Par Chems Eddine Chitour

«Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson capturé, alors le visage pâle s’apercevra que l’argent ne se mange pas.»
(Sitting Bull. Chef indien Sioux)

Résumé

La biodiversité connaît un déclin vertigineux et sans précédent, et les moteurs de ce déclin ne semblent pas ralentir. L’humanité se trouve face à un choix. La biodiversité et les services écosystémiques rendus par la nature sont essentiels à la survie et au bien-être humain. L’appauvrissement de la biodiversité et la dégradation des écosystèmes, s’ils ne sont pas arrêtés, auront de profondes conséquences sur les sociétés humaines et mettront en danger l’existence même des générations futures. La 15e Conférence de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies (COB) a été lancée depuis Kunming en Chine et se poursuit à Montréal. La communauté internationale fait face à un «moment de vérité» dans la protection de la nature, a averti la secrétaire exécutive de la Convention (CDB), Elizabeth Maruma Mrema, lors de l’ouverture de la COP15. Si nous voulons attendre la vision à 2050 de vivre en harmonie avec la nature, nous devons agir lors de cette décennie pour stopper et inverser la perte de biodiversité».(1)
L’accord de Kunming Montréal s’apparente à la parabole du verre à moitié vide et le verre à moitié plein. Les financements de 25 à 30 milliards de dollars sont insuffisants. L’idéal est de supprimer les subventions de 500 milliards de dollars aux agricultures des pays développés responsables de cette débâcle de la biodiversité. Et là ce n’est pas gagné d’autant que la comparaison avec la COP21 de Paris n’est pas de bon augure. La planète ayant encaissé plus de 7 milliards de tonnes de CO2 en plus alors qu’il était prévu une décroissance, tout cela parce qu’il n’y a pas de contraintes dans les engagements.

Qu’est-ce que la sixième extinction ?

Un constat, la biodiversité recule. On s’achemine de débâcle en débâcle vers le seuil critique. Les explications diffèrent et s’ajoutent, les études se multiplient depuis une trentaine d’années pour affiner données et conclusions, mais personne ne conteste plus la réalité globale du phénomène. À titre d’exemple, la grande barrière de corail ne serait plus qu’un lointain souvenir d’ici la fin de la décennie. Il en sera de même pour le recul de banquise qui a disparaît totalement en période estivale et ne se reconstitue pas à l’identique. Quand les abeilles auront disparu, l’humanité ne tardera pas à disparaître», dit-on, Il ne fait pas bon être une abeille. D’après les connaisseurs, aussi bien les apiculteurs que les scientifiques la surmortalité qui touche les milliers d’espèces est une réalité. Elle est due aux impacts des pesticides et aux maladies parasitaires exacerbés par la température due aux changements climatiques. L’étude suivante explique comment nous allons vers un point de non-retour de la responsabilité de l’homme.
«À l’heure actuelle, la surexploitation des ressource naturelles, la destruction des milieux naturels ou encore l’artificialisation des sols ou la diffusion des espèces exotiques envahissantes portent bien plus préjudice à la biodiversité que le changement climatique. La biodiversité a bien moins d’inertie que le climat et les actions en faveur de sa préservation donnent des résultats bien plus rapides. Une extinction de masse, que certains appelle aussi ‘’crise biologique’’, est une période de disparition rapide et massive d’espèces. Pour qu’elle ait lieu, il y a 3 conditions à remplir : la durée doit être relativement courte sur l’échelle de temps géologique. Cela entraîne forcément une importante chute de la biodiversité. Il y a eu 5 extinctions : l’Ordovicien, le Dévonien, le Permien, le Trias et le Crétacé. Ces 5 extinctions ont eu lieu à cause de changements climatiques. Soit à cause d’une période glaciaire importante, soit à cause de l’épuisement de l’oxygène dans les océans, soit des volcans et ou encore de la météorite qui s’est écrasée il y a 65 millions d’années et a éradiqué les dinosaures».(2)
Cette fois, il y a une différence majeure : «Les êtres humains sont seuls responsables de ce qui arrive.» Et selon certaines études, le taux d’extinction des espèces pourrait être 100 fois plus élevé que lors des précédentes extinctions massives. Et une fois que c’est fait, c’est irréversible. Parce qu’il faut plusieurs millions d’années pour rétablir un équilibre. Pour de nombreux scientifiques, une nouvelle extinction de masse aurait commencé il y a environ 13 000 ans à la suite de la colonisation du monde par les êtres humains. On appelle cette période l’holocène. Ou encore 6e extinction de masse. Pour Elizabeth Kolbert, auteure de La Sixième Extinction qui a remporté le Prix Pulitzer : «Nous avons autant d’occasions de changer la planète dans le bon sens que d’occasions de la détruire.»(2)
Au cours des dernières décennies, l’érosion de la biodiversité n’a fait que s’aggraver : les espèces déclinent à un rythme inédit, plus de 75% des espaces terrestres ont déjà été altérés et la majorité des océans sont pollués. «La sixième extinction est provoquée par l’homme, pas par une météorite», a rappelé l’acteur américain James Cromwell lors de son passage au Palais des congrès de Montréal. «Nous ne sommes pas en train d’approcher d’un point de non-retour pour la nature, nous y sommes», a aussi alerté la secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique (CDB), Elizabeth Maruma Mrema.

