Au moins 200 élèves de la région de Wadi al-Maleh ont besoin d’une école à proximité
Photo : Hisham Daraghmeh/Al Jazeera

Par Hisham Daraghmeh

Une école accueillant des communautés bédouines marginalisées est l’une des 17 écoles qui risquent d’être démolies par l’occupant israélien pour cause de “violation de permis”.

Tubas, Cisjordanie occupée – Sur la route entre la ville palestinienne de Tubas et le nord de la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée, se trouve l’école élémentaire de Wadi al-Maleh.

Constituée de quatre petites pièces en briques et de deux maisons en tôle, c’est la seule école de la région, où au moins 1700 Palestiniens issus de 19 communautés bédouines marginalisées vivent à proximité des forces d’occupation israéliennes et des colonies israéliennes [toutes illégales au regard du droit international].

Mise sur pied l’année dernière, l’école de Wadi al-Maleh accueille aujourd’hui quelque 45 élèves jusqu’à la quatrième année.

C’est l’une des 17 écoles palestiniennes qui risquent d’être démolies en série par les Israéliens, faute de prétendu permis de construire dans la zone C, qui représente 60% de la Cisjordanie occupée, sous le contrôle militaire et administratif direct de l’occupant israélien.

Si la démolition survint comme prévu, les enfants seront contraints de parcourir de longues distances à pied pour oindre les écoles les plus proches, situées dans les villages d’Ein al-Beida, Tayasir et Bardala, à au moins 15 kilomètres de là, dans une zone où les transports publics sont limités et les infrastructures globalement très insuffisantes.

Ces écoles, disséminées dans toute la Cisjordanie occupée, ont été construites par l’Autorité palestinienne et en partie grâce à un financement de l’Union européenne, afin de combler le déficit en moyens éducatifs auquel font face les habitants de ces zones.

Aisha Mahasneh, fonctionnaire au ministère de l’Éducation à Tubas, a confirmé à Al Jazeera que l’école de Wadi al-Maleh a été construite grâce à un financement de l’Union Européenne par l’intermédiaire de l’organisation Action contre la faim.

Appelées “écoles Tahadi” – ce qui signifie “défi” en arabe – leur construction a commencé en 2016. Plusieurs d’entre elles sont situées dans des zones de tirs et d’entraînement militaires désignées par Israël.

L’école de Wadi al-Maleh est la seule école de la région où quelque 19 communautés bédouines marginalisées vivent sous le régime des forces d’occupation israéliennes et des colonies – Photo : Hisham Daraghmeh/Al Jazeera

Depuis les années 1970, Israël a classé quelque 18% de la Cisjordanie occupée, soit près de 30% de la zone C, comme zones de tir fermées, pour son entraînement militaire, selon les Nations unies (ONU).

Au moins 6200 Palestiniens vivent dans 38 communautés situées dans ces zones, principalement dans la vallée du Jourdain et dans le sud des collines d’Hébron.

Ces communautés sont considérées comme risquant d’être transférées de force, et si beaucoup d’entre elles ont déjà dû partir.

Les habitants de ces zones vivent dans un état de peur permanente face aux attaques des colons israéliens et à la démolition de leurs maisons et de leurs écoles.

Ils sont aussi régulièrement contraints de quitter temporairement leur maison à cause des exercices militaires et sont exposés aux balles perdues et aux munitions non explosées.

Asmaa Ghanaam, enseignante à l’école de Wadi al-Maleh, fait son trajet quotidien depuis le village d’Aqqaba, situé à une dizaine de kilomètres, et passe prendre les autres enseignantes en chemin.

Enseigner dans une école comme celle-ci, dit-elle, est un peu un défi personnel.

“Je peux chercher une école où il est plus facile de travailler, mais il y a une motivation particulière pour travailler dans cette école”, a-t-elle déclaré à Al Jazeera.

“Après avoir fait connaissance avec les élèves et les parents, et vu comment ils souffrent, chacun de nous a un motif personnel pour les aider à affronter toutes ces difficultés qui menacent leur existence.”

“Travailler ici s’accompagne d’un goût de challenge et de défi”, a ajouté M. Ghanaam.

Plusieurs enseignants ont déclaré à Al Jazeera que les élèves racontent souvent les cauchemars qu’ils font à cause du bruit des explosions, des chars et des hélicoptères utilisés lors des exercices militaires israéliens dans la région.

Ils expliquent que les enfants ont du mal à se concentrer et qu’ils essaient souvent de manquer l’école par peur de croiser des soldats ou des colons.

La majorité de la vallée du Jourdain et de la mer Morte est interdite à l’utilisation et au développement des communautés palestiniennes, car près de 90% de la superficie totale est réservée à l’armée israélienne ou à l’extension des colonies, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies ou BCAH.

