Les proches pleurent lors des funérailles de quatre cousins adolescents palestiniens tués pendant la dernière agression israélienne sur Gaza le 8 août 2022 à Jabalia. (Reuters)

Par Haidar Eid

La situation stagne depuis 16 ans. Il est temps de sortir de la coordination sécuritaire, de la solution à deux États et de l’amélioration des conditions de l’oppression.

Combien de fois l’histoire se répète-t-elle ? Une fois ? Deux fois ? Trois fois ? La réponse qui arrive de Gaza brutalisée, c’est six fois en l’espace de 16 ans : 2006, 2009, 2012, 2014, 2021, et 2022.

Et, hélas, elle s’est répétée sous la forme d’une horrible tragédie, grâce au déni de l’humanité du peuple palestinien en général et des Palestiniens de Gaza en particulier par l’Israël d’apartheid.

J’écris cet article le premier jour de la hudna, cessez-le-feu négocié entre Israël et le mouvement de la résistance palestinienne représenté cette fois-ci par le Jihad Islamique. Comme les années précédentes, Gaza a été simplement brutalement déshumanisée et diabolisée par l’Israël d’apartheid.

Le véritable objectif déclaré est de s’assurer que le fossé entre Gaza et la Cisjordanie est consolidé.

Mais certains vilains masques ont changé. A la place d’Ehud Olmert et de Benjamin Netanyahou, Israël nous offre de « plus jolis » visages, tel Yair Lapid.

A la place de la « femme fatale », Tzipi Livni, agitant son doigt au Caire et menaçant la population innocente de Gaza, nous avons le criminel de Guerre Benny Gantz, qui a été filmé auparavant en train de se vanter de ce que, sous son commandement en 2014, « des parties de Gaza étaient retournées à l’âge de pierre » et qu’il avait tué « 1364 Gazaouis ».

Des familles décimées

Et ici, à Gaza, les visages que nous voyons sont ceux angéliques d’une petite fille de cinq ans Alaa Qaddum, morte dans les bras de son grand-père ; et les frères Nijm, du camp de réfugiés de Jabalia, qui ont été assassinés alors qu’ils jouaient dans le cimetière du camp ; et la famille Nabahi, trois frères et leur père sortant de la morgue de l’Hôpital al-Shifa.

Il y a aussi Alaa Tahrawi, de Rafah, dont la famille n’a même pas pu lui dire adieu parce que son corps a été déchiqueté en menus morceaux, et Khalil Abu Hamada de 19 ans, fils unique de parents qui ont passé 15 ans à essayer de le concevoir et dont la grand-mère est morte en martyre en 2003.

Des familles entières ont été décimées à Rafah et Khan Younis. Le bilan des morts rien que ces quelques derniers jours s’est élevé à 44 martyrs, dont 15 enfants. Évidemment, les enfants, qui représentent environ 50 % de la population de Gaza, sont devenus une cible favorite d’Israël.

Comme si le temps avait décidé de s’arrêter, Gaza 2022, c’est Gaza 2021, 2014, 2012, 2009 et 2006.

Pourtant, les Palestiniens ont ce que feu Edward Saïd appelait « le sens moral le plus élevé », et notre victoire, à la fin, sera le résultat inévitable de notre détermination, qui n’a pas vacillé malgré la sensation d’avoir été abandonnés à notre sort.

A la recherche du contrôle total

Quand Israël a attaqué Gaza pour le 22ème jour consécutif en 2009, cela a clairement indiqué qu’il avait trois objectifs que, sans surprise, il n’ pas réussi à atteindre : abattre le gouvernement du Hamas, mettre fin aux lancers de roquettes, et rétablir les forces pro-Oslo à Gaza.

Il a répété quatre fois le même scénario, tout en maintenant un siège meurtrier, médiéval sur Gaza. Maintenant, en 2022, et sans avoir été aucunement provoqué, il a déclaré un nouvel objectif pour sa guerre barbare sur les enfants et les femmes de Gaza : à savoir, se débarrasser du Jihad Islamique.

Mais le véritable objectif non déclaré, c’est de s’assurer que le fossé entre Gaza et la Cisjordanie est consolidé et que la Palestine historique est sous contrôle total. C’est ce que l’agression de 2021 sur Gaza n’a pas réussi à faire. A l’inverse, elle a abouti à ce à quoi nous nous référons comme à l’Intifada de l’Unité.

Les résidents de Gaza sont résistants et déterminés, ce qui leur donne le droit, ainsi qu’au reste de peuple palestinien dans la diaspora, la Cisjordanie et les territoires de 1948, de conduire la campagne internationale  de boycott contre l’Israël d’apartheid.

Notre seule exigence, à l’heure actuelle, c’est de boycotter Israël économiquement, politiquement et culturellement. C’est le simple minimum que la « communauté internationale » indifférente puisse faire pour contrebalancer sa complicité dans les crimes commis par l’Israël d’apartheid contre notre peuple

Un Palestinien examine une maison endommagée à Gaza ville, le 8 août 2022. (Reuters)

Quant à nous Palestiniens, nous devons unifier nos rangs sur le terrain dans un front national – un front qui tournera le dos à ce qui reste des vilains jours d’Oslo et de la coordination sécuritaire, et qui déclare son divorce d’avec toutes les propositions racistes, dont la défunte solution à deux États.

Nous devons absolument faire comprendre qu’à partir d’aujourd’hui, il n’y a pas de place pour les normalisateurs parmi nous. Nous pourchasserons tous les normalisateurs – les cheikhs d’Abu Dhabi, de Manama et du Maroc – avec le sang de nos enfants.

Nous ne leur permettrons pas de s’asseoir avec nous tant qu’ils n’auront pas rompu leurs relations avec l’occupation et mis fin au blanchiment de son horrible visage : un visage souillé du sang des enfants palestiniens, comme Alaa Qaddum, Hazem Khalid et les enfants Nijm, Nabahin et Nairab.

Pourquoi Gaza ?

Pourquoi cibler Gaza en particulier ? Comme Saïd le dit dans La Politique de la Dépossession, « Gaza est le noyau essentiel du problème palestinien, un enfer sur terre surpeuplé largement constitué de réfugiés démunis, opprimés et ardus, qui reste un centre de résistance et de lutte. »

C’est un rappel constant du péché colonial d’Israël : la Nakba, quand les gangs sionistes de colons européens ont décidé d’expulser les habitants de centaines de villes et villages palestiniens et de commettre des massacres. Les Palestiniens ont été arrachés de leurs maisons vers des endroits comme Gaza, qui ne représente qu’un fragment de la Palestine historique.

Combien d’autres Deir Yassine, Qana, Sharpeville, ou Sétif et Guelma ce monde peut-il encore supporter ?

Cette fois-ci, nous avons besoin d’un nouveau paradigme. Nous devons sortir de la coordination sécuritaire, de la solution à deux États, et de l’amélioration des conditions d’oppression. Après encore une autre agression brutale, nous exigeons le menu entier des droits, afin de garantir la sécurité de nos enfants dans un État libre, laïc et démocratique.

Les idées exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de l’Oeil du Moyen Orient.

D. Haidar Eid est Professeur associé au département de Littérature Anglaise de l’Université Al-qsa, Bande de Gaza, Palestine.

Source : Middle East Eye

Traduction J. Ch. pour l’Agence média Palestine

Source : Agence Média Palestine
https://agencemediapalestine.fr/…