Par Chems Eddine Chitour

«La maison brûle et on regarde ailleurs.»
(Président français Jacques Chirac à Johannesburg)


Résumé
27COP au compteur et toujours les mêmes alarmes pour des décideurs autistes. La planète s’est déjà réchauffée de 1,1°C par rapport à l’ère préindustrielle. La Terre est en train de bouillir, l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C sera impossible à atteindre. La COP 28 qui aura lieu le 30 novembre a le mérite d’annoncer la couleur. Rien de nouveau sous le soleil. L’échec est acté du fait des décideurs pour enterrer une fois de plus les espérances des damnés qui souffrent des convulsions climatiques et ceci en nommant Sultan Al-Jaber, un pétrolier, a la tête d’une organisation censée tracer un chemin vers la sortie déterminée des énergies fossiles.
«C’est à croire, lit-on dans cette contribution, que les organisateurs de la COP28 ont voulu envoyer délibérément des mauvais signaux. Tout est réuni pour que l’opinion internationale ait l’impression que le défi climatique n’est pas un enjeu majeur pour nos dirigeants. Les Émirats, c’est 20 tonnes de CO2 par habitant par an, 20 fois plus que l’Africain. C’est le pays de l’hyper-consommation, des jets privés, de la climatisation à outrance. Le pays continue par ailleurs à développer les énergies fossiles. L’homme nommé à la tête de l’organisation censée trouver des compromis pour limiter le réchauffement est donc un lobbyiste du pétrole. Quelque 130 élus du Congrès américain et du Parlement européen ont signé une lettre demandant le retrait d’Al-Jaber de la présidence de la COP28, c’est un peu comme si on nommait un trafiquant d’armes pour diriger des négociations de paix.»(1)

«Place à l’ère de l’ébullition mondiale», dit l’ONU
«L’humanité est entrée dans l’«ère de l’ébullition» climatique, a averti le chef des Nations unies alors que l’autorité météorologique mondiale a affirmé que juillet 2023 sera «très certainement le mois le plus chaud jamais mesuré». Après trois semaines inédites de surchauffe des mers et de canicules sur trois continents, l’événement est probablement «sans précédent» sur des milliers d’années et n’est qu’un «avant-goût» de l’avenir climatique de la planète, la Grèce en partie ravagée par les flammes, de même que le Canada, par ailleurs victime de terribles inondations ; une chaleur écrasante sur l’Europe du Sud, l’Afrique du Nord, le sud des États-Unis et une partie de la Chine, qui vient également d’essuyer les ravages du typhon Doksuri : les signes visibles du réchauffement climatique d’origine humaine se manifestent en simultané. «L’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition mondiale», a averti le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, devant la presse. Le changement climatique est une «menace existentielle». Des événements, comme les vagues de chaleur, sont d’abord et avant tout des «tueurs silencieux» : surmortalité de 60 000 personnes dans cette région du monde.(2)

Le «jour du dépassement» survient le 2 août cette année
Pour avoir une idée de la boulimie énergétique actuelle, des chercheurs ont proposé une date pour mesurer le potentiel de la Terre vis-à-vis de la consommation multiforme : «Le jour du dépassement» des ressources que la Terre est capable de régénérer en un an tout en absorbant ses déchets tombe le 2 août cette année, soit cinq jours plus tard qu’en 2022. C’est ce que révèle le rapport annuel de l’organisation américaine Global Footprint Network (GFN). Le 2 août 2023, l’humanité aura donc épuisé toute la viande, le poisson, les céréales ou les forêts que la planète peut produire et renouveler en une année. À partir de cette date, nous vivons à crédit. Le «jour du dépassement» mondial a été le 25 décembre en 1971. Actuellement, la production, le conditionnement et la consommation non durables de denrées alimentaires entretiennent la crise climatique en générant un tiers de toutes les émissions de gaz à effet de serre, en utilisant 70 % d’eau douce de la planète et en entraînant une perte de biodiversité à une échelle invraisemblable, a déclaré M. Antonio Guterres, dans un entretien à ce sujet. La consommation planétaire moyenne actuelle n’est pas soutenable. […] Mais le «jour du dépassement», quand on le regarde par pays, met en lumière les iniquités mondiales en matière de consommation, de demande, de pression sur la planète Terre, a expliqué Caroline Brouillette, directrice à Réseau action climat(3).