Le brevetage du vivant : premiers pas pour la disparition de l’humanité

Parmi les autres causes de la débâcle génétique, il faut citer la tentation de créer le vivant. Des espèces hybrides apparaissent et même si les effets immédiats ne sont pas visibles, les conséquences de manipulations génétiques se font sentir de plus en plus. La nature qui a mis des milliers d’années à stabiliser les génomes de chaque espèce est agressée par de nouvelles espèces invasives. Si on y ajoute la manipulation du vivant l’hubris de l’homme n’a pas plus de limite, nous allons vers la création de chimères. Les ingrédients de l’apocalypse sont entre les mains des apprentis sorciers du vivant. La brevetabilité du vivant désigne la possibilité de déposer un brevet sur un organisme vivant, animal ou végétal, qu’il soit pluricellulaire ou non. Le brevet peut porter sur le procédé d’obtention, sur l’organisme dans son entier. La créature vivante, créature de Dieu, a longtemps été exclue du champ d’application des brevets ou de tout autre système semblable. Le tournant est définitivement pris le 16 juin 1980 avec l’arrêt de la Cour suprême qui met un terme à l’affaire Diamond contre Chakrabarty, une affaire qui trouve son origine dans une demande de brevet déposée en juin 1972 tant sur un procédé de fabrication d’une bactérie capable de dégrader les hydrocarbures que sur la bactérie manipulée elle-même. D’abord rejetée au motif qu’un organisme vivant n’était pas brevetable, cette demande est finalement légitimée par la Cour suprême qui appuya son jugement sur le Patent Act couvrant les brevets classiques dits Utility Patents. La bactérie est définie comme une «composition de matière». La Cour citant un rapport du Congrès de 1952 affirme brevetable «tout ce qui, sous le soleil, est fait par l’homme» («anything under the sun that is made by man»).(3)

Qu’est-ce que la biodiversité ?

Un document des Nation unies explicite bien les attendues de la COP 15 : «L’existence de l’humanité dépend de la pureté de l’air, de la nourriture et d’un climat habitable, qui sont tous régulés par le monde naturel. Une planète saine est également précurseur d’économies résilientes. Plus de la moitié du PIB mondial, soit 41 700 milliards de dollars, dépend d’écosystèmes sains. Des écosystèmes sains sont également essentiels pour atteindre les Objectifs de développement durable et limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. Or, le changement climatique risque de devenir l’un des principaux facteurs de perte de biodiversité d’ici la fin du siècle. La COP15 a pour objectif de parvenir à un accord historique pour stopper et inverser la perte de biodiversité.»(4)
«Lors de la COP10 à Nagoya, au Japon, en 2010, les gouvernements se sont engagés à atteindre les 20 objectifs d’Aichi en matière de biodiversité d’ici 2020. Notamment à réduire de moitié la perte d’habitats naturels et à mettre en œuvre des plans de consommation et de production durables. Selon un rapport de la CDB pour 2020, aucun de ces objectifs n’a été pleinement atteint. Il n’a jamais été aussi urgent de lutter contre la perte de biodiversité. La planète connaît un dangereux déclin de la nature dû à l’activité humaine. Elle est confrontée à sa plus grande perte de vie depuis les dinosaures. Un million d’espèces végétales et animales sont aujourd’hui menacées d’extinction. Nous pourrions bien connaître la 6e extinction de masse.»(4)

Quels sont les principaux enjeux ?

