Photo extraite de cet article publié en Espagne (ElPais), intitulé « Francesca Albanese, relatora de la ONU para los territorios palestinos ocupados:  ‘Israel comete crímenes como respira. Hay que pararlo’ « 
(El Pais, édition du 26 juin 2025).

Par Nicolas Boeglin

Le 3 juillet 2025, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits du peuple palestinien, la juriste italienne Francesca Albanese, a présenté son rapport intitulé : « De l’économie de l’occupation à l’économie du génocide« . Le texte intégral de son rapport de 39 pages (Document A/HRC/59/23), est disponible ici

Lors de sa conférence de presse, tenue le même jour, l’experte en droits de l’homme a répondu à plusieurs questions de la presse internationale (aussi bien en anglais qu’en francais), accréditée auprès des Nations Unies (voir hyperlien). 

Dans une interview publiée en Espagne le 25 juin, la juriste avait donné un aperçu de certaines de ses conclusions (voir texte de intégralité de  l’interview publiée dans Eldiario).

Le rapport en bref

Le rapport examine les différents mécanismes par lesquels les entreprises privées ont profité de la situation dramatique à Gaza et plus généralement dans le territoire palestinien occupé. 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces entreprises ne sont pas seulement des fabricants d’armes et d’équipements militaires israéliens ou leurs partenaires européens et nord américains : ce sont aussi des chaînes de supermarchés et des compagnies maritimes européennes, des entreprises de construction, des sociétés de technologie, des banques et des universités, ou encore des fonds d’investissement qui lèvent en toute légalité des fonds afin de soutenir les opérations militaires insensées d’Israël à Gaza. 

Dans cet article publié par France24, les entreprises citées dans son rapport sont regroupées par secteur d’activité.

La rapporteuse spéciale a expliqué lors de sa conférence de presse que les entreprises citées dans son rapport ne sont qu’un petit groupe parmi beaucoup d’autres qui bénéficient d’un véritable « système« , en partie favorisé par divers accords existants entre Israël et l’Union européenne (UE) et par des réglementations en Europe qui rendent fort difficile la mise en cause de la responsabilité des entreprises.

Dans la dernière partie de son rapport, qu’il est recommandé de lire dans son intégralité, on peut lire ce qui suit :

« 92. The entities named in the present report constitute a fraction of a much deeper structure of corporate involvement, profiteering from and enabling violations and crimes in the occupied Palestinian territory. Had they exercised due diligence, corporate entities would have ceased involvement with Israel long ago. Today, the demand for accountability is all the more urgent: any investment sustains a system of serious international crimes. 

93. Business and human rights obligations cannot be isolated from the Israeli illegal settler-colonial enterprise in the occupied Palestinian territory, which now functions as a genocidal machine, despite the International Court of Justice having ordered that it be fully and unconditionally dismantled. Corporate relations with Israel must cease until the occupation and apartheid end and reparations are made. The corporate sector, including its executives, must be held to account, as a necessary step towards ending the genocide and disassembling the global system of racialized capitalism that underpins it« .

Dans ses recommadations finales, on lit que:

« VI. Recommendations 

94. The Special Rapporteur urges Member States: 

(a) To impose sanctions and a full arms embargo on Israel, including all existing agreements and dual-use items such as technology and civilian heavy machinery; 

(b) To suspend or prevent all trade agreements and investment relations, and impose sanctions, including asset freezes, on entities and individuals involved in activities that may endanger the Palestinians; 

(c) To enforce accountability, ensuring that corporate entities face legal consequences for their involvement in serious violations of international law. 

95. The Special Rapporteur urges corporate entities: 

(a) To promptly cease all business activities and terminate relationships directly linked with, contributing to and causing human rights violations and international crimes against the Palestinian people, in accordance with international corporate responsibilities and the law of self-determination; 

(b) To pay reparations to the Palestinian people, including in the form of an apartheid wealth tax along the lines of post-apartheid South Africa. 

96. The Special Rapporteur urges the International Criminal Court and national judiciaries to investigate and prosecute corporate executives and/or corporate entities for their part in the commission of international crimes and laundering of the proceeds from those crimes« .