Le réchauffement climatique anthropique atteint un rythme inédit
Encore une fois, les lanceurs d’alerte préviennent que l’humanité se retrouve face à une décennie «critique» alors que le seuil de 1,5 °C pourrait être atteint ou dépassé au cours des 10 prochaines années. Quels que soient les scénarios d’émission, le Giec estime que le réchauffement de la planète atteindra 1,5 °C dès le début des années 2030. Limiter ce réchauffement à 1,5°C et 2°C ne sera possible qu’en accélérant et en approfondissant dès maintenant la baisse des émissions pour : ramener les émissions mondiales nettes de CO2 à zéro et réduire fortement les autres émissions de gaz à effet de serre. «Un dur rappel à la réalité des faits. Sur la période 2013-2022, le réchauffement a augmenté à plus de 0,2 °C . Le budget carbone résiduel — la marge de manœuvre, exprimée en quantité totale de CO2 qui pourrait encore être émise tout en gardant 50 % de chance de limiter le réchauffement de la planète sous 1,5 °C — a été divisé par deux par rapport au Giec. Ce «budget» n’est plus que de l’ordre de 250 milliards de tonnes, l’équivalent de cinq années d’émissions au rythme actuel. Il y a eu quelque 54 milliards de tonnes de dioxyde de carbone-équivalent par an sur 2012-2022.»(4)
C’est «indiscutable», assure la climatologue Valérie Masson-Delmotte : les activités humaines sont à l’origine du réchauffement climatique. La concentration de ces gaz dans l’atmosphère au 8 mars 2023 atteignait 421 parties par million (ppm), c’est son plus haut niveau «depuis au moins deux millions d’années», déplorait le Giec dans son dernier rapport. S’agissant de la pollution, la Chine participe avec 11,47 milliards de tonnes de CO2 à 27% des émissions mondiales, suivie des Etats-Unis (15%) et de l’Union européenne (9,8%). Rappelons toutefois que ces émissions sont basées sur la production des biens et services et non sur leur consommation. «Une bonne partie est due aux délocalisations des sociétés occidentales. Ainsi, le téléphone ou le panneau solaire a été fabriqué pour vous, mais les émissions liées à sa fabrication sont comptabilisées pour le pays dans lequel il a été fabriqué (la Chine).»
«Lorsqu’on transfère les émissions des biens dans leur lieu de consommation, ‘‘elles ont tendance à augmenter dans les pays à hauts revenus comme les États-Unis et l’Union européenne (respectivement de 6% et 14%) et à baisser dans les pays tels que l’Inde ou la Chine (respectivement de 9% et de 10%)’’, note l’ONU dans son rapport d’octobre 2022. On dit que la Chine est le plus grand pollueur. Cependant, le Chinois pollue trois fois moins que l’Américain. L’autre classement, celui des plus gros émetteurs historiques, prend en compte les émissions cumulées depuis le début de l’ère industrielle. Là, le podium n’est plus le même. Les États-Unis passent en tête avec 25% des émissions, suivis de l’Union européenne (22%).»(4)

Les conséquences du réchauffement climatique
La première est évidente : la température moyenne sur Terre va augmenter. Elle a déjà commencé (+1,1°C par rapport à 1850) et pourrait atteindre +5,7°C d’ici la fin du siècle si les émissions de gaz à effet de serre continuent leur escalade. Mais ce n’est pas tout, car la chaleur de l’air accélère l’évaporation des étendues d’eau. Et tout le régime des pluies en est bouleversé, causant l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes. Ces bouleversements affectent aussi les océans. «Pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5ºC, il faudrait modifier rapidement, radicalement et de manière inédite, tous les aspects de la société. L’objectif est de réduire les émissions de CO2 de 45% d’ici 2030 par rapport à leur niveau de 2010, puis d’atteindre vers 2050 la neutralité carbone.» «Nous devons atteindre le pic d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2025 au plus tard», défendent 18 pays. L’appel entend accélérer l’action contre le changement climatique, à cinq mois de la COP28.(4)

