Par JB pour l’Agence Média Palestine
Un nouveau communiqué de l’organisation de défense des droits humains Amnesty International accuse Israël de « détruire systématiquement la santé, le bien-être et le tissu social de la vie palestinienne ».
Au cours des 22 derniers mois, Israël a tué près de 62 000 Palestiniens et réduit Gaza en ruines. Outre les bombes, Israël use la famine comme une arme, un moyen de pression et de destruction mis en place dès le début du génocide et en particulier depuis la reprise de son offensive en mars dernier.
Amnesty International, qui dénonce depuis des mois le « génocide en direct » perpétré par Israël à Gaza, a publié hier un nouveau rapport qui accuse Israël de « détruire systématiquement la santé, le bien-être et le tissu social de la vie palestinienne » :
« C’est le résultat escompté des plans et des politiques qu’Israël a conçus et mis en œuvre au cours des 22 derniers mois afin d’infliger délibérément aux Palestiniens de Gaza des conditions de vie calculées pour provoquer leur destruction physique, ce qui fait partie intégrante du génocide en cours contre les Palestiniens de Gaza. »
Une famine délibérée
Au 17 août, selon le ministère palestinien de la Santé, le nombre de personnes mortes de faim à Gaza s’élevait à au moins 263, dont 112 enfants. Ce chiffre pourrait être largement sous-estimé, selon des sources médicales. Cette famine n’a rien d’une catastrophe naturelle, elle a été minutieusement construite par Israël.
Gaza a été rendue dépendante de l’aide humanitaire en raison du blocus israélien imposé depuis 2007. Avant le 7 octobre 2023, environ 500 camions d’aide humanitaire entraient chaque jour dans la bande de Gaza, soit près de 15 000 par mois. Depuis le début du génocide, Israël limite ou interrompt totalement ses livraisons selon son bon vouloir, tout en détruisant les terres agricoles et infrastructures qui permettaient aux Palestinien·nes un minimum d’autonomie alimentaire.
Entre mars et mi-mai 2025, Israël a complètement bouclé les points de passage vers Gaza, empêchant l’entrée de nourriture, d’eau et d’aide humanitaire. Ce blocus a provoqué des pénuries extrêmes, plongeant la population déjà fragile de Gaza dans une situation de famine et de déshydratation aiguës.
L’instauration à la fin du mois de mai de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) n’a pas endigué la crise et a causé de très vives condamnations à l’international. Depuis sa mise en place, près de 2 000 personnes ont été tuées alors qu’elles tentaient d’accéder à l’aide, les soldats et personnel de sécurité tirant sur les foules en détresse. L’ONU a qualifié ces centres humanitaires de « sadiques pièges mortels ».
Face à l’indignation, et tout en continuant de nier la famine, Israël a autorisé une légère augmentation des livraisons et permis à d’autres organismes d’en assurer la distribution, aussitôt qualifiée de « goutte d’eau » par Antonio Guterres. D’énormes quantités de fournitures de secours restent bloquées dans des entrepôts en Jordanie et en Égypte, tandis que les Palestiniens continuent de mourir de faim.
Le largage aérien d’aide alimentaire a également été de nouveau autorisé par Israël, mais cette méthode est qualifiée par les Palestiniens d’humiliante et inefficace. Grand nombre de ces colis ont blessé des habitant-es ou endommagé leurs abris, quand d’autres ont échoué dans la mer et été endommagés par l’eau salée.
« une destruction à plusieurs niveaux »
Le 14 août, plus de 100 organisations humanitaires, dont des groupes de premier plan tels qu’Oxfam, Médecins Sans Frontières (MSF), Amnesty International et le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), ont condamné l’utilisation de l’aide humanitaire à des fins militaires par Israël, affirmant qu’elle empêchait l’acheminement de l’aide vitale vers Gaza.
Le nouveau rapport d’Amnesty, paru hier, se base sur des témoignages de 19 Palestinien·nes de Gaza vivant dans des camps de déplacés et deux membres du personnel médical traitant des enfants souffrant de malnutrition.
L’une des témoins, Aziza, 75 ans, confie à Amnesty International qu’elle souhaiterait mourir : « J’ai l’impression que je suis devenue un fardeau pour ma famille. […] J’ai toujours le sentiment que ce sont ces jeunes enfants, mes petits-enfants, qui méritent de vivre. J’ai l’impression d’être un fardeau pour eux, pour mon fils ».
Des femmes enceintes interrogées par Amnesty International partagent également les souffrances psychologiques liées à la famine, notamment les traumatismes, la culpabilité et la honte. Hadeel, 28 ans, mère de deux enfants et enceinte de quatre mois, explique se sentir coupable d’être enceinte, sachant qu’elle ne peut pas se nourrir : « J’ai peur de faire une fausse couche, mais je pense aussi à mon bébé : je panique rien qu’à l’idée de l’impact que ma faim pourrait avoir sur sa santé, son poids, sur le risque qu’il ait des malformations congénitales, et même s’il naît en bonne santé, quelle vie l’attend, entre les déplacements, les bombes, les tentes… »
Un médecin urgentiste de l’hôpital Al-Shifa, interrogé par Amnesty International, souligne que la famine s’ajoute au manque de médicaments, d’eau potable et d’hygiène, occasionnant « une destruction à plusieurs niveaux qui s’entremêlent ». Le médecin ajoute que la famine massive extrême a éclipsé d’autres urgences sanitaires, en particulier l’augmentation alarmante des maladies infectieuses et d’origine hydrique. La grave pénurie d’antibiotiques et la charge extrême qui pèse sur son hôpital, qui ne fonctionne que partiellement, ont aggravé ce qu’il qualifie de « catastrophe invisible », expliquant que la propagation des maladies passent souvent inaperçues car « on se préoccupe uniquement de la quantité de nourriture qui entre, sans regarder la situation dans son ensemble ».
Erika Guevara Rosas, directrice senior chargée de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International, a déclaré : « Alors que les autorités israéliennes menacent de lancer une invasion terrestre à grande échelle de la ville de Gaza, les témoignages que nous avons recueillis sont bien plus que des récits de souffrances, ils constituent une condamnation cinglante d’un système international qui a donné à Israël le droit de tourmenter les Palestiniens en toute impunité depuis des décennies. »
M. Rosas conclut, en appelant à un cessez-le-feu immédiat et permanent ainsi qu’à la levée du blocus: « L’impact du blocus israélien et du génocide en cours sur les civils, en particulier les enfants, les personnes handicapées, les malades chroniques, les personnes âgées et les femmes enceintes et allaitantes, est catastrophique et ne peut être effacé par une simple augmentation du nombre de camions d’aide ou par la reprise des largages aériens d’aide, qui sont spectaculaires, inefficaces et dangereux. »
Source : Agence Médias Palestine
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