«De nombreuses questions seront négociées. Le projet comprend plus de 20 objectifs, dont des propositions visant à réduire l’utilisation des pesticides, à lutter contre les espèces envahissantes, à réformer ou à supprimer les subventions nuisibles à l’environnement et à accroître le financement de la protection de la nature par des sources publiques et privées.
Les mesures doivent être à la fois ambitieuses et réalisables. Elles devront s’attaquer aux cinq principaux facteurs directs de la perte de biodiversité :
* le changement de l’exploitation/utilisation des mers et des terres ;
* la surexploitation des organismes ;
* le changement climatique ;
* la pollution ;
* les espèces non indigènes envahissantes.
«Il faudra également adresser les causes sous-jacentes telles que la surconsommation et la production non durable. L’agriculture et l’urbanisation par exemple sont à l’origine de 80% de la perte de biodiversité dans de nombreuses régions, c’est pourquoi il est essentiel de s’y attaquer. Des accords devront être conclus sur le financement, notamment sur le montant de l’aide que les pays riches apporteront aux pays en développement pour financer la conservation de la biodiversité. Étant donné le rôle crucial que jouent des écosystèmes sains dans tous les aspects de l’humanité, il est vital qu’un accord soit trouvé à Montréal et que le déclin de notre monde naturel soit stoppé.»(4)

COP 15 : premières mesures à KunMing (Chine) en octobre 2021

La nécessité de mettre un frein à cette fuite en avant a été bien perçue par les Nations unies depuis une quinzaine d’années. L’ONU peine cependant à faire aboutir les préoccupations pour arrêter cette perte inexorable. Ainsi, les participants à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique ont adopté la Déclaration de Kunming Chine). La COP 15, le plus grand rassemblement des Nations unies sur la biodiversité depuis une décennie, «est chargée d’élaborer le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 et d’identifier de nouveaux objectifs de protection jusqu’en 2030».(5)
Mettant en avant les préoccupations causées par le fait que la perte continue de biodiversité compromet la réalisation des objectifs de développement durable des Nations unies la déclaration indique : «Nous déclarons que mettre la biodiversité sur la voie du rétablissement est un défi déterminant de cette décennie.» Le document prend note des appels lancés par de nombreux pays pour protéger et conserver 30% des zones terrestres et maritimes d’ici 2030. Le cadre devrait inclure la fourniture des moyens de mise en œuvre nécessaires ainsi que des mécanismes appropriés de suivi, de rapport et d’examen pour inverser la perte actuelle de biodiversité et garantir que la biodiversité soit mise sur la voie du rétablissement d’ici 2030 au plus tard. Un autre engagement inclus dans la déclaration est «d’augmenter le soutien financier, technologique et de renforcement des capacités aux pays en développement nécessaire à la mise en œuvre du cadre».(5)

L’accord présenté par la Chine et adopté

La conférence des Nations unies sur la biodiversité, COP15, a débuté à Montréal le 7 décembre 2022. Les gouvernements du monde entier doivent établir un plan d’action global en faveur de la biodiversité. La COP15 se concentrera sur le monde vivant à travers la Convention sur la diversité biologique (CDB). Un traité adopté pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique.
«Cette année est particulièrement importante car un nouveau cadre mondial pour la biodiversité doit être adopté. Le cadre mondial sur la biodiversité pour l’après-2020 sera le premier adopté depuis les objectifs d’Aichi sur la biodiversité en 2010».(6)
La présidence chinoise a présenté dimanche un projet d’accord visant à protéger 30% de la planète et atteindre 20 milliards de dollars d’aide annuelle. «L’objectif de protéger 30% de la planète a été retenu par la présidence chinoise de la COP15 dans le compromis qu’elle a soumis dimanche aux négociateurs, proposant par ailleurs d’atteindre au moins 20 milliards de dollars d’aide annuelle des pays riches pour appliquer l’accord biodiversité».(6)
«C’est un document basé sur les efforts de tous depuis quatre ans, un document qui doit être adopté», avait lancé samedi à ses homologues le ministre chinois de l’Environnement Huang Runqiu. Sur la base du texte de la présidence, les pays doivent approuver d’ici lundi «l’accord de Kunming-Montreal», feuille de route cruciale pour stopper la destruction de la nature et de ses ressources indispensables à l’humanité d’ici la fin de la décennie. Selon les scientifiques, «plus d’un million d’espèces sont en effet menacées de disparition».(6)

