Légende: Le président français Emmanuel Macron. (Ludovic Marin, Pool via AP)

Par Samuel Tissot

Le 25 mars, le Sénat français a annoncé qu’il engageait une action en justice contre le cabinet de conseil en management McKinsey. L’enquête a été menée par la sénatrice Eliane Assassi, membre du parti stalinien PCF (Parti communiste français). McKinsey est accusé de ne pas avoir payé des centaines de millions d’impôts sur les sociétés alors qu’il conseillait le gouvernement Macron sur la politique COVID-19, et de faux témoignage devant la Commission d’enquête du Sénat sur le sujet.

Le rapport sénatorial détaille la corruption financière massive au sein du gouvernement Macron. Celui-ci a accordé à McKinsey 2,4 milliards d’euros d’honoraires de conseil depuis 2018, dont plus d’un milliard d’euros en 2021. Le total réel est probablement plus élevé, car l’enquête n’a sondé que les secteurs les plus importants du gouvernement. Malgré un chiffre d’affaires de 329 millions d’euros, McKinsey n’a pas payé un centime d’impôt sur les sociétés en 2020.

Le rapport indiquait que le recours par le gouvernement à des cabinets de conseil « constituait un réflexe » et que McKinsey et d’autres cabinets étaient impliqués dans « la plupart des réformes majeures » du gouvernement Macron, comme les attaques contre les retraites, le logement et les allocations de chômage. Si les gouvernements français précédents se sont servis de cabinets de conseil privés comme McKinsey, Macron a massivement étendu cette pratique.

L’aspect le plus explosif peut-être est que les conseillers de McKinsey auraient été au cœur de la politique de Macron sur la pandémie et de son refus de mettre en œuvre des mesures de distanciation sociale élémentaires pour éliminer la circulation du virus, alors même que plus de 142 000 personnes en sont mortes en France.

La société américaine McKinsey a un chiffre d’affaires annuel de 10 milliards de dollars et des bureaux dans 65 pays. Elle facture aux gouvernements et aux entreprises privées des frais exorbitants pour des conseils de «gestion stratégique», qui conduisent généralement à des attaques brutales contre la classe ouvrière. Un porte-parole de Macron a par inadvertance souligné le parasitisme de McKinsey en citant le fait que le gouvernement britannique avait payé l’entreprise 40 fois plus que le gouvernement français ces dernières années. McKinsey a acquis une notoriété particulière pour son rôle dans la privatisation, en cours, du Service national de Santé britannique NHS.

Dimanche dernier, la première réponse de Macron a été de nier tout acte répréhensible, insistant pour dire qu’« aucun contrat n’est attribué en République sans respecter les règles des appels d’offres ». Prenant la parole lundi à Dijon, il a cependant pris ses distances avec l’affaire McKinsey en précisant : « Ce n’est pas moi qui signe les contrats ». Mercredi, son porte-parole s’est engagé à réduire de 15 pour cent les dépenses de conseil externe.

Il existe des liens étroits entre McKinsey et le parti de Macron, La République en marche (LREM). Paul Midy, directeur adjoint de LREM, a été associé de McKinsey de 2007 à 2014. Mathieu Maucourt a été chef de projet chez McKinsey pendant trois ans avant de devenir directeur politique de LREM et fait désormais partie du secrétariat d’Etat. Etienne Lacourt a été membre du comité de direction de LREM jusqu’en 2018 avant d’être engagé comme associé par McKinsey.

Il ne fait aucun doute que l’évasion fiscale de McKinsey et son rôle de conseil auprès du gouvernement Macron ont un caractère criminel.Il est clair aussi qu’il s’agit là d’un secret de polichinelle dans les milieux gouvernementaux, judiciaires et médiatiques français depuis un certain temps. Le rapport du Sénat, lui-même en préparation depuis plus de quatre mois, est mis en avant à la veille de la prochaine élection présidentielle.

À l’approche du premier tour de l’élection présidentielle, prévu le 10 avril, des candidats rivaux critiquent Macron à propos du scandale, soulignant les liens étroits entre la multinationale basée aux États-Unis et le LREM de Macron.