Pourquoi l’OMS ne se manifeste pas dans les COP
Il est étrange que l’OMS ne s’implique pas dans la lutte contre les conséquences des changements climatiques sur la santé des populations. Comme lu sur le site Futura Sciences, «les émissions massives de gaz carbonique dans l’atmosphère amplifient l’effet de serre, mais pas seulement. La combustion des énergies fossiles libère bien souvent des particules fines et de l’ozone troposphérique, des polluants fortement nocifs. Réduire les émissions de dioxyde de carbone sauverait la vie d’un demi-million de personnes par an en 2030, de 1,3 million en 2050 et de 2,2 millions en 2100. Épargner tous ces humains aurait en outre un avantage économique, estimé entre 50 et 380 dollars gagnés par tonne de gaz carbonique non émis».(5)
Une grande énigme qui restera dans les annales est de comprendre comment les Emirats arabes unis ont pu forcer les grands de ce monde à leur confier le sort de la planète avec la liberté du renard dans le poulailler, c’est-à-dire un permis de polluer en faisant croire qu’ils ont la solution concernant la séquestration du CO2 qui leur permet de polluer sans retenue. Julien Lecot écrit : «Si le pompier pyromane peut sembler un mythe, l’ultra-pollueur chargé de lutter contre le dérèglement climatique est en passe de devenir réalité aux Émirats arabes unis. Le pays est loin d’être bon élève en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Il fait partie des cinq plus gros émetteurs de CO2 par habitant de la planète (20,4 tonnes par an et par personne). Tout juste devancé par le Qatar (32,6 tonnes), le Koweït (24,5) mais très loin de l’objectif de deux tonnes par personne pour atteindre la neutralité carbone.»(6)
«En ouverture de la conférence pétrolière Apidec en 2021, Al-Jaber prônait le «pragmatisme», insistant pour «investir 600 milliards de dollars tous les ans dans le pétrole jusqu’en 2030, pour satisfaire la demande mondiale attendue». «Oui, les énergies renouvelables se développent rapidement. Mais les gaz et le pétrole restent les plus grandes énergies du mix énergétique et le seront pendant des décennies. Le futur arrive mais il n’est pas encore là. On doit progresser, avec pragmatisme. On ne peut pas tout simplement débrancher le système d’aujourd’hui», assurait-il alors.(6)

Un prince du pétrole va présider la COP28 : pourquoi ce choix ?
Pourquoi un pétrolier connu pour ses inclinations pour le pétrole a été choisi pour présider la COP28? Sultan Al Jaber est, depuis quelques années, le PDG de la compagnie pétrolière Abu Dhabi National Oil Company (Adnoc), un prince du pétrole comme chef d’orchestre de négociations climatiques internationales… Dubaï est loin d’être un modèle de développement durable… Récemment, les Émirats arabes unis — qui restent dans le top 5 des plus gros émetteurs de CO2 au monde avec plus de 20 tonnes émises par an et par habitant — ont d’ailleurs réaffirmé leur ambition d’augmenter leur production de pétrole et de gaz dans les décennies à venir. Adnoc prévoit ainsi d’investir près de 130 milliards de dollars dans le secteur au cours des cinq prochaines années.(7) Pour le Réseau action climat, « la réalité, c’est que les pourparlers sur le climat seront dirigés par le PDG d’une entreprise pariant sur l’échec climatique», souligne Oil Change International. Cette nomination augmente les inquiétudes quant au fait que les Émirats arabes unis utiliseront leur présidence de la conférence sur le climat pour favoriser les intérêts de ceux qui exploitent les combustibles fossiles . Amnesty le souligne dans son rapport, les Émirats ne mènent pas une politique « qui vise à réduire la production de combustibles fossiles». Sultan Al-Jaber l’admet lui-même : «Les énergies renouvelables ne peuvent pas être la seule réponse.»(7)