Protéger 30% de la planète

L’objectif de protéger 30% des terres et des mers de la planète d’ici 2030, annoncé comme le point phare des négociations de l’ONU sur la biodiversité, figure dans le projet d’accord, présenté dimanche par la Chine, présidente du sommet. À ce jour, 17% des terres et 8% des mers sont protégées. Avec la ratification l’humanité prendrait «le plus grand engagement de l’histoire en faveur de la conservation des océans et des terres», s’est félicité Brian O’Donnell, directeur de l’ONG Campaign for nature. «Une conservation à cette échelle donne une chance à la nature. S’il est approuvé, les perspectives pour les léopards, les papillons, les tortues de mer, les forêts et les populations s’amélioreront nettement».(6)
«Cet objectif, un minimum pour les scientifiques qui plaident pour au moins 50% de protection de la planète, a été présenté comme l’équivalent pour la biodiversité de l’objectif de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Des garanties pour les peuples autochtones, gardiens de 80% de la biodiversité subsistante sur Terre, sont aussi présentes dans le texte, autres enjeux du sommet».(6)

20 milliards de dollars annuels : largement insuffisants

«Pour tenter de résoudre la question financière toujours brûlante entre le Nord et le Sud, la Chine propose d’atteindre ‘’au moins 20 milliards de dollars’’ d’aide internationale annuelle pour la biodiversité d’ici 2025 et ‘’au moins 30 milliards d’ici 2030’’, selon le projet d’accord dévoilé dimanche. En échange de leurs efforts, les pays les moins développés réclament aux pays riches 100 milliards de dollars par an. Soit au moins dix fois l’aide internationale actuelle pour la biodiversité.
Une nouvelle session plénière est prévue dimanche soir, après une journée qui sera marquée de nouveau par d’intenses négociations à huis clos. Les pays du Sud poussent aussi fortement à la création d’un nouveau fonds mondial distinct dédié à la biodiversité, à l’image de celui obtenu en novembre à la COP27 en Égypte pour les aider à affronter les dégâts climatiques. Sur ce point, la Chine propose un compromis : «Etablir dès 2023 une branche dédiée à la biodiversité au sein de l’actuel Fonds mondial pour l’environnement (FEM), dont le fonctionnement actuel est jugé déficient par les pays les moins développés.»(6)

Accord de la COP15 : avancée ou syndrome d’Aichi de financement insuffisant ?

Nous pouvons tous nous réjouir qu’un accord soit obtenu après deux ans d’intenses négociations qui ont commencé à KunMing en Chine qui préside la conférence de Montréal. Cependant, le premier sujet qui fâche ; ce n’est pas d’être d’accord, il faut mobiliser des financements : «Après quatre ans de discussions, lit-on sur cette contribution de Përrine Mouterde, 195 États se sont engagés à prendre des ‘’mesures urgentes’’ pour protéger 30% de la planète, restaurer 30% des écosystèmes et doubler les ressources destinées à la protection de la nature d’ici à 2030. La route fut longue et chaotique et jusqu’au bout, l’issue des négociations aura paru suspendue à la question critique des moyens financiers. Plus de 190 Etats ont finalement adopté, lundi 19 décembre, un accord historique pour essayer de s’attaquer au gigantesque défi de l’effondrement du vivant. Protéger 30% de la planète, restaurer 30% des écosystèmes, réduire de moitié les risques liés aux pesticides, doubler les financements globaux en faveur de la protection de la nature : des dirigeants du monde entier se sont engagés à prendre des ‘’mesures urgentes’’ pour ‘’arrêter et inverser la perte de biodiversité’’ d’ici à la fin de la décennie.»(7)
«Chacun va maintenant devoir prouver qu’il est à la hauteur de ce texte et que ce n’est pas un accord de papier, le travail commence.» La 15e conférence mondiale pour la biodiversité (COP15) avec ses deux volets KunMing en Chine et Montréal Canada était présentée comme la «COP de la décennie» : «Elle avait pour mission d’établir un nouveau cadre mondial pour succéder aux accords d’Aichi, une série d’objectifs adoptés en 2010 au Japon qui s’étaient soldés, en 2020, par un constat d’échec généralisé. La Chine, qui préside la COP, a mis sur la table une nouvelle version du projet d’accord, présentée comme un texte de compromis. Les pourparlers se sont alors accélérés, permettant de débloquer en moins de vingt-quatre heures les principaux points de blocage.»(7)

