8970e réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Ukraine, 21 février 2022.

Le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu une réunion d’urgence à la demande de l’Ukraine après que le Président russe Vladimir Poutine a reconnu l’indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Louhansk.

Source : Mission permanente de la Russie à l’ONU

Traduction : lecridespeuples.fr

Note du Cri des Peuples : Voici les principales raisons de la décision unilatérale russe de reconnaître l’indépendance de Donetsk & Lougansk :

  • Refus de Kiev de respecter les Accords de Minsk (qui prévoient l’autonomie du Donbass) au profit d’une solution militaire, encouragée par le bellicisme croissant de Washington et ses alliés
  • Déni occidental du « génocide » auquel sont soumis les +4 millions d’habitants du Donbass (dont près d’un million d’habitants a la nationalité russe) depuis 8 ans, et impossibilité de les protéger par une décision multilatérale de l’ONU
  • Refus de Washington et de l’OTAN de considérer la menace que leur élargissement vers l’Est, jusqu’à l’Ukraine, fait peser sur la sécurité de la Russie, et rejet catégorique par Biden de la moindre négociation à cet égard
  • Refus de Moscou de jouer le jeu de temporisation de Washington, qui prône la diplomatie mais avance ses pions en renforçant son infrastructure militaire dans les ex-Républiques soviétiques, afin de mettre la Russie devant de nouveaux faits accomplis
  • Inévitabilité des sanctions occidentales qui visent à entraver le développement économique de la Russie, notamment en direction de l’Europe occidentale, la crise ukrainienne n’étant qu’un prétexte (sans parler du fait que les sanctions n’ont fait que renforcer la Russie)

Comme le souligne le Saker, cette décision ne concerne pas seulement la situation en Ukraine mais l’architecture de sécurité européenne et mondiale, constituant le premier acte de la riposte de la Russie aux décennies de politiques agressives de l’OTAN.

Le Cri des Peuples

Vasily Nebenzya, Représentant permanent de la Russie auprès des Nations Unies : Chers collègues,

Nous venons d’entendre un certain nombre de déclarations très émotives, d’évaluations dogmatiques et de conclusions de portée considérable liées à la signature aujourd’hui par le Président russe de décrets reconnaissant les Républiques populaires de Donetsk (DPR) et Lougansk (LPR). Je laisserai les agressions verbales sans réponse pour le moment, car à l’heure actuelle, il est important de se concentrer sur la manière dont on peut éviter une guerre et de forcer l’Ukraine à arrêter les bombardements et les provocations contre Donetsk et Lougansk.

D’après les déclarations d’un certain nombre de nos collègues, on peut avoir l’impression que la reconnaissance de la DPR et de la LPR par la Russie s’est faite soudainement, sans aucune raison. Bien sûr, ce n’est pas le cas. Il convient de rappeler que la DPR et la LPR ont proclamé leur indépendance vis-à-vis de l’Ukraine en 2014. Nous ne les reconnaissons que maintenant, malgré le haut niveau de soutien pour le faire tant dans les républiques elles-mêmes que dans la société russe, et ce depuis le tout début.

À l’époque, on espérait que le régime ukrainien reconsidèrerait sa position et cesserait de parler à ses propres citoyens à l’Est dans le langage des canons, des tirs, des bombardements et des menaces. À maintes reprises, nous avons fermement demandé à Kiev d’écouter les aspirations des habitants du Donbass et des résidents russophones du pays, de respecter leur désir légitime d’utiliser leur langue maternelle [le russe] et d’enseigner à leurs enfants dans cette langue, et d’honorer la mémoire de ceux qui ont libéré la terre des fascistes plutôt que de ceux qui ont combattu aux côtés des fascistes et ont participé au meurtre de centaines de milliers de personnes pendant la Seconde Guerre mondiale.