Comment les géants du pétrole opèrent dans l’impunité
On le sait, les géants du pétrole ont d’abord nié le changement climatique, ensuite ils on fait du greenwashing. Ils reviennent en force pour ignorer les convulsions climatiques : «Les grands du pétrole — et du gaz fossile — ont fait beaucoup de promesses à ce sujet ces dernières années. BP, par exemple, visait une réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 35 % d’ici 2030. Il y a quelques mois, alors que le changement climatique continuait de s’installer, cet objectif a toutefois été revu à la baisse. Une décision qui va tout à fait dans le sens de ce que soutenait récemment le PDG de Shell.» Selon lui, réduire la production de combustibles fossiles serait « dangereux et irresponsable».(8)
«En parallèle, Shell a annoncé sa décision de ne plus augmenter ses investissements dans les énergies renouvelables. Le français TotalEnergies n’est pas en reste. Début juillet, Patrick Puoyanné expliquait que son entreprise continuerait à consacrer la majeure partie de son temps et de son argent aux énergies fossiles. “Notre société a besoin de pétrole et de gaz fossile.” C’est pourquoi les experts s’entendent de plus en plus sur le fait que, s’ils veulent faire avancer les choses, les dirigeants de notre monde devraient arrêter au plus vite de croire que les grands du pétrole et du gaz fossile vont volontairement changer leurs modèles économiques pour le bien de l’humanité. Et imaginer des taxes ainsi que d’autres sanctions politiques qui les encourageraient à mettre enfin la Planète sur la bonne voie.»(8)

Fausse solution miracle : la séquestration du CO2
Tout est bon pour les compagnies pétrolières pour continuer à pomper le pétrole sans contrainte. La guerre en Ukraine a donné un coup de pouce en ce sens que l’Occident a relégué le climat loin derrière la sécurité énergétique à tout prix. En 2023, un allié de taille, les Émirats arabes unis, plaident notamment pour des solutions technologistes, comme l’absorption et le stockage de CO2 par des usines, plutôt que pour une baisse réelle des émissions à la source. Pour beaucoup d’experts, cette technologie est balbutiante et très coûteuse. Mais l’Occident hésite à protester : les Emirats sont un précieux allié dans le Golfe.
Des «fausses solutions» qui représentent «un vrai danger de repousser l’action climatique», analysait Aurore Mathieu. «Les technologies de réduction d’émissions et de dépollution (‘’abatement technologies’’ en anglais) ne doivent pas servir de feu vert à l’expansion continue des combustibles fossiles (…) et devraient être reconnues comme n’ayant qu’un rôle minimal à jouer dans la ‘’décarbonation » de l’énergie.(7)
Il vient que la capture et le stockage du carbone est une technologie controversée. De plus en plus de sociétés pétrolières et gazières, comme ExxonMobil et Shell, disent qu’elle est prometteuse. Cela leur permet d’imaginer un avenir avec des combustibles fossiles, sans émissions nettes de CO2. Les Émirats arabes unis, producteurs de pétrole, en sont également de fervents partisans. Les compagnies pétrolières et gazières l’utilisent comme excuse pour pomper plus longtemps les combustibles fossiles.

