Par Robert Inlakesh

Les frappes israéliennes sur Damas visent peut-être davantage le Hezbollah que la Syrie.

Par Robert Inlakesh

Source : RT, le 18 fécrier 2022

Traduction : lecridespeuples.fr

Des frappes israéliennes ont visé mercredi le sud de Damas, causant des dégâts matériels et reflétant une tendance plus large à ce que la Syrie considère comme une « agression israélienne » contre elle. Mais qu’est-ce qu’Israël cherche à réaliser avec ces frappes ?

Vers 23h35 (heure locale), Israël a lancé des missiles sol-sol « depuis la direction du Golan syrien occupé, ciblant certains points à proximité de la ville de Zakiya », selon les médias d’État syriens. Les médias de l’opposition syrienne ont ensuite affirmé qu’une base militaire syrienne utilisée par les milices pro-iraniennes avait été frappée.

Il s’agissait de la troisième frappe israélienne au cours du mois dernier, l’attaque précédente ayant eu lieu la semaine dernière. Le 31 janvier, des frappes aériennes israéliennes près de Damas auraient visé des armes appartenant au Hezbollah libanais.

Les frappes aériennes de mercredi sont intervenues peu de temps après un discours prononcé plus tôt dans la journée par le Secrétaire Général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah, dans lequel il a parlé des attaques israéliennes. Il a reconnu que des positions du Hezbollah en Syrie étaient frappées par Israël (qui prend toutes les précautions pour ne tuer aucun membre du groupe libanais, pour éviter des représailles inévitables), et a affirmé, tant à destination des Libanais que de l’opinion publique israélienne, que si ces frappes visaient à diminuer les capacités militaires du groupe, elles avaient eu l’effet inverse, car le Hezbollah possédait désormais la capacité « de transformer nos milliers de roquettes en missiles à guidage de précision » au Liban même, avec la coopération « d’experts de la République islamique d’Iran », si bien qu’il n’a plus besoin de les importer. Lors de son allocution télévisée, Nasrallah a également déclaré que le Hezbollah développait des missiles de précision et fabriquait ses propres « drones au Liban depuis longtemps », ajoutant en plaisantant « quiconque veut en acheter, qu’il passe une commande ».

Nasrallah a également menacé Israël avec « un autre Ansariya », qui est le nom d’une opération de 1997 au cours de laquelle le Hezbollah a tendu une embuscade et tué 12 soldats d’élite israéliens qui tentaient de poser des explosifs au Liban. Après avoir fait référence à un certain nombre d’affrontements connus entre le Hezbollah et Israël, qualifiés par Israël de « batailles entre les guerres », il a fait remarquer que « lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre effective des opérations, ils doivent faire intervenir des commandos, des généraux, des soldats, des groupes d’élite… ils les font venir par la mer », a-t-il déclaré, avertissant Israël que « nous sommes prêts à les recevoir ».

Selon une source présumée d’initiés du journaliste Laith Marouf, le discours de Nasrallah faisait référence à une opération des forces spéciales israéliennes déjouée par le Hezbollah, qu’il aurait évoquée en filigrane. La source anonyme au sein du Hezbollah aurait affirmé que le 2 février, deux équipes des forces spéciales israéliennes auraient atterri dans les zones de Zouk Mosbeh (18 km au nord de Beyrouth) et Jounieh (22 km au nord de Beyrouth), tentant d’atteindre des refuges en bord de mer.

« [Les forces israéliennes] avaient activé leur réseau local d’agents… Elles avaient deux opérations en cours simultanément, parce que le modus operandi israélien est qu’ils ont une opération pour détourner l’attention de l’autre, qui s’en prendrait à la cible. Alternativement, la deuxième équipe pourrait terminer l’opération si l’autre échoue », a déclaré la source.

« Les communications se sont ouvertes entre les équipes et leurs informateurs libanais, révélant les agents israéliens qui ont donc été capturés [par le Hezbollah], pas ceux qui se trouvaient dans les refuges mais ceux qui étaient sur le terrain en train de préparer l’action contre les cibles », a déclaré le source. Seuls des agents libanais auraient été arrêtés. Selon la source, le Hezbollah n’avait découvert qu’une seule des équipes, et face au choix de l’affronter qui signifierait les tuer ou les capturer, mais sans avoir localisé la deuxième équipe, cela aurait été coûteux. Ce qui se serait alors produit, c’est que les forces du Hezbollah auraient permis aux Israéliens de se retirer en mer, après que la couverture des équipes ait été détruite, afin d’éviter la possibilité d’une guerre entre les deux parties. « Ils [les Israéliens] pensaient qu’ils avaient localisé un site de fabrication de missiles ou de drones », selon Laith Marouf, qui a affirmé que c’était la cible des équipes des forces spéciales israéliennes.

