UN Photo/Evan Schneider

Déclaration du Représentant permanent Vassily Nebenzia à la session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale sur la situation au Moyen-Orient, le 1er novembre 2023.

Source : Mission permanente de la Russie à l’ONU

Traduction : lecridespeuples.fr

Monsieur le Président,

Chers Ministres,

Collègues,

Je pense que personne sur cette planète n’est resté indifférent aux développements survenus au Moyen-Orient ces dernières semaines. Nos cœurs sont brisés par les souffrances humaines et les histoires tragiques, pour lesquelles les parties ne cessent de se rejeter la faute tandis que des civils en Israël et en Palestine continuent de mourir.

La Mission de la Russie reçoit quotidiennement des dizaines d’appels de la part de ressortissants israéliens et palestiniens, ainsi que de représentants des diasporas. Ils écrivent sur leurs proches qui restent dans la zone de conflit et nous supplient de faire au moins quelque chose pour que cette violence cesse, en premier lieu de faciliter un cessez-le-feu afin que les otages puissent être libérés et que l’aide humanitaire puisse arriver. Ce sont des milliers d’histoires personnelles déchirantes et des milliers de vies de personnes. Profitant de l’occasion qu’offre cette haute tribune, je voudrais assurer à tous ceux qui nous ont contactés que nous entendons vos appels et essayons de faire de notre mieux pour que la communauté internationale puisse prendre des mesures pour régler cette crise aiguë.

Je souligne une fois de plus que la violence à laquelle le peuple pacifique d’Israël est exposé depuis le début du mois d’octobre ne peut être justifiée. Nous rejetons et condamnons fermement toute attaque terroriste. Et nous présentons nos plus sincères condoléances à tous ceux qui ont perdu leurs proches en Israël, en Palestine et dans d’autres pays. Nous exigeons la libération de tous les détenus.

Malheureusement, cette tragédie n’est pas sortie de nulle part. La longue relation palestino-israélienne a été et reste à l’épicentre de toutes les perturbations au Moyen-Orient. Depuis plus de 70 ans, elle est à l’origine de conflits régionaux et internationaux et est exploitée par des terroristes et des extrémistes du monde entier à des fins idéologiques. En outre, l’absence de solution à cette question a causé des souffrances incalculables aux peuples palestinien et israélien, aux États arabes et aux nombreuses diasporas palestiniennes, y compris aux réfugiés qui doivent vivre dans des camps spécialisés depuis des décennies.

Au cours des dernières années, cet état de choses a été aggravé par les tentatives solitaires de Washington (détaché du travail collectif et des efforts concertés) d’imposer une trêve économique aux voisins arabes d’Israël sans résoudre la question palestinienne. Les Etats-Unis en sont venus à lancer des initiatives unilatérales qui non seulement ignorent mais sapent également la base juridique internationale approuvée par l’ONU pour le règlement palestino-israélien et consacrée dans les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.

En particulier, les États-Unis ont tenté de fermer les yeux sur la construction en cours de colonies israéliennes dans les territoires occupés et ont reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan occupé. Et maintenant, tout d’un coup, nous entendons les Américains appeler à mettre fin à la violence des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie. En raison du désespoir palestinien, nous sommes confrontés à un conflit d’une ampleur sans précédent qui risque de s’étendre à l’ensemble de la région du Moyen-Orient.

Pendant toutes ces années, nous avons ouvertement mis en garde contre la futilité et le danger de cette politique. Nous avons dit directement que cela pourrait avoir des conséquences tragiques.

La dernière flambée de violence prouve ce que nous avons commencé à dire il y a longtemps : la normalisation des liens entre Israël et les États arabes, tout en étant une évolution positive, ne peut et ne doit pas se faire aux dépens des Palestiniens et ne peut conduire à une stabilisation globale de la situation que si elle résout la question centrale du Moyen-Orient, à savoir le règlement palestino-israélien. Comme nous l’avons vu lors du vote sur le projet de résolution jordanien dans cette salle le 27 octobre, les dirigeants de tous les États arabes, musulmans et de nombreux autres États partagent cette approche.

Il est tout à fait paradoxal que, d’une part, l’ensemble de la communauté internationale reconnaisse comme illégales les actions israéliennes dans les territoires palestiniens occupés, qui sont contraires aux décisions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU et aux dispositions du droit international. Mais d’un autre côté, nos collègues occidentaux dans leurs déclarations préfèrent ne pas rappeler que l’escalade actuelle sans précédent sur le terrain est, entre autres, une conséquence de la politique de colonisation de Jérusalem-Ouest [le 6 avril 2017, la Russie a annoncé qu’elle considérait Jérusalem-Ouest, et non plus Tel-Aviv, comme capitale d’Israël, et Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien], ainsi que de ses restrictions systématiques aux droits de la population palestinienne de visiter librement leurs Lieux saints. Il est encourageant que le Secrétaire général Guterres n’ait pas eu peur de le dire lors du débat public du Conseil de sécurité sur le Moyen-Orient le 24 octobre, soulignant que la recrudescence actuelle de la violence « n’est pas apparue de nulle part ». Pour cela, il a immédiatement fait l’objet de critiques virulentes et imméritées de la part d’Israël, qui préfère repartir du temps à partir d’une page blanche, c’est-à-dire à partir du 7 octobre 2023.