«Je n’ai pas de baguette magique», affirme le président pétrolier de la COP28
Sultan al-Jaber a explicité les objectifs qu’il entend imposer à la COP28. La contribution suivante rapporte : «Quand on lui demande quand le monde brûlera sa dernière goutte de pétrole, Sultan al-Jaber a une réponse simple : ‘’Quand il y aura assez d’énergies bas-carbone pour le remplacer.’’ ‘’Nous ne pouvons pas mettre fin au système énergétique actuel avant d’avoir construit le système énergétique de demain’’, répond-il dans un entretien à l’AFP jeudi 13 juillet.»(9)
Alors qu’un an plus tôt, le Giec alertait dans son rapport que «tout retard supplémentaire dans l’action mondiale (…) nous fera manquer la brève fenêtre d’opportunité que nous avons pour assurer un avenir viable et durable pour tous», Sultan al-Jaber défend que se passer du pétrole, du gaz et du charbon, responsables du réchauffement climatique, du jour au lendemain, est irréaliste. Dans un discours à Bruxelles, à ceux qui espèrent que le monde appellera à la sortie du pétrole et du gaz, il répond que leur réduction est «inévitable» et «essentielle», mais qu’il n’a «pas de baguette magique». «Je ne veux pas inventer des dates qui ne sont pas justifiées.»(9)
Les promesses n’engagent, dit-on, que ceux qui y croient. Encore une fois, nous sommes enfumés par des vœux pieux des grands pollueurs. Ainsi, l’Union européenne s’efforcera, dit-elle, d’éliminer progressivement l’utilisation sans relâche des combustibles fossiles «bien avant 2050», dixit le directeur européen du climat Frans Timmermans de trois manières différentes.
Tout d’abord, Timmermans souhaite que : «l’UE s’éloigne plus rapidement des combustibles fossiles. Le charbon doit disparaître complètement, tandis que les émissions du secteur pétrolier et gazier doivent devenir nulles. Cependant, Timmermans n’attribue qu’un rôle mineur à la capture et au stockage du carbone. «Le recours à cette technologie doit être résiduel et uniquement dans les secteurs difficiles à réduire. Enfin, Timmermans souhaite que les pays de l’UE utilisent l’énergie de manière plus efficace qu’actuellement. Les améliorations de l’efficacité énergétique réduisent la quantité d’énergie nécessaire pour fournir un service. Les pays de l’UE devront utiliser 1,5% d’énergie en moins chaque année. Le secteur public en particulier devra réaliser des réductions importantes, de 1,9% par an. Une réduction de 11,7% devrait être enregistrée d’ici 2030».(10)

Les grands pollueurs du G20 ne s’entendent pas pour freiner la boulimie fossile
Aux dernières nouvelles, les ministres du G20, c’est plus de 80 % à la fois du produit intérieur brut (PIB) mondial et des émissions de CO2 sur la planète. Ils ont échoué vendredi 24 juillet 2023 à trouver un accord sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour faire face au changement climatique. Ce revers concerne la date de sortie des énergies fossiles, le financement de l’adaptation au changement climatique, la biodiversité. Et surtout celui visant au plafonnement des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025. Parmi les participants au sommet de Chennai figurait notamment Sultan Al Jaber. Il a été critiqué pour ce qui apparaît comme un conflit d’intérêts, les combustibles fossiles étant la principale cause du réchauffement climatique.(11)

La lutte contre le réchauffement climatique est donc une question de sécurité mondiale
Le professeur Abderahmane Mebtoul résume en quelques phrases les enjeux futurs : «La lutte contre le réchauffement climatique engage la sécurité du monde. Le climat mondial est un vaste système interconnecté. L’amplification des phénomènes météorologiques extrêmes provoque l’évaporation de l’eau, ce qui modifie le régime des pluies plus intenses, avec les inondations dans certaines régions, et des sécheresses plus intenses dans de nombreuses autres régions. En accroissant le nombre d’événements climatiques extrêmes : tempêtes, ouragans, cyclones, inondations, vagues de chaleur, sécheresses, incendies. L’impact du réchauffement climatique bouleverse les conditions de vie humaine. Certains de ces effets sont irréversibles… 100 millions de personnes seront contraintes de changer de lieu d’habitation. Les engagements gouvernementaux actuels ne permettraient d’atteindre que 20% des réductions d’émissions d’ici 2030. Pour l’AIE, il faut investir chaque année jusqu’à 4000 milliards de dollars en dirigeant la majorité de ces investissements vers les économies en voie développement, et vers des investissements vers les véhicules électriques, l’hydrogène, et sur l’efficacité énergétique dans le transport de l’énergie, le BTPH.»(12)