L’accord de la COP 15 : les engagements non contraignants affaiblissent l’accord

Cela semble utopique d’aboutir à un accord tant ls divergences étaient importantes d’abord en Chine à Kunming ensuite au Canada à Montréal. Les objectifs de la COP15 sur la biodiversité à Montréal sont ambitieux : protection de 30% de la planète, restauration de 30% des écosystèmes, réduction des risques liés aux pesticides ou encore doublement des financements pour la protection de la nature.
Après quatre années de travail et deux semaines de négociations pendant la quinzième édition de la Conférence mondiale pour la biodiversité (COP 15) à Montréal, 195 États se sont engagés à prendre une série de 23 objectifs pour «arrêter et inverser la perte de biodiversité» d’ici à 2030. Parmi les points clés de l’accord Kunming-Montréal : protéger 30% de la planète, en restaurer autant, réduire les risques liés aux pesticides de moitié mais aussi doubler les financements pour la protection de la nature. Cette dernière question est, de loin, la plus problématique. Au total, 200 milliards de dollars (soit le double de ce qui est alloué à la protection de la biodiversité aujourd’hui) devront être trouvés d’ici 2030. Si la Chine, co-organisatrice de cette COP avec le Canada, est passée outre le désaccord du Congo qui a jugé que le financement n’était pas assez important, il propose 100 milliards de dollars. Dans l’accord final, ce soutien se chiffre à 20 milliards de dollars par an d’ici à 2025, et 30 milliards en 2030. Et contrairement à ce que souhaitaient les pays du Sud, la gestion de ces finances se fera via le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), déjà existant, plutôt que par la création d’un nouveau fonds dédié à la biodiversité.
Pour certaines associations, comme Bloom, il manque un objectif qualitatif pour la protection des espaces terrestres, maritimes et aériens. En effet, la définition de protection est large et peut aller de zones «sous cloche» à des zones où l’activité humaine est tolérée. L’accord commencé à Kunming en Chine, finalisé à Montréal Canada, a beaucoup été présenté comme l’équivalent de l’accord de Paris pour le climat, mais dans sa version «biodiversité». S’il n’est pas contraignant, il fixe néanmoins des objectifs ambitieux qui ont le mérite de redonner de la valeur à la protection de la biodiversité et un cadre de suivi de ces objectifs. L’accord Kunming-Montréal suscite aussi beaucoup d’espoirs à l’échelle de la communauté internationale, mais tous redoutent un scénario comme celui des accords d’Aichi. Cette série d’objectifs signée au Japon en 2010 n’a pas été suivie de mesures contraignantes et est clairement considérée comme un échec. Pour l’écologiste Ronan Dantec, «l’urgence climatique a mis la lumière sur l’importance de préserver les bassins de forêts qui sont essentiels à la captation carbone. Ça permet de faire le lien entre climat et biodiversité».
Beaucoup ont comparé, en effet, l’accord de Montréal à l’accord de Paris pour le climat. Cette analogie est très à propos car nous venons de faire un pas significatif pour la protection de la nature. «À tort le croyons-nous, cet accord est comparé à celui de la COP21 à Paris qui a endormi les citoyens du monde qui avaient cru que le problème des changements climatiques était réglé. Une preuve ? En 2015, la planète avait ‘’subi’’ 33 milliards de tonnes de CO2. Sept ans nous dépassons les 40 milliards de tonnes malgré l’intermède du Covid qui a permis une diminution de la pollution de 7%. Pourquoi ? Parce que l’accord de Paris n’est pas contraignant et il n’y a pas de répartition du fardeau financier ! Les organisateurs n’ont pas voulu terminer sur un échec de la conférence. Ils ont préféré un accord non contraignant. Nous en sommes là à la COP 27, c’est ce que j’ai dénoncé lors de mon intervention à la COP27 de Charm Echeikh.»(9)