Chers collègues,

Nous devons tous revenir aux causes profondes du conflit et ramener le règlement palestino-israélien sur les voies convenues. Mais aujourd’hui, il faut un cessez-le-feu immédiat et mettre un terme à l’effusion de sang. Cela doit être évident pour tout le monde. Il est déplorable que nos collègues occidentaux du Conseil de sécurité continuent de torpiller tout effort de désescalade sur le terrain et empêchent le Conseil de prendre des mesures urgentes visant à normaliser la situation dans les plus brefs délais, avant tout par un cessez-le-feu. Ce n’est pas seulement du bon sens ; c’est aussi ce qu’exigent les organisations humanitaires travaillant à Gaza. Il est évident que l’opération terrestre à grande échelle d’Israël à Gaza, qui a déjà commencé, pourrait non seulement se révéler une tragédie indescriptible pour ses 2 millions d’habitants, mais aussi un déclencheur probable d’un conflit à l’échelle régionale. Il semblerait que tout le monde soit conscient du danger d’un tel scénario. Le seul qui ne veut pas en entendre parler, c’est Washington. Les États-Unis tentent hypocritement de promouvoir leur propre programme régional, notamment par le biais d’un projet de résolution politisé du Conseil de sécurité, que la Chine et nous n’avons pas laissé passer.

L’objectif de nos collègues américains n’est pas seulement de détourner l’attention de l’échec de leur propre politique et de rejeter les responsabilités, en imputant tous les problèmes à l’Iran, au Hezbollah et à la rue palestinienne de Gaza. Leur tâche est également d’amener le Conseil de sécurité à légitimer l’opération terrestre israélienne à Gaza. Après tout, comme nous le rappelle la situation de la zone d’exclusion aérienne en Libye en 2011, il n’a pas été difficile pour nos collègues occidentaux d’interpréter la résolution 1973 du Conseil de sécurité en leur faveur et de déclencher une agression contre la Libye. Le Conseil n’a pas le droit de donner une telle carte blanche.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Je tiens à souligner que, même si nous condamnons le meurtre de civils israéliens et d’étrangers en Israël, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les violations flagrantes du droit international humanitaire par Jérusalem-Ouest à Gaza. Des quartiers entiers sont rasés. Le bilan des morts dans l’enclave aurait dépassé les 8 500 personnes, dont près de 70 % d’enfants, de femmes et de personnes âgées. Plus de 200 Palestiniens ont été tués en moins de 24 heures entre le 30 et le 31 octobre, selon les chiffres publiés par l’OCHA (Bureau de Coordination des Affaires humanitaires de l’ONU). Des frappes aériennes aveugles ont déjà coûté la vie à 3 500 jeunes Gazaouis. Plus de 2 000 personnes restent sous les décombres, dont la moitié sont également des enfants. La dernière frappe contre le camp de réfugiés de Jebalia, dans la bande de Gaza, a blessé plus de 400 personnes. L’ampleur des pertes des agences des Nations Unies est choquante : 67 membres du personnel ont été tués, 22 ont été blessés et 42 installations de l’UNRWA (agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens) ont été détruites. Le nombre de personnes déplacées à Gaza a atteint 1,6 million. À la suite du bombardement de l’enclave, neuf hôpitaux sont devenus totalement inutilisables et les autres souffrent d’une grave pénurie de médicaments.

En Cisjordanie, plus d’une centaine de personnes, dont plus de 30 enfants, ont été tuées depuis le 7 octobre. Environ un millier de Palestiniens ont été déplacés de force.

Dans ce contexte, les responsables israéliens se permettent de faire des remarques insultantes à l’égard de tous les Palestiniens et de parler directement de la responsabilité collective de tout un peuple dans les actions du Hamas. Les ordres d’évacuation de plus d’un million de personnes ne résistent pas à l’examen. Le blocus total de la bande de Gaza imposé par Israël est inacceptable. La région est tout simplement coupée du reste du monde. Un tel blocus, en plus de provoquer la panique parmi les civils déjà effrayés et désespérés, compromet directement le travail des services médicaux et de secours, ce qui entraînera davantage de victimes civiles. Le terrorisme ne peut être vaincu par de telles méthodes.