L’accord de la COP 21 à Paris : un vaste canular qui perdure
Il est connu que l’accord de Paris est creux et sonore. Du fait qu’il ne soit pas contraignant, il a donné de fausses espérances. Pour situer la part de chaque pays, le site Global Carbon Budget 2022 liste les pays par leurs émissions de CO2, totales et par habitant, et de leur
PIB. : «Le premier constat n’a rien d’étonnant : plus un pays est riche, plus ses habitants ont tendance à émettre de CO2. Ainsi, la plupart des pays d’Afrique sont à moins d’une tonne d’émissions de CO2 par habitant. A l’inverse, les pays du Golfe sont les plus émetteurs du monde. Le Qatar est à plus de 30 tonnes. Les Émirats sont à 20 tonnes de CO2.»(13)
«Pour maintenir le réchauffement en dessous des 2°C, comme s’y sont engagés les Etats dans l’accord de Paris, il faudrait faire baisser ce chiffre à 2 tonnes. Entre 20 et 45% des efforts à fournir sont à l’échelle individuelle (manger végétarien, se déplacer à vélo, isoler son logement. Aucun pays riche n’est proche de l’objectif de 2 tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par personne, qui serait nécessaire pour atteindre une neutralité carbone, malgré quelques efforts réalisés ces dernières années. Les quelque 80 pays, plus de 3 milliards d’habitants, avec des émissions inférieures à cet objectif sont tous des États pauvres ou intermédiaires.»(13)

Une voie possible de rendre efficaces les COP : faire payer les pollueurs
La grande tromperie fut de faire croire que l’Accord de Paris allait sauver la planète. J’étais intervenu en ce sens à Charm Echeikh pour en appeler à des accords contraignants. Les pays font des promesses et ne sont pas tenus de les tenir. Il était prévu de décroître de 32 milliards de tonnes de CO2 à raison de 1,5 milliard par an. Résultat des courses : au lieu de 20, nous sommes à plus de 40 milliards de tonnes.(14) Une façon de faire payer à chacun son dû proportionnellement à sa responsabilité dans la pollution est la tonne de CO2 qui permettrait de compenser les quantités de fossiles utilisées.
En clair, le pollueur devrait payer à partir d’un quota compatible avec la capacité d’absorption de la Terre autour de 15 milliards de tonnes de CO2, soit l’équivalent de 5 milliards de tep. Le prorata de chacun en terme de pollution devrait être corrélé avec les dégâts planétaires immédiats de la planète et les dégâts à long terme et alimenter le Fonds vert de compensation des dégâts occasionnés par l’excès de consommation d’énergies fossiles. À seulement 10 dollars la tonne, l’excédent de pollution d’au moins 15 milliards de tonnes convertis permettra chaque année d’alimenter le Fonds vert de 150 milliards de dollars. Ce qui permettra aux pays faibles à la fois de lutter contre les convulsions climatiques mais aussi de mettre en place une stratégie de mise en place des énergies renouvelables.