Conclusion

«L’édition 2020 du rapport ‘’Financer la nature : combler le fossé du financement mondial de la biodiversité’’ estime qu’il faudra 700 milliards de dollars par an pour stopper le déclin de la biodiversité. Cela représente moins de 1% du PIB mondial» et que les «subventions versées chaque année au secteur des énergies fossiles dépassent les 5 mille milliards de dollars». Supprimer toutes les subventions qui, dans les secteurs agricole, de la pêche et des forêts, portent atteinte à la nature, représenterait déjà plus de 500 milliards de dollars. Mais il reste à trouver les 200 milliards qui manquent. «Si la communauté internationale saisissait l’urgence de la crise de la biodiversité et déployait les fonds et investissements nécessaires comme elle l’a fait pour répondre à la pandémie, le financement serait-il encore un problème ? Mais c’est comme pour le climat, les horizons temporels sont trop longs, ils dépassent les échéances électorales, et c’est ce qui rend beaucoup plus difficile de prendre de réels engagements financiers.»(10)
Pourtant, le changement climatique n’est que le 3e facteur de disparition de la biodiversité pour le moment : «Anything under the sun that is made by man.» «Tout ce qui est fabriqué par l’homme est brevetable.» Les apprentis sorciers du vivant ont les mains libres. À titre d’exemple, ce qui explique les verrous imposés par les organismes mondiaux pour planter des maïs OGM au lieu d’utiliser des semences depuis des millénaires. Quand Monsanto oblige les paysans à acheter des semences hybrides, adaptées aux pesticides et au grand rendement industriel, elle stérilise du même coup la biodiversité et ouvre la porte sur l’inconnu. La boîte de Pandore de la manipulation du vivant a été ouverte par la Cour suprême des États-Unis. Rien de nouveau sous le soleil !
Plus généralement, nous ne sommes pas à la hauteur des défis ! La civilisation du toujours plus, mantra des pays développés et l’ébriété énergétique sont à des années lumières de la sobriété énergétique. Il nous faut aller vers une décroissance vertueuse qui puisse permettre à chaque habitant de la planète de prétendre à une vie digne avec des droits élémentaires au nom du développement humain durable qui ne laisse personne sur le bord de la route. Seule une instance de l’importance du Conseil de sécurité pourrait avoir une vision planétaire d’ensemble.
Ce Conseil de sécurité de l’énergie et de l’urgence climatique (CSEUC), composé de sages soucieux du bien-être à la fois de la Terre et de l’humanité dans son ensemble, pourrait décider du seuil de pollution à ne pas dépasser et des espaces à protéger et responsabilisera, par ses décisions contraignantes, les efforts de chacun notamment des pays développés. Cette réflexion est à mener hic et nunc (ici et maintenant). Le temps nous est compté.
C. E. C.


1. https ://www. 20minutes.fr/planete/3145387-20211011-chine-cop15-biodiversite-ouvre-kunming
2. https://www.francebleu.fr/emissions/planete-bleue/107-1/c-est-quoi-la-6eme-extinction-de-masse#
3. Le brevetage du Vivant. Encyclopédie Wikipédia
4. https://unric.org/fr/cop15-biodiversite-ce-quil-faut-savoir/
5.http://french.china.org.cn/china/txt/2021-10/14/content_77808835.htm
6. https://www.bfmtv.com/environnement/cop15-sur-la-biodiversite-ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-projet-d-accord-presente-par-la-chine_AD-202212180280.html 18/12/2022
7. Perrine Mouterde https ://www.l emonde.fr/planete/article/2022/12/19/cop15-a-montreal-des-engagements-historiques-pour-la-biodiversite_6155018_3244.html
8. Clara Robert-Motta https://www.publicsenat.fr/article/societe/biodiversite-l-accord-de-la-cop-15-promet-des-engagements-historiques-231699
9. Intervention du professeur Chems Eddine Chitour à la COP27 https://fb.watch/gTls-tWADP/
10. https://enb.iisd.org/fr/UN-Biodiversity-Conference-CBD-COP15/summary6eme-extinction-de-masse#

Par le Professeur émérite Chems Eddine Chitour
École polytechnique, Alger

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur

Source : Le Soir d’Algérie
https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/…

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