Les résidents ne se voient pas accorder de permis de construire par l’armée israélienne, y compris pour les maisons et les infrastructures de base, notamment les écoles, les routes ou les réseaux d’eau, et sont également confrontés à des restrictions d’accès aux pâturages et aux zones agricoles.

Quelque 12 700 Israéliens vivent dans des colonies illégales dans la vallée du Jourdain, tandis que la population palestinienne majoritaire, qui compte au moins 60 000 personnes, n’a que peu de contrôle sur les terres et les ressources naturelles de la région, selon des groupes de défense des droits.

Lutte pour l’éducation

Durant sa courte période d’existence, l’école de Wadi al-Maleh a reçu un ordre de démolition de la part des forces israéliennes d’occupation, ainsi que trois autres ordres de démantèlement de certaines de ses parties, selon son directeur. On ne sait pas quand les autorités d’occupation prévoient de démolir l’école.

À la fin du mois dernier, l’armée a démantelé deux salles et enlevé la clôture de l’école. La semaine dernière encore, elle a confisqué le chapiteau placé pour offrir aux élèves de l’ombre sous le soleil brûlant de la vallée du Jourdain.

Le directeur Jaafar Fuqha a expliqué que l’armée bloque constamment l’expansion de l’école.

Le 18 octobre, l’armée a émis un ordre interdisant temporairement au directeur d’être présent à l’école pendant 10 jours consécutifs après l’installation de nouvelles structures.

Fuqha a déclaré à Al Jazeera qu’il avait été arrêté et détenu pendant cinq heures par l’armée, interrogé sur la construction d’une nouvelle salle de classe, et menacé de suspension pendant six mois si de nouvelles structures étaient construites avant d’être libéré.

“Ici, la lutte entre nous et l’occupation [israélienne] tourne autour du droit à l’éducation et du droit à la survie”, a déclaré Fuqha à Al Jazeera.

L’établissement se compose désormais de deux classes de 15 mètres carrés chacune, qui peuvent accueillir jusqu’à 20 élèves par pièce, a-t-il précisé.

“Cette école est très importante pour les jeunes élèves ; si elle disparaît, ils devront parcourir des dizaines de kilomètres par jour pour aller dans des écoles éloignées. C’est épuisant pour les jeunes enfants, et cela peut pousser certains d’entre eux à abandonner l’école”, a déclaré Fuqha à Al Jazeera.

“Le taux d’abandon scolaire a été élevé dans ces communautés par le passé, et nous devons empêcher que cela ne se reproduise”, a-t-il ajouté.

L’école dispense un enseignement élémentaire à quelque 45 élèves de la région – Photo : Hisham Daraghmeh/Al Jazeera

Au moins 53 écoles, fréquentées par 5 200 enfants palestiniens, font l’objet d’un ordre de démolition israélien en février 2021, selon l’OCHA.

“Le manque de permis de construire délivrés par Israël est généralement cité comme la raison, même si, en raison du régime de planification restrictif et discriminatoire, les Palestiniens ne peuvent presque jamais obtenir de tels permis”, a déclaré la même organisation dans un communiqué.

Lors d’une conférence de presse le 3 novembre, des représentants de plusieurs missions diplomatiques occidentales ont visité l’école, où des responsables du ministère palestinien de l’Éducation ont demandé une intervention pour protéger les écoles menacées de démolition.

“Ce qui se passe ici est une violation d’un droit fondamental”, a déclaré Ahmed Sawalah, directeur de l’éducation du ministère pour le gouvernorat de Tubas, faisant référence au droit à l’éducation. “La communauté internationale doit intervenir pour défendre ce droit fondamental ; un droit que possède chaque enfant dans le monde.”

Ahmad al-Asaad, le gouverneur adjoint de Tubas, a décrit la situation dans le nord de la vallée du Jourdain comme le résultat de “la détermination et la politique à long terme de l’occupant israélien visant à vider cette terre de ses habitants.”

“Nous sommes conscients que les temps sont durs et que le défi est grand, mais le peuple palestinien est résilient et croit en la légitimité de sa cause”, a ajouté al-Asaad.

Alors que les enfants jouaient dans la cour de leur école, le principal Fuqha les regardait de loin avec un sourire, heureux d’être revenu après avoir été interdit d’y être présent. “Nous devons non seulement rester, mais aussi nous étendre, afin d’accueillir de nouveaux élèves l’année prochaine”, a-t-il conclu.

Auteur : Hisham Daraghmeh

17 novembre 2021 – Al-Jazeera – Traduction : Chronique de Palestine

Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…