Nous sommes en 2038, le dérèglement climatique a atteint le point de non-retour
Des températures qui grimpent en flèche, des sécheresses, des incendies, une montée des eaux, des extinctions massives, une instabilité politique… Le pire arrive. Imaginons un monde où la température moyenne est de 4 degrés au-dessus de celle de la période préindustrielle. Un monde où les jours de pires canicules, telles que nous les avons vécues ces dernières années, ne seraient que des journées ordinaires d’été, pouvant parfois frôler les 50 degrés à l’ombre, voire les dépasser dans certaines régions de la planète. L’Algérie a enregistré 51,3°C le 5 juillet 2023 à Ouargla, probablement la température la plus élevée jamais relevée en Algérie par des instruments. Nous allons vers un monde de sécheresses, de nappes phréatiques anémiques. Le monde qui nous attend sera un monde où les cyclones et les tempêtes tropicales dévasteraient désormais des régions où ils étaient inconnus, où les gigantesques incendies de forêt se produiraient de manière quasi routinière en chargeant l’atmosphère de particules venant s’ajouter à la pollution des villes. Un monde où le prix de l’électricité sera inabordable, où l’eau sera plus importante que l’or et ou l’oxygène sera coté en bourse.
Cette COP 28 est un coup d’épée supplémentaire plus dangereux que les précédentes car cette fois-ci les compagnies pétrolières ont le vent en poupe. Quand Sultan al Djaber déclarait en 2022, «il faut être réaliste et pragmatique, en cherchant à être bénéfique à l’humanité, au climat et certainement à l’économie», il faut comprendre que cette COP28 donnera un permis de polluer encore et toujours avec les énergies fossiles au nom du réalisme émirati qui rend cette monarchie responsable de la détresse de milliards de personnes dont chacun pollue en une année ce que l’Émirati pollue en une semaine.
Nous ne sommes pas à la hauteur des défis ! La civilisation du toujours plus, mantra des pays développés, et l’ébriété énergétique sont à des années-lumière de la sobriété énergétique. Ils nous font aller vers une décroissance vertueuse qui puisse permettre à chaque habitant de la planète de prétendre à une vie digne avec des droits élémentaires au nom du développement humain durable qui ne laisse personne sur le bord de la route. Il est plus que temps de donner corps à la nécessité d’un sauvetage de la planète par la mise en place, comme je l’ai proposé à Charm en novembre 2022, d’une instance spécifique par la mise en place d’un Conseil de sécurité de la vie sur Terre (CSVT, Earth Life Safety Advice (ELSA), composé de sages soucieux du bien-être à la fois de la Terre et de l’humanité dans son ensemble ; et qui décideront du seuil de pollution à ne pas dépasser et des espaces à protéger et responsabilisera, par ses décisions contraignantes, les efforts de chacun, notamment, des pays développés. Cette réflexion est à mener hic et nunc (ici et maintenant). Le temps nous est compté.
C. E. C. 


1.https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-monde-d-apres/le-monde-d-apres-de-jean-marc-four-du-jeudi-01-juin-2023-8317465
2.Benjamin Legendre – https://www.ledevoir.com/environnement/795239/juillet-2023-le-mois-le-plus-chaud-jamais-enregistre-sur-la-planete
3.https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2000763/jour-depassement-ressources
4.Julien Mivielle https://www.ledevoir.com/environnement/792586/le-rechauffement-climatique-cause-par-l-humanite-atteint-un-rythme-inedit-alertent-des-chercheurs? 8 juin 2023
5.https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/environnement-reduire-energies-fossiles-sauverait-millions-vies-49187/
6.Julien Lecot https:/ /www.liberation.fr/environnement/climat/pour-presider-la-cop-28-les-emirats-arabes-unis-pourraient-nommer-le-pdg-dune-entreprise-petroliere-20230106_V3OYCSH6MFHQ3ITLZFWXE6RZ6Y/ 6 janvier 2023
7.https://www.futura-sciences. com/planete/actualites/rechauffement-climatique-prince-petrole-va-presider-cop28-ce-choix-102849/
8.https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/rechauffement-climatique-geants-petrole-moquent-ouvertement-nous-106689/
9.https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/crise-climatique/climat-je-n-ai-pas-de-baguette-magique-pour-sortir-des-energies-fossiles-affirme-le-president-emirati-de-la-cop28_5948558.html 13/07/2023
10.https://fr.businessam.be/combustibles-fossiles-ue-2050-objectifs-timmermans/ 14 07 2023
11.Bhuvan Bagga https ://www. ledevoir. com/monde/795328/pas-d-accordsur-les-emissions-de-ges-au-sommet-des-ministres-de-l-environnement-du-g20
12.Abderrahmane Mebtoul http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5322726
13.Savinien de Rivet https://www.liberation.fr/environnement/climat/emissions-de-co2-par- 4JT4LA7OQNGDJEH4MHHVAFMGOU/#
14.Chems Eddine Chitour COP 27 Charm Echeikh https://fb.watch/gTls-tWADP/

Par le Professeur Chems Eddine Chitour
École polytechnique, Alger

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur

Source : Le Soir d’Algérie
https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/…