Les Etats-Unis et Israël : une alliance indéfectible visant désormais… une rapporteuse spéciale des Nations Unies

Dans un communiqué officiel du 1er juillet, la Mission Permanente des Etats-Unis auprès des Nations Unies, toujours en mode « anticipation » lorsqu’il s’agit d’Israël, a mis en cause la rapporteuse spéciale Francesca Albanese (voir texte), soulignant au passage l’exacte coïncidence des critères entre les Etats-Unis et Israël. Un communiqué officiel très similaire avait été publié le 15 avril 2025 (voir texte) par la même Mission Permanente des États Unis (un communiqué officiel qui, d’ailleurs, n’avait pas impressionné Francesca Albanese, comme en témoigne une interview accordée à la chaîne Al Jazeera le 4 mai 2025).

Il est intéressant de noter que cette demande afin de suspendre le mandat de Francesca Albanese par les États-Unis a été formulée au mois d’ avril 2025 par la Commission des Affaires Étrangères du Congrès nord américain (voir hyperlien).

Il convient de souligner que, parallèlement à la campagne tout azymuts déployée par l’appareil diplomatique nord américain contre les organes des Nations Unies lorsqu’ils critiquent Israël, ce rapport de Human Rights Watch détaille et analyse la politique draconienne de répression à l’encontre des professeurs et des universitaires critiques à l’égard d’Israël sur les campus universitaires américains, observée depuis le 20 janvier 2025. 

En avril 2025, les autorités nord américaines de l’immigration ont annoncé que leurs fonctionnaires examineraient le contenu « antisémite » dans les réseaux sociaux avant d’accorder des visas d’entrée aux États-Unis (voir l’avis officiel de l’USCIS du 11 avril 2025).

En guise de conclusion

Au-delà des habituelles vociférations et gesticulations en tous genres auxquelles Israël et l’actuelle administration nord américaine se sont prêtés de par le passé pour disqualifier Francesca Albanese, dans cette autre interview à un média en ligne en France le 10 avril (voir hyperlien), Francesca Albanese a elle-même expliqué la portée de son travail et le profond agacement qu’il peut avoir suscité dans certains milieux aux États-Unis et en Israël (et au sein des cercles politiques et de leurs relais en Europe).

Le simple fait que les États-Unis et Israël, ainsi que leurs alliés et de nombreux cercles d’influence, déploient toute la batterie de pressions diplomatiques et médiatiques contre cette juriste italienne ne fait que renforcer son travail et la qualité de ses rapports sur la situation à Gaza, en particulier les deux précédents rapports présentés en 2024 aux Nations Unies. Leurs diffusion et lecture sont plus que recommandées, afin de comprendre la logique destructrice insensée des autorités politiques et du haut commandement militaire israélien à Gaza :

– Mars 2024 : « Anatomie d’un génocide » (Document A/HRC/55/73) disponible en ligne, dont le texte intégral est disponible ici.

– Octobre 2024 : « Le génocide comme effacement colonial« , (Document A/79/384), dont le texte complet disponible ici.

En ce début du mois de juillet 2025, en France, une association de juristes a intenté un procès contre une banque française, la BNP (voir note et documentation sur le site du JURDI), en raison de l’opacité de ses opérations de financement en Israël. Nul doute que cette action (et bien d’autres) devant les juridictions nationales en France (et dans diverses parties du monde) trouveront dans ce nouveau rapport de la juriste italienne Francesca Albanese des raisons supplémentaires afin de présenter de nouvelles initiatives de ce type.

Depuis le Costa Rica, nous faisons le vœu que le travail persévérant de cette juriste italienne sera salué et célébré, mais aussi soutenu par des États conscients de l’extrême gravité de la situation à Gaza et de l’urgente nécessité d’arrêter Israël dans ses actions insensées contre la population civile palestinienne. Et nous espérons qu’un jour, elle pourra venir en personne au Costa Rica pour expliquer ce que ses plus hautes autorités tentent à tout prix de minimiser et de relativiser : voir l’article d’Elmundo.cr  du 3 juillet intitulé « Rodrigo Chaves fait savoir qu’il signerait un ALE avec Israël » et l’article du Semanario Universidad, intitulé « Chaves se moque des critiques d’Israël et annonce son intention de signer un ALE bilatéral« .

Source : auteur
https://derechointernacionalcr.blogspot.com/…

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