Nous appelons les parties en conflit à mettre immédiatement fin à l’effusion de sang et à laisser les médiateurs travailler à une solution diplomatique, y compris la libération des otages dans les plus brefs délais. Tôt ou tard, il faudra suivre cette voie ; la seule question est de savoir combien d’innocents devront mourir avant que cela n’arrive.

Monsieur le Président,

Chers collègues,

Je ne peux que souligner une nouvelle fois l’hypocrisie des États-Unis et de leurs alliés. Dans d’autres contextes, tout à fait différents, ils appellent à faire respecter le droit humanitaire, à mettre en place des commissions d’enquête, à imposer des sanctions à ceux qui n’utilisent en réalité la force qu’en dernier recours pour mettre fin à des années de violence. Et aujourd’hui, face aux horribles destructions à Gaza (bien plus importantes que tout ce qu’ils critiquent avec colère dans d’autres contextes régionaux), aux frappes contre des installations civiles, notamment des hôpitaux, à la mort de milliers d’enfants et aux énormes souffrances des civils dans le cadre d’un blocus total, ils se retiennent comme s’ils avaient la bouche pleine d’eau. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est parler du prétendu droit d’Israël à se défendre, même si, en tant que puissance occupante, Israêl n’a pas ce droit, comme l’a confirmé un avis consultatif de la Cour internationale de Justice en 2004. J’espère que nos collègues des pays du Sud peuvent voir très clairement ces doubles standards flagrants.

Quant à la sécurité d’Israël, droit que nous reconnaissons, elle ne peut être pleinement garantie que dans le cas d’une solution juste à la question palestinienne sur la base des résolutions bien connues du Conseil de sécurité de l’ONU.

Nous ne refusons pas à Israël le droit de lutter contre le terrorisme. Mais nous appelons à combattre les terroristes. Pas des civils. Autrement, vous vous rangerez du côté de la perversité et commencerez à agir selon ses méthodes. Le peuple juif, qui a subi des siècles de persécution, devrait comprendre plus que quiconque que la souffrance des citoyens ordinaires, la mort d’innocents au nom d’une vengeance aveugle et mortelle ne contribueront pas à rétablir la justice, à ramener les défunts à la vie ou à réconforter leurs familles. Le christianisme, l’islam et le judaïsme sont unis par la valeur de la vie humaine, qui appartient à Dieu et que personne n’a le droit d’ôter.

Dans la situation actuelle de turbulences, la Fédération de Russie déploie des efforts intensifs pour parvenir à une résolution rapide de la crise. Notre objectif est de développer des solutions justes aux questions fondamentales du statut final des territoires palestiniens. Nous sommes favorables à un processus de négociation durable sur un programme approuvé par l’ONU qui devrait aboutir à la création d’un État palestinien souverain dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, coexistant en paix et en sécurité avec Israël.

À cet égard, nous saluons les efforts du Groupe arabe, dirigé par la Jordanie, pour préparer la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies (adoptée le 27 octobre) exigeant des mesures urgentes pour mettre fin à la violence, mettre fin aux hostilités, libérer immédiatement les otages, empêcher une catastrophe humanitaire à Gaza et empêcher le conflit de s’étendre à l’ensemble de la région. La Russie a pleinement soutenu cette initiative du monde arabe et l’a co-parrainée. Nous appelons à sa mise en œuvre.

Monsieur le Président,

Nous sommes convaincus qu’en plus de résoudre les tâches urgentes consistant à mettre un terme au cycle actuel de violence, il est nécessaire de commencer sans tarder à élaborer une stratégie d’action collective concrète pour un règlement politique du conflit. Auparavant, le Quatuor d’intermédiaires internationaux (Russie, États-Unis, UE et ONU) assumait cette tâche. Cependant, Washington a bloqué le travail du Quatuor au nom de ses intérêts personnels étroits.

Nous devons établir un mécanisme de médiation commun dans lequel les États de la région auront un rôle important à jouer. Les tendances positives qui sont apparues récemment autour de la situation au Moyen-Orient plaident en faveur de cela. Je parle de la normalisation des relations saoudo-iraniennes, ainsi que la réintégration de la Syrie dans la Ligue des États arabes. Tout cela prouve que lorsque les pays de la région prennent la situation en main et ne sont pas soumis à des pressions extérieures, ils peuvent réaliser beaucoup de choses en termes de stabilisation du Moyen-Orient.

Dans la situation actuelle, la Fédération de Russie entretient des contacts constructifs avec toutes les parties prenantes et est prête à continuer de contribuer à la cause du règlement palestino-israélien. Il faut avant tout arrêter l’effusion de sang et empêcher que la crise ne s’étende à l’ensemble de la région, sinon ce conflit ne s’arrêtera jamais.

Je vous remercie.

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Source : Le Cri des Peuples
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