Par Haytham Manna
Ce texte est un rapport du SIHR, Institut Scandinave des Droits de l’Homme, dont le président est Haytham Manna, doyen de l’opposition démocratique syrienne, contributeur du site madaniya.info
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Résumé
Ce rapport fait état d’une série de graves violations du droit international humanitaire, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, commises dans les régions côtières de la Syrie.
Des preuves irréfutables révèlent un schéma systématique de violence à grande échelle contre les civils, notamment des exécutions sommaires, des actes de torture, des déplacements forcés, des pillages et des destructions de biens, ainsi que des licenciements arbitraires, visant en particulier un groupe de population spécifique identifié comme appartenant à la secte alaouite.
Ces violations ont impliqué les forces gouvernementales, le personnel de sécurité, les factions armées locales et les milices étrangères alliées aux nouveaux dirigeants militaires. Les témoignages font état de cas documentés de droits funéraires refusés, de saisies de maisons et d’humiliations publiques de civils, ce qui témoigne d’une intention claire de nuire à des communautés spécifiques sur la base de l’identité sectaire.
L’incitation au sectarisme a été alimentée par des discours de haine propagés par certaines plate formes religieuses, notamment des appels publics au djihad et à la mobilisation diffusés par certaines chaînes de médias, ciblant spécifiquement la communauté alaouite. Cela a joué un rôle majeur dans l’alimentation des conflits sectaires et dans l’aggravation des divisions sociales.
Le rapport fait également état de massacres, d’incendies de maisons, de pillages généralisés, de déplacements massifs et d’enlèvements, qui aggravent la crise humanitaire dans les zones touchées. Ces événements mettent en évidence l’incapacité de l’autorité actuelle à faire respecter les principes d’égalité devant la loi et les droits de citoyenneté, ainsi que la poursuite de politiques discriminatoires fondées sur l’identité religieuse et sectaire. Ces actions constituent des violations manifestes des normes internationales, notamment du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du droit humanitaire international et de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Le rapport s’appuie sur des témoignages directs, des photographies et des données de terrain et présente une série de recommandations urgentes.
I- Justice et responsabilité
Mettre en place une Haute Commission indépendante pour la justice transitionnelle afin que tous les auteurs de crimes, qu’ils appartiennent à l’ancien ou à l’actuel régime, répondent de leurs actes, sans ingérence de l’exécutif.
Former un comité d’enquête international indépendant spécialisé dans les crimes humanitaires commis dans la région côtière de la Syrie et dans les campagnes de Homs et de Hama, en mettant l’accent sur les disparitions forcées et les enlèvements de femmes et d’enfants.
Imposer des sanctions internationales strictes aux personnes et entités impliquées dans des actes de génocide ou d’incitation au nettoyage sectaire.
Poursuivre les membres de groupes extrémistes non syriens impliqués dans l’incitation et les meurtres, et les écarter des institutions militaires et civiles officielles.
II- Protection et droits humains
Assurer une protection totale à tous les Syriens, quelle que soit leur appartenance sectaire, ethnique ou politique, afin de préserver la paix civile et de lutter contre les discours de haine.
Déployer des missions d’observation internationales permanentes sur l’ensemble des territoires syriens afin d’empêcher la répétition des massacres, en particulier contre les minorités religieuses et sectaires.
Déclarer la région côtière syrienne zone de catastrophe humanitaire et demander aux Nations unies d’intervenir d’urgence et durablement pour apporter aide et soutien.
III- Aide humanitaire et retour en toute sécurité
Accélérer l’acheminement de l’aide médicale, des secours et de l’aide alimentaire par l’intermédiaire des organisations internationales, en veillant à ce que l’aide ne soit pas entravée par les autorités actuelles.
Accorder une indemnisation équitable aux victimes et à leurs familles, et assurer le retour volontaire et en toute sécurité des civils déplacés, en particulier des quelque 10 000 personnes, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées, actuellement bloquées à la base aérienne de Hmeimim.
Exhorter les organisations internationales à assumer leurs responsabilités à l’égard des Syriens au Liban (environ 31 000 personnes), en veillant à leur sécurité et à leur protection contre les violations.
IV- Droits de l’enfant et de la femme
Soutenir d’urgence les efforts de l’UNICEF pour offrir une protection psychosociale aux enfants traumatisés et prendre en charge les femmes et les enfants victimes d’enlèvement ou d’agression physique.
V- Médias et suivi
Permettre immédiatement aux médias indépendants et aux organisations de défense des droits humains d’accéder aux zones touchées afin de documenter les crimes et de rendre compte de la situation de manière transparente et impartiale.
VI- Mesures nationales, religieuses et civiles
Appeler les chefs religieux de toutes les sectes – en particulier le Conseil de la Fatwa – à condamner sans équivoque les fatwas extrémistes et les discours incitatifs, en affirmant le caractère sacré de la vie des Syriens, sans exception ni discrimination.
Exiger des forces politiques et civiles qu’elles condamnent publiquement les actes de nettoyage sectaire, en considérant le silence comme une complicité morale.
Soutenir la poursuite de toutes les personnalités publiques impliquées dans ces crimes ou les ayant passés sous silence, en considérant la neutralité ou la complicité dans de telles circonstances comme une menace pour la paix civile.
Criminaliser l’incitation au sectarisme en vertu du droit syrien et appliquer les sanctions conformément aux obligations internationales, en particulier la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
L’absence de réaction décisive de la communauté internationale face à ces violations perpétue un climat d’impunité et met en péril l’avenir de la justice et de la cohésion sociale en Syrie. Par conséquent, la mise en œuvre immédiate de ces recommandations est non seulement une nécessité juridique mais aussi un impératif moral pour empêcher la répétition de telles atrocités et jeter les bases d’un État régi par l’État de droit et l’égalité des citoyens.
Source : Madaniya
https://www.madaniya.info/…
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