La candidate d’extrême droite Marine Le Pen a tweeté : « Avec Emmanuel Macron, McKinsey, qui vous a coûté un milliard d’euros l’an dernier pour des missions bien floues, continuera à se gaver d’argent public, à ne pas payer d’impôts et à se permettre de mentir au Sénat! » Le candidat de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a réagi en affirmant que « avec moi, fini les cabinets de conseil ».

La candidate présidentielle de Les Républicains (LR) Valérie Pécresse a déclaré mercredi : « Le gouvernement semble avoir quelque chose à cacher ». Xavier Bertrand, qui soutient Pécresse, a décrit les conclusions du rapport comme un « scandale d’État », appelant à une enquête sur l’utilisation par l’État des cabinets de conseil.

Les condamnations par les candidats rivaux des accords corrompus de Macron avec McKinsey sont tout à fait hypocrites. La candidate LR Pécresse a travaillé aux côtés des consultants de McKinsey durant ses fonctions de ministre de l’Enseignement supérieur et de ministre du Budget sous l’ancien président français, condamné pour crimes, Nicolas Sarkozy. Xavier Bertrand a également travaillé aux côtés des consultants McKinsey.

L’empressement de LR à discréditer Macron à propos d’une société de conseil à laquelle ils sont eux aussi liés reflète leur empressement à se défaire de leur propre connexion régulière avec une corruption endémique. Les inculpations pour corruption de Sarkozy, reconnu coupable d’écoutes téléphoniques illégales l’année dernière, et contre le candidat LR à la présidentielle de 2017, François Fillon, sont encore fraîches dans la mémoire publique.

Les candidats Jean-Luc Mélénchon de La France insoumise et Fabien Roussel, du PCF stalinien, ont soutenu la politique pandémique conseillée par McKinsey et menée depuis le début de la pandémie par l’aristocratie financière française. Ce soutien a été crucial pour imposer des politiques d’infection et de mort massives à la classe ouvrière, conjointement au lancement continu de bouées financières pour remplir les poches des grandes entreprises et des super-riches.

L’attention portée sur McKinsey, qui n’est que l’un des cabinets de conseil voleurs qui pullulent dans l’entourage du gouvernement français, souligne la nature cynique de cette campagne. En réalité, McKinsey ne représente qu’une petite partie des dépenses de l’État français pour des cabinets de conseil privés. Selon le rapport du Sénat, de 2018 à 2020, 1 pour cent des dépenses de conseil de l’État sont allées à McKinsey, 5 pour cent à Capgemini et 10 pour cent à Eurogroup.

Au milieu de ce scandale, des militants réactionnaires anti-vaccins ont exploité la relation existant entre McKinsey et Pfizer pour dénoncer toute mesure prise pour endiguer la propagation du virus.

Le PDG de Pfizer, Albert Bourla, et le directeur de l’innovation commerciale, Aamir Malik, sont tous deux d’anciens employés de McKinsey, qui a conseillé aux gouvernements d’acheter des vaccins Pfizer. Le conseil de McKinsey d’acheter des vaccins était sans aucun doute associé à un mercantilisme criminel, qui a rapporté à Pfizer à lui seul quelque 30 milliards d’euros de bénéfices. Leur crime principal, cependant, n’était pas d’avoir préconisé l’utilisation de vaccins salvateurs, mais d’avoir collaboré avec le gouvernement français pour refuser de mettre en œuvre scientifiquement des mesures de distanciation sociale pouvant sauver des vies.

Toute cette affaire sordide démasque tant Macron, populairement surnommé « le président des riches », que ses rivaux électoraux. Tous sont complices d’avoir acheminé des milliers de milliards d’euros d’argent public vers des coffres privés, une pratique permanente de la présidence de Macron, qu’il s’agisse des spéculations boursières, des renflouements d’entreprises ou des gros contrats gouvernementaux. Cette accumulation de richesse s’est accélérée de façon spectaculaire sous couvert de la pandémie.

Au bout du compte, ce que le scandale McKinsey a révélé n’est pas la corruption individuelle d’un seul homme, parti ou cabinet de conseil, mais la corruption et le parasitisme de tout l’ordre social dominé par la classe capitaliste.

(Article paru en anglais le 2 avril 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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