Au-delà des tensions entre le Hezbollah libanais et Israël, il y a aussi la fixation israélienne sur la consolidation de sa présence sur le plateau du Golan, internationalement reconnu comme un territoire occupé appartenant à la Syrie.

Le Premier ministre israélien Naftali Bennett, s’exprimant lors de la « Conférence Makor Rishon Golan » le 11 octobre, a déclaré que son gouvernement avait l’intention de quadrupler la population de colons israéliens dans la région. En décembre, Israël a approuvé un plan de 317 millions de dollars pour doubler la population de colons. Depuis octobre, Israël a lancé plus de 10 attaques connues contre la Syrie, prétendument assassiné un ancien membre du parlement syrien et bombardé le port civil de Lattaquié à deux reprises, ciblant directement les systèmes de défense aérienne et les installations de stockage d’armes de la Syrie et tuant des soldats dans le processus.

Bien que la guerre en Syrie se soit quelque peu interrompue, laissant le temps au gouvernement syrien de tenter de normaliser les relations dans toute la région et de se réintégrer dans la Ligue arabe, Israël indique clairement que, sans concessions, peu de choses reviendront à la normale.

En juin 2015, Israël parlait de créer une « zone de sécurité », ou zone tampon, entre lui et le reste de la Syrie au prétexte de protéger la communauté druze qui vit principalement près ou dans la province syrienne de Sweida. Israël a même commencé à nouer des relations solides avec des groupes d’opposition druzes dans le sud de la Syrie pour atteindre cet objectif. Selon une enquête de The Intercept, début 2018, Israël en était à la deuxième étape de la mise en place d’une zone tampon –qui devait être établie dans le sud de la Syrie– avec l’intention de consolider son emprise sur les hauteurs du Golan. Cependant, ce plan a été ruiné lorsque les groupes d’opposition syriens et les militants de Daech ont été vaincus et que le gouvernement syrien a repris le sud lors d’une offensive en juillet 2018.

De rares manifestations contre le gouvernement syrien ont éclaté la semaine dernière dans la province de Sweida à propos de l’effondrement des conditions de vie et de la corruption. Ces événements ont été précédés par l’inauguration du Parti syrien al-Liwa, un parti sectaire druze attaché à l’entité militaire connue sous le nom de Force antiterroriste.

S’adressant à Al-Monitor, Nowras Aziz, un journaliste indépendant de Soueïda vivant maintenant en France, a déclaré que « Abo Kheer [chef du parti syrien al-Liwa] avait contacté les forces de la coalition [internationale dirigée par les États-Unis] à la base d’Al-Tanf dans le deuxième moitié de 2020, expliquant son plan pour [la province de] Soueïda. Abu Kheer avait informé les forces que les mesures incluraient la déclaration d’un contrôle total sur les villages de l’est [de Soueïda] et la suppression de toute présence du régime syrien ou de l’Iran dans cette région. » Cette information, si elle est vraie, indique la menace que le groupe représente pour le gouvernement syrien et comment il s’aligne sur les objectifs d’Israël. Il n’y a aucune preuve qu’Israël soit impliqué avec le parti syrien al-Liwa mais, compte tenu de ses liens avec les États-Unis, il est probable que l’alignement stratégique des deux groupes ne soit pas simplement le fruit du hasard.

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Israël cherche également à affaiblir Damas [et entraver sa lutte contre les groupes terroristes] et à perturber le mouvement des groupes armés alignés sur l’Iran à l’intérieur du territoire syrien, ce qui inclut la tentative d’éliminer les armes de ces groupes. Bien que le Hezbollah affirme qu’il n’est pas affecté par les frappes aériennes israéliennes, le gouvernement syrien est très certainement obligé de payer un prix du fait des frappes de Tel-Aviv [même si l’écrasante majorité des missiles sont interceptés par les défenses syriennes], à la fois pour avoir menacé sa présence sur les hauteurs du Golan et pour avoir facilité la présence du Hezbollah et de l’Iran –de véritables menaces stratégiques [et même existentielles] pour Israël– dans le pays. Bien que la guerre syrienne se soit calmée, Israël ne lâche pas son objectif d’imposer des concessions au Président syrien Bashar Assad et sa tentative d’envoyer un message au Hezbollah et à Téhéran.

A ce sujet, voir également Pourquoi la Syrie ne riposte pas aux attaques israéliennes ? La réponse de Nasrallah

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Source : Le Cri des Peuples
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