Après que les aventures militaires ukrainiennes se sont heurtées à la détermination des habitants de Donetsk et de Lougansk à défendre leurs terres, les Accords de Minsk ont ​​été signés et un ensemble de mesures a été adopté dans le but de les mettre en œuvre. Il y avait à nouveau un espoir de paix, un espoir que les autorités du Maïdan seraient raisonnables, ayant épuisé leur désir de submerger Donetsk et Lougansk dans le sang. L’élection en 2019 d’un nouveau Président de l’Ukraine a suscité un espoir particulièrement grand. Il a promis d’établir enfin la paix dans le Donbass.

Cependant, ceux qui espéraient que les autorités ukrainiennes adopteraient une attitude pacifique se sont malheureusement trompés. Kiev est très vite revenue à sa rhétorique belliqueuse et a poursuivi les bombardements de civils, et a également tout fait pour saboter et finalement détruire les Accords de Minsk. Plus important encore, soulignons le refus catégorique de Kiev de parler directement avec les représentants de Donetsk et de Lougansk, alors que cette exigence est un élément central et structurel de l’ensemble de mesures.

Note : Voici les dispositions des Accords de Minsk, dont l’ordre est strictement stipulé et ne peut être modifié :

1. Cessez-le-feu
2. Retrait des armes
3. Surveillance de l’OSCE
4. Lancement du dialogue entre Kiev et le Donbass
5. Amnistie
6. Échange de détenus
7. Accès humanitaire
8. Levée du blocus économique
9. Rétablissement du contrôle de la frontière par Kiev, si le segment 11 est appliqué
10. Retrait des formations étrangères et des mercenaires
11. Nouvelle Constitution qui prévoit un statut spécial pour le Donbass
12. Approbation de l’ordre de tenue d’élections
13. Intensification des travaux du Groupe de contact à Minsk

La confirmation sans ambiguïté d’une réticence à s’engager dans ce dialogue est quelque chose que nous avons entendu à plusieurs reprises de la part des dirigeants ukrainiens ces derniers jours, y compris de la part du représentant permanent de l’Ukraine à l’ONU lors de la réunion du Conseil de sécurité que nous avons convoquée le 17 février pour discuter de la mise en œuvre des accords de Minsk. Après cela, il est devenu clair une fois pour toutes que l’Ukraine n’avait pas l’intention de mettre en œuvre les Accords de Minsk.

Je voudrais rappeler à mes collègues du Conseil de sécurité que dans tous les autres conflits, que ce soit en Libye, en Syrie ou au Yémen, nous exigeons et appelons tous à un dialogue direct entre les parties au conflit. Seule l’Ukraine est, pour une raison quelconque, une exception à cette règle.

D’après certaines déclarations d’aujourd’hui, on peut comprendre qu’un certain nombre de nos collègues sont prêts à enterrer les Accords de Minsk. Cependant, je voudrais vous rappeler que lorsque les Accords de Minsk ont ​​été conclus, la DPR et la LPR avaient déjà déclaré leur indépendance. Le fait que la Russie la reconnaisse aujourd’hui ne change en rien la composition des parties aux Accords de Minsk, car la Russie n’est pas partie aux Accords de Minsk. Nous l’avons déclaré à plusieurs reprises et de fait, à cet égard, rien n’a changé.

Je rappelle par ailleurs que les Accords de Minsk, dont les dispositions devaient être mises en œuvre dès 2015, ont longtemps été ouvertement sabotés par l’Ukraine avec le soutien de nos collègues occidentaux. Aujourd’hui, on voit beaucoup de collègues vouloir adhérer à l’idée que les Accords de Minsk sont morts, mais ce n’est pas le cas. Kiev est toujours tenu de les mettre en œuvre.

Nous restons ouverts à la diplomatie, nous sommes pour une solution diplomatique. Cependant, permettre un nouveau bain de sang dans le Donbass est quelque chose que nous n’avons pas l’intention de faire. Malheureusement, force est de constater le rôle extrêmement négatif joué par nos collègues occidentaux menés par les Etats-Unis. Au lieu de forcer Kiev à mettre en œuvre ses obligations, ils se sont contentés d’encourager ouvertement l’Ukraine, en répétant le mantra dénué de sens selon lequel les obligations découlant des Accords de Minsk ne sont pas mises en œuvre par la Russie, qui, comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, n’est même pas partie aux Accords de Minsk.

