Itamar Ben Gvir célébrant sa victoire le jour des élections Crédit : Rami Shllush

Par Gideon Levy

Une liste qui, en Europe, aurait été qualifiée d’emblée de néo-nazie vient de faire son entrée à la Knesset. Il n’y a pas d’autre façon de décrire le parti Sioniste Religieux. Xénophobie, homophobie et nationalisme, combinés au fondamentalisme religieux et à la violence, sans aucune retenue : comment peut-on l’appeler autrement ? Aucun pays d’Europe occidentale n’aurait l’audace d’inclure une telle faction dans son gouvernement. En Europe, ce fascisme serait inacceptable. En Israël, il est sur le point de faire partie du prochain gouvernement.

Mais ce n’est pas la plus mauvaise nouvelle de la soirée électorale. Le fait que la droite, comme d’habitude, a gagné l’élection est encore pire. Tout le monde parle de Benjamin Netanyahu, mais le vrai gagnant est la droite israélienne. Une fois de plus, elle a gagné gros : Plus de 70 députés de la prochaine Knesset seront des membres pleins d’orgueil de la droite dure et cruelle. Une majorité plus solide que n’importe quelle coalition imaginable.

Le seul fait que certains membres de la droite méprisent également Netanyahou ne les rend pas moins droitiers. Avant et après Netanyahou, ils représentent un Israël violent, arrogant et isolé qui choisit de ne pas tenir compte du reste du monde. Dans le camp opposé aussi, il y a des droitiers qui se font passer pour des centristes, mais même sans eux, la majorité de la Knesset est de droite. La plupart des Israéliens ont voté pour la droite. En plein va-et-vient de tous les calculs sur les blocs qui pourraient être pour ou contre Bibi, le fait est qu’Israël a été une fois de plus montré comme un pays de droite.

L’entrée du sionisme religieux à la Knesset et l’identité de ses membres, provoque une espèce de tollé dans le camp des vaincus, mais c’est moralisateur et hypocrite. Il est bon que ce camp se réveille mais, comme d’habitude, il le fait tardivement. Oui, l’idée qu’Itamar Ben Gvir et Orit Strock soient à la Knesset est horrifiante, mais il est facile de ne voir qu’eux et de leur attribuer ce que nombre d’autres, qui sont perçus comme beaucoup moins laids, pensent, disent et font réellement. Ce que Ben Gvir dit est ce que beaucoup d’Israéliens pensent, même s’ils n’ont pas voté pour lui.

Le gouvernement et l’armée d’Israël réalisent déjà bon nombre des objectifs du parti le plus nationaliste de la 24ème Knesset. L’entrée du sionisme religieux à la Knesset n’est donc pas nécessairement une mauvaise nouvelle. Parce qu’elle rendra les intentions cachées très claires dans leur forme la plus crue, et peut-être réveillera-t-elle enfin l’opposition.

Il est très facile d’être horrifié par Ben Gvir, le voyou condamné, mais il ne doit plus faire peur à personne. Ce qui est vraiment effrayant, c’est qu’Israël met en oeuvre sa politique et danse à son rythme depuis un certain temps. La consternation à l’égard de son élection est donc hypocrite et suffisante alors que nous n’avons pas entendu les mêmes être pareillement horrifiées lorsque les FDI tirent en visant la tête sur des manifestants non armés, comme cela s’est produit vendredi dernier.

Personne n’est consterné lorsque des soldats s’introduisent dans des maisons et tirent des gens de leur lit chaque semaine. Personne n’est consterné lorsque des colons s’emparent quotidiennement de plus en plus de terres privées et attaquent des bergers et des agriculteurs avec des chaînes de fer, des véhicules tout-terrain, des drones et des armes réelles, sans que personne ne les inculpe d’un quelconque crime. Et, bien sûr, lorsqu’Israël maintient 2,5 millions de personnes piégées dans la prison de Gaza, dans des conditions épouvantables, personne ne s’en émeut.

Désormais, les partisans de toutes ces atrocités seront à la Knesset. C’est une bonne chose que la Knesset entende ce qu’ils ont à dire, et que le monde l’entende aussi. Ils n’ont pas gagné leur légitimité par la présente élection – ils l’ont obtenue il y a longtemps par le soutien silencieux d’une majorité d’Israéliens. Il sera assez désagréable d’entendre parler de « transfert » à la Knesset, mais c’est ce que l’État fait déjà dans la vallée du Jourdain, à Silwan et au sud du mont Hébron – un transfert plus discret que celui que Ben Gvir a en tête, mais tout aussi méprisable.

C’est une bonne chose que la lettre hébraïque tèt – la première lettre du mot transfert et le symbole électoral du Sionisme Religieux – prenne place à la Knesset à côté de la photo de Théodore Herzl. C’est exactement ce que fait depuis 1948, parfois loin des regards, l’État qu’il a imaginé.

Traduction SF pour l’UJFP

Source : UJFP
https://ujfp.org/…