Le sommet de l’OTAN à La Haye [Photo: NATO]

Par Peter Schwarz

Le sommet de l’OTAN, qui s’est tenu mardi et mercredi à La Haye, aux Pays-Bas, fera date dans la marche des puissances impérialistes vers une troisième guerre mondiale. Les 31 membres de la plus puissante alliance militaire du monde se sont mis d’accord sur le réarmement le plus complet de l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

Au lieu des 2 pour cent actuels, ils veulent consacrer 5 pour cent du PIB à des fins militaires d’ici 10 ans au plus tard : 3,5 pour cent pour les dépenses purement militaires, comme les troupes et l’armement, et 1,5 pour cent supplémentaire pour des mesures élargies comme la cybersécurité, les infrastructures et la construction de casernes. Au lieu des 1 500 milliards de dollars dépensés en 2024 à des fins militaires, l’OTAN en dépensera 2 800 milliards, sans tenir compte de la croissance ni de l’inflation. C’est plus que la production économique annuelle totale du Canada ou de l’Italie.

On justifie l’augmentation des dépenses militaires d’une part par la pression des États-Unis, qui dépensent actuellement plus à des fins militaires que tous les autres membres de l’OTAN réunis et qui militent depuis longtemps pour que les autres membres en assument une part plus importante. D’autre part, la «menace à long terme que représente la Russie pour la sécurité euro-atlantique et la menace persistante du terrorisme», comme l’indique la déclaration du sommet, constituent une autre justification.

Ces deux prétextes occultent les causes profondes de l’utilisation à mauvais escient de ressources sociales toujours plus importantes à des fins de destruction et d’annihilation. Le sommet s’est déroulé dans un contexte d’escalade de guerres dont l’OTAN porte la responsabilité.

Quelques jours seulement avant le sommet, Israël et les États-Unis ont lancé une offensive contre l’Iran, en violation du droit international, assassinant des dizaines de dirigeants militaires, d’hommes politiques et de scientifiques, tuant de nombreux civils et détruisant des installations militaires et nucléaires. Mais bien qu’ils n’aient pas été consultés au préalable, les Européens ont salué cette attaque barbare.

Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a écrit dans un SMS privé au président américain Donald Trump : « Félicitations et merci pour votre action décisive en Iran, c’était vraiment extraordinaire, et personne d’autre n’a osé le faire. Cela renforce notre sécurité à tous. » Trump a immédiatement publié le message sur ses réseaux sociaux. Le génocide israélien à Gaza, qui se poursuit sans relâche, est également soutenu par les membres de l’OTAN.

Les puissances européennes et notamment les « E3 » (Allemagne, France et Grande-Bretagne), sont déterminées à poursuivre la guerre contre la Russie à tout prix, même si l’Ukraine est à bout de forces militairement et financièrement. Une part importante des préparatifs du sommet visait à maintenir les États-Unis dans cette guerre et à empêcher que Trump ne s’en retire et parvienne à un accord avec Poutine sans tenir compte des Européens.

En réalité, ce n’est pas la Russie qui menace l’Europe, mais l’inverse. L’avancée constante de l’OTAN en Europe de l’Est et dans l’ex-Union soviétique a provoqué l’invasion réactionnaire de l’Ukraine par la Russie. Poutine avait toujours averti que l’intégration de ce pays, avec ses 2 000 kilomètres de frontière avec la Russie, à l’OTAN constituait une ligne rouge dont il ne tolérerait pas le franchissement.

La politique de guerre agressive des États-Unis et des Européens exacerbe également les conflits au sein même de l’OTAN. Trump impose des droits de douane punitifs à ses « partenaires » européens et les menace d’annexer le Groenland. Ceux-ci ne s’arment pas pour lui rendre service, mais pour être militairement autonome et défendre leurs intérêts impérialistes de manière indépendante – même contre les États-Unis si nécessaire.

Le sommet de La Haye était un sommet de crise, et peut-être le dernier du genre. Aucun effort n’a été épargné pour masquer cette situation et éviter une rupture brutale. Environ 9 000 participants, dont 45 chefs d’État et de gouvernement et autant de ministres des Affaires étrangères et de la Défense, ont assisté à une réunion qui s’est essentiellement limitée à un dîner avec le roi et, par égard pour Trump, à une séance de travail de deux heures et demie. Coût : 183 millions d’euros. De vastes zones de La Haye ont été bouclées.

Rutte a flatté l’aspirant dictateur Trump avec des paroles obséquieuses qui feraient rougir même un courtisan byzantin. Non seulement il l’a félicité pour son attaque contre l’Iran, mais il a également écrit :

Tu te diriges vers un autre grand succès à La Haye ce soir. Ce n’était pas facile, mais nous les avons tous convaincus de prendre l’engagement des 5 pour cent !

Donald, tu nous as fait parvenir à un moment vraiment crucial pour l’Amérique, l’Europe et le monde. Tu accompliras ce qu’AUCUN président américain n’a pu accomplir pendant des décennies.

L’Europe va payer très GROS, comme il se doit, et ce sera ta victoire.

La déclaration finale du sommet se limitait à cinq courts paragraphes. En 2023 à Vilnius, il y en avait eu 90, et en 2024 à Washington, 44. L’objectif était d’éviter des désaccords ouverts ou un nouveau retournement de Trump dans l’avion de retour.

La déclaration réaffirme «notre engagement indéfectible en faveur de la défense collective, tel qu’inscrit dans l’Article 5 du Traité de Washington», que Trump avait remis en question lors de son vol vers le sommet.

Cependant, l’OTAN n’a fait aucune déclaration de soutien à l’Ukraine, ni évoqué l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Il y a un an, la déclaration de Washington disait encore: « L’avenir de l’Ukraine est dans l’OTAN. » La déclaration de La Haye dit désormais : « Les Alliés [c’est-à-dire les États membres pris individuellement et non l’OTAN dans son ensemble] réaffirment leur engagement souverain et durable à soutenir l’Ukraine, dont la sécurité contribue à la nôtre. »

L’augmentation des dépenses militaires à 5 pour cent, qui signifie un triplement pour de nombreux pays européens, implique de violentes attaques sociales et des luttes de classe véhémentes sont à l’ordre du jour. Elles décideront de la victoire des fauteurs de guerre ou de celle de la classe ouvrière.

L’Allemagne, qui dispose d’une marge de manœuvre financière grâce à un faible taux d’endettement de 63 pour cent, tente d’en tirer parti en empruntant massivement. Le gouvernement a présenté un plan budgétaire visant à atteindre l’objectif de 5 pour cent en seulement cinq ans.

Mais d’autres pays, déjà lourdement endettés, n’ont pas cette possibilité. Le Royaume-Uni et l’Espagne, avec des ratios d’endettement de 100 pour cent, la Belgique avec 105 pour cent et la France avec 113 pour cent, n’ont pas encore présenté de plan de financement. Ils devront réduire les dépenses sociales beaucoup plus rapidement et plus radicalement pour atteindre l’objectif de l’OTAN.

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez a d’abord refusé d’accepter l’objectif des 5 pour cent, mais a cédé après que Trump l’a tancé et que Rutte lui a proposé ensuite un compromis pour sauver la face.

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/articles/…

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