De plus, depuis quelques semaines, alors qu’ils attisent une panique infondée autour de l’invasion russe supposée imminente de l’Ukraine, nos collègues occidentaux inondent sans vergogne le pays d’armes, y envoient des instructeurs, poussant de fait du coude les Ukrainiens (qui ont concentré un contingent militaire de 120 000 hommes le long de la ligne de contact) à une provocation armée contre le Donbass.

Les efforts conjoints de l’Occident et de l’Ukraine ont gonflé une bulle d’air qui n’a plus qu’à éclater. Au cours de la semaine dernière, il y a eu une forte augmentation de l’intensité des bombardements ukrainiens des zones résidentielles de la DPR et de la LPR. 1600 obus ont été tirés, des civils ont été tués. Le territoire des Républiques a été pénétré par des groupes subversifs qui ont saboté ou tenté de saboter des infrastructures critiques.

Comme je l’ai déjà dit, il y a des victimes parmi la population civile. La LPR et la DPR ont déclaré la mobilisation générale. C’est en Russie et non en Ukraine que les réfugiés ont afflué. Au cours des derniers jours, le nombre de femmes, de personnes âgées et d’enfants évacués a atteint environ soixante mille personnes. La Russie les accueille et leur fournit les conditions pour qu’ils soient hébergés et soutenus. Il y a également eu des bombardements de certaines villes et villages sur le territoire russe, près de la zone frontalière. Il est donc devenu clair que le Donbass est au bord d’une nouvelle aventure militaire ukrainienne, comme ce fut déjà le cas en 2014 et 2015. Nous ne pouvons pas permettre cela.

C’est pourquoi le Président russe a tenu compte de l’avis des parlementaires et des membres du Conseil de sécurité russe, et vous connaissez la suite. Une déclaration détaillée de notre chef d’État sur les raisons de cette décision qui a été prise a été diffusée par les principaux médias mondiaux. Aujourd’hui, il est vrai que nous avons une déformation ouverte de ce dont a parlé le Président dans sa déclaration, de l’histoire et de la genèse de la situation, avec des propos selon lesquels il aurait dit vouloir reconstruire l’Empire russe.

Distingués collègues,

Je voudrais appeler nos collègues occidentaux à réfléchir à deux fois, à mettre de côté les émotions et à ne pas aggraver la situation. Personne d’autre que vous ne peut freiner les plans militaristes de Kiev et l’obliger à arrêter les bombardements et les provocations contre les Républiques populaires de Lougansk et de Donetsk, qui, dans ces nouvelles conditions, pourraient avoir des conséquences extrêmement dangereuses.

Conformément aux accords signés aujourd’hui et sur la base des demandes des Républiques, les fonctions de maintien de la paix sur leurs territoires seront exercées par les Forces armées de la Fédération de Russie.

Distingués collègues,

En conclusion, je voudrais souligner que dans les déclarations d’aujourd’hui, la plupart d’entre vous n’ont pas trouvé de place pour évoquer les plus de 4 millions d’habitants du Donbass. C’est comme si vous invisibilisiez leur sort depuis 2014, en les traitant de séparatistes pro-russes. En même temps, vous avez décidé que le coup d’État illégal de 2014 [était légitime] et vous vouliez discuter avec les nouvelles autorités de la manière dont leurs droits seraient respectés. C’était tout ce qu’ils voulaient faire.

Ces derniers jours, avec la forte intensification des activités militaires de l’armée ukrainienne le long de la ligne de contact, la vie de centaines de milliers de femmes, d’enfants et de personnes âgées s’est à nouveau, comme en 2014 et 2015, retrouvée sous une menace réelle, et l’objectif principal de notre décision était de protéger et de préserver ces personnes. C’est plus important que toutes vos menaces.

Merci.

Le Cri des Peuples traduira très prochainement l’intégralité des échanges au Conseil de Sécurité russe, ainsi que le discours de Vladimir Poutine annonçant la reconnaissance de la DPR et de la LPR.

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Source : Le Cri des Peuples
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