Le gouvernement d’Israël continue de bloquer l’entrée de la nourriture, 25 avril 2025 © Philippe Lazzarini
Tribune d’Anne Tuaillon,
présidente de l’Association France Palestine Solidarité
Après avoir rétabli un blocus total le 2 mars et rompu le cessez-le-feu le 19, après avoir annoncé le partage de la bande de Gaza en cinq zones encadrées par des zones militaires, Israël a annoncé le 5 mai un « plan de conquête » de la bande de Gaza et rappelé des dizaines de milliers de réservistes. Avec pour objectif le « départ volontaire des Gazaouis », en clair un nettoyage ethnique, une aggravation du génocide en cours et une occupation complète et prolongée de la bande de Gaza.
Pour le ministre des armées Israël Katz, les Gazaouis n’ont d’autre choix que « partir ou mourir ». D’octobre 2023 à juin 2024, Amnesty International avait déjà recensé 102 appels criminels de ce genre à la destruction d’un peuple émanant de responsables israéliens. Les Palestiniens savent depuis l’exode forcé de 1948 que partir c’est ne jamais pouvoir revenir dans leur patrie. C’est le cas de 70% des Gazaouis réfugiés dans des camps depuis cette Nakba.
Ce nouveau plan israélien est celui qui se dessinait dès le 8 octobre. Il piétine le droit international, le droit humanitaire, les Conventions de Genève et la Convention contre le génocide. Le 5 mai, l’Union européenne se dit préoccupée, Berlin rejette ce plan, Paris finit par réagir. Mais aucun État européen n’annonce de mesures diplomatiques (rappel d’ambassadeurs…), économiques (interdiction du commerce des produits venant des colonies…). Aucun ne demande de suspendre l’accord d’association UE-Israël en vertu de son article 2 bafoué par Israël ou d’exclure Israël d’autres partenariats comme cela a été appliqué à la Russie dès son agression contre l’Ukraine.
La seule réponse de la France sous la forme d’une reconnaissance très tardive et conditionnelle de l’État de Palestine est en décalage complet avec l’urgence absolue de protéger le peuple palestinien en grand péril.
Bien que le « bilan » soit déjà terrible et aurait dû leur suffire depuis longtemps pour agir et sanctionner, une bonne partie du monde politique, médiatique, intellectuel… refuse encore de nommer le crime, refuse d’utiliser le terme génocide et même « génocide plausible » comme a conclu la Cour Internationale de Justice (CIJ) dès le 26 janvier 2024… il y a plus de 16 mois. D’autres sont dans l’indifférence complice, dans la cécité volontaire ou le soutien ouvert et assumé au génocide !
Bien que les grandes ONG de terrain et les agences de l’ONU rapportent et alertent le monde entier sur ce génocide largement aggravé et avéré, aucune sanction n’est évoquée ou envisagée. Dix-neuf mois après l’attaque criminelle et meurtrière des groupes armés palestiniens le 7 octobre en Israël ayant fait 1200 morts, et la prise de 250 otages, les tirs et bombardements israéliens ont tué au moins 53 000 personnes dans la bande de Gaza dont 17 000 enfants, des dizaines de milliers de malades chroniques sont morts faute de soins, des milliers de victimes encore sous les décombres. Au total 200 000 morts selon des experts médicaux. À l’échelle de la population française, 34 fois plus nombreuse, ce serait 1,8 millions de tués dont plus de 578 000 enfants. Effroyable, monstrueux !
Combien faut-il encore de dizaines ou de centaines de milliers de personnes tuées pour agir et prendre des sanctions : 300 000 ? Plus ? 40 000, 100 000 enfants ?
Combien faut-il encore de quartiers, hôpitaux, tentes, distributions alimentaires bombardées, de centaines de soignants, humanitaires (400) et journalistes (212) assassinés ?
En Cisjordanie occupée, dont Jérusalem-Est, le nettoyage ethnique et la violence de l’armée et des colons sont décuplés : plus de 1000 tués, expulsion de 40 000 personnes de camps de réfugiés, récoltes et vergers détruits, villages rasés, habitations détruites, bombardements, plus de 10 000 prisonniers politiques dans des prisons transformées en centres de torture : Israël y reproduit la stratégie en cours à Gaza.
Josep Borrell, ancien haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères plaide le 29 avril pour le retour urgent au droit international, le recours aux leviers d’action contre Israël, et le refus du « fait accompli ». L’Assemblée générale des Nations unies a aussi exigé le 18 septembre 2024 qu’Israël mette fin dans un délais de 12 mois à l’occupation illégale du territoire palestinien et à sa colonisation, un crime de guerre. C’est précisément le contraire que fait Israël : toujours plus loin dans l’occupation, dans la colonisation, dans l’annexion de territoire et dans son régime d’apartheid.
À quelques jours du 15 mai, jour de la commémoration de la Nakba, la catastrophe qui a vu 800 000 Palestinien·nes chassé·es et dépossédé·es de leurs terres entre 1947 et 1949, après plus de 77 ans de dépossession et d’expulsion, la Nakba continue et arrive à un paroxysme : c’est l’existence même du peuple palestinien qui est menacée, c’est son effacement qu’Israël vise par son génocide.
L’heure n’est donc plus aux paroles ou aux déclarations d’intention mais définitivement aux actes, aux sanctions contre un État génocidaire à qui le monde doit imposer le droit face à la faillite totale dont il se rend coupable jusqu’à maintenant.
L’heure est aux sanctions contre les criminels et pas contre celles et ceux qui dénoncent ce génocide en cours et ont l’impression de hurler dans le désert depuis plus de 19 mois !
C’est notre humanité à toutes et tous qui est en jeu : soit nous réagissons, soit nous sombrons !
La France et l’UE doivent agir, fortement et rapidement !
Les sanctions c’est maintenant !
Anne Tuaillon, Présidente de l’Association France Palestine Solidarité
Le 7 mai 2025