfo TV qui ne pose pas les bonnes questions à son goût. Il menace d’autres collègues qui travaillent avec des reporters de Gaza en lançant à l’antenne de BFM TV : « J’ai les noms ! ». Va-t-il les faire virer, ou leur mettre une cible dans le dos ? Qu’il se rassure, la CPI aussi à son nom, et celui de tous les médias qui ont collaboré avec lui.
La CGT de FTV demande avec la plus grande fermeté que, contrairement à la pratique en vigueur depuis de trop longs mois, les passages à l’antenne des communicants de l’armée israélienne renouent avec les règles déontologiques qui font référence en la matière.
Paris, le 5 septembre 2025
Source : CGT FTV
https://www.snrt-cgt-ftv.org/…
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