Carlos Latuff

Par Ameer Makhoul

Ameer Makhoul, Middle East Eye, 11/5/2023
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

La décision de frapper le Djihad islamique a donné à Netanyahou un regain de popularité, mais cela ne tiendra pas sur le long terme.

Cette semaine, Israël a effectué une frappe cruciale en éliminant quatre dirigeants du Djihad islamique, ses médias soulignant la précision des missiles et l’exactitude des renseignements recueillis.

Mais cette couverture est restée largement indifférente au fait que l’opération s’est traduite par un massacre dévastateur.

Certains médias israéliens ont présenté le nombre de victimes – dont des enfants, des femmes et des professionnels de la santé – comme un bilan acceptable, fanfaronnant même sur le nombre relativement faible de victimes civiles palestiniennes. Un sentiment de célébration, de fierté et d’honneur a envahi Israël.

Un consensus national s’est dégagé lorsque les leaders de l’opposition parlementaire ont exprimé leur soutien aux actions du gouvernement Netanyahou. Les analystes estiment que l’opération pourrait prolonger la durée de vie du gouvernement assiégé, qui était aux prises avec des dissensions internes et semblait sur le point de s’effondrer.

Itamar Ben-Gvir, le leader d’extrême droite du parti Puissance juive, avait boycotté les sessions de la Knesset. Pourtant, même lui a fait l’éloge de l’opération, suggérant que ses pressions avaient porté leurs fruits, et vantant son propre rôle.

Entre-temps, des milliers d’Israéliens ont fui leurs maisons dans les communautés proches de Gaza, tandis que l’armée supervisait un plan d’évacuation plus large.

Israël s’est félicité du succès de ses opérations militaires, citant la bonne coordination des renseignements entre l’armée et l’agence de sécurité Shin Bet. Cette démonstration de sa capacité à cibler les dirigeants palestiniens, même dans leurs propres chambres à coucher, vise à envoyer un message à toutes les factions du Sud-Liban, de la Cisjordanie occupée et de Gaza : le rayon d’action d’Israël est tous azimuts.

Assassinats ciblés

La stratégie israélienne d’assassinats ciblés démontre sa politique impitoyable d’éradication des dirigeants du Djihad islamique, en raison des opérations très médiatisées du groupe et de sa philosophie de résistance à l’occupation. Les responsables israéliens ont à plusieurs reprises exhorté le Hamas à ne pas s’impliquer dans la confrontation actuelle.

Pourtant, alors qu’Israël s’attendait à ce que la réponse palestinienne soit à l’image des précédentes agressions contre Gaza, ce n’est pas ce qui s’est produit immédiatement. Les tensions ont été exacerbées au sein de l’establishment sécuritaire, politique et médiatique israélien, alors que le pays attendait de voir ce qui allait se passer.

Bien que des roquettes aient été tirées de Gaza dans la nuit de mercredi à jeudi, le retard pris dans la réponse a semblé indiquer qu’Israël ne contrôlait plus la manière dont ces situations se développaient.

Les factions palestiniennes semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, contrairement au rythme dicté par Israël.

Dans le même temps, Israël a perdu le soutien de l’Égypte qui, malgré ses efforts de médiation à Gaza, a fortement critiqué les récentes frappes contre le Djihad islamique, estimant que le massacre sapait les efforts visant à établir une stabilité à long terme et violait les engagements pris par Israël lors des récentes conférences d’Aqaba (Jordanie) et de Charm el-Cheikh (Égypte).

De nombreuses factions palestiniennes et forces régionales estiment que le pouvoir de dissuasion qu’Israël détenait autrefois a considérablement diminué au cours des cinq mois qui se sont écoulés depuis l’entrée en fonction du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou, et qu’il n’a pas réussi, sur le plan stratégique, à renforcer son influence régionale et à consolider ses défenses nationales. 

Un autre défaut d’Israël réside dans son incapacité à anticiper l’intensité de la réponse palestinienne à son agression. À Tel-Aviv, les services de sécurité ont choisi cette semaine d’ouvrir des abris anti-bombes publics et de fermer des écoles. Ces coûts sécuritaires, politiques et économiques supplémentaires pourraient inciter Israël à lancer une offensive plus large sur plusieurs fronts, afin de tenter de reprendre le contrôle de la trajectoire et des conséquences de la confrontation.

Neutraliser le Hamas

Bien qu’il n’y ait aucune preuve que la dernière agression d’Israël soit une conséquence directe de ses profonds troubles internes, la diminution du pouvoir de dissuasion de l’État peut certainement être attribuée au climat politique actuel et à la crise intérieure. Par conséquent, l’agression doit être considérée dans ce contexte. 

Si cette stratégie agressive s’avère fructueuse du point de vue israélien, le premier bénéficiaire politique en sera Netanyahou, dont la cote de popularité est sur le point de grimper.

Mais ce regain de popularité ne sera pas durable et ne garantira pas non plus la longévité du gouvernement de Netanyahou, compte tenu des conflits intérieurs profondément enracinés et des manifestations publiques en cours. Il ne permettra pas à Netanyahou de relever les défis les plus pressants auxquels il est confronté. Dans le même temps, les sondages ont montré que la confiance des citoyens israéliens dans le chef de l’opposