Par Gideon Levy

Dans un nouvel article publié dans la quotidien israélien Haaretz, Gideon Levy met en cause le terrorisme exercé contre celles et ceux qui se disent antisionistes, et conforte le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions), en estimant qu’on ne peut plus se contenter de boycotter les produits des colonies.

Répondant à l’historien et commentateur Gadi Taub qui déclare que toute critique est illégitime, Gideon Levy explique : « Quiconque exprime des réserves est soumis à un seul sort, celui d’être condamné comme antisémite. Taub ne connaît pas d’autre moyen de lutter contre les arguments moraux soulevés contre le sionisme. Le sionisme devient ainsi, entre les mains d’intellectuels comme Taub, une idéologie tyrannique qui ne peut être rejetée. Il serait difficile de penser à une meilleure preuve de la nécessité de réévaluer la justice du sionisme, ses victimes et sa pertinence que ce Zhdanovisme agressif. Vous n’êtes pas sioniste, ergo, vous êtes un antisémite.

Si des sionistes comme Taub étaient plus convaincus de la justice de leur cause, ils ne seraient pas aussi alarmés par chaque expression de critique ou de question. À cet égard, le sionisme s’apparente davantage à une croyance religieuse zélée qu’à une vision du monde. Tout comme pour les ultra-orthodoxes, avec les sionistes aussi, il ne faut rien remettre en question. S’ils ne sentaient pas que quelque chose dans le passé et le présent du sionisme brûlait sous leurs pieds, les sionistes ne mèneraient pas une bataille aussi féroce contre leurs adversaires. C’est comme ça quand vos arguments sont faibles : la délégitimation est le dernier refuge des sionistes.

Taub s’accroche à la définition de l’antisémitisme exprimée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, le nouvel outil efficace utilisé par l’establishment sioniste pour étouffer toute critique d’Israël. Une pétition des organisations israéliennes et juives appelle le nouveau président américain à ne pas codifier cette définition dans la loi.

La pétition a enflammé Taub. Il accuse l’extrême gauche de brouiller la ligne entre Israël et les territoires occupés et de prendre des mesures qui contrarieraient la partition de la terre d’Israël. Taub appelle la nuit jour, et le jour nuit. Cela fait longtemps qu’un argument aussi dénué de fondement n’a pas été entendu. Israël est celui qui a effacé la frontière de la «Ligne verte» de 1967, détruisant avec ses colonies toute chance de solution à deux États. Israël, pas le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions.

Malheureusement, les organisations que Taub attaque, comme le New Israel Fund et J Street, n’ont pas encore trouvé le courage de se dissocier du sionisme. Haaretz aussi, considéré encore plus subversif que ces organisations dans certains cercles, se définit comme un journal sioniste. Mais l’opposition de telles organisations à une définition ouverte de l’antisémitisme, dont le but est de blanchir l’occupation et de museler ses détracteurs, suffit à faire en sorte que leurs membres se détestent eux-mêmes.

La réponse à cela doit être déterminée et sans prétexte. On peut considérer le sionisme comme du racisme sans être soupçonné d’être antisémite. Il est inconcevable que ceux qui combattent le racisme soient condamnés comme racistes de la catégorie antisémite. De la loi du retour à la loi de l’État-nation, du nettoyage ethnique de 1948 au nettoyage ethnique de la vallée du Jourdain et des collines du sud d’Hébron en 2021, voici le bref résumé de l’histoire sioniste. N’est-ce pas du racisme ?

La réalité de l’apartheid et de la suprématie juive du Jourdain à la mer n’est cachée qu’aux aveugles, aux ignorants, aux propagandistes et aux menteurs.

Le mouvement BDS ne souhaite pas détruire Israël, mais seulement remplacer son régime de suprématie juive ; le droit au retour des Palestiniens n’est pas destiné à jeter les Juifs à la mer ; la solution à un État ne vise pas à rapatrier les Juifs en Europe. Tous ne souhaitent que réparer partiellement et tardivement un tort historique causé par le sionisme, délibérément ou non, une correction sans laquelle aucune justice tardive ne sera jamais établie ici.

On ne peut plus boycotter uniquement les colonies, car Israël les a transformées en une partie inséparable du pays. Il a effacé la Ligne verte et a éludé toute responsabilité pour ce qui se passe dans les territoires. Jénine et Tel-Aviv sont sous la même règle, et toute critique du colonialisme doit être adressée à Jérusalem. Car Jérusalem est le siège des gouvernements israéliens, qui sont devenus des gouvernements d’apartheid.

Il faut les combattre, même si Taub prétend qu’une telle campagne peut conduire à l’anéantissement et que ses partisans sont des antisémites. Heureusement, le sionisme et Taub ne sont pas les seuls arbitres de moralité disponibles. »

Gideon Levy

Source : https://www.haaretz.com/opinion/.premium-it-s-alright-to-be-an-anti-zionist-1.9496453

CAPJPO-EuroPalestine

Source : EuroPalestine
https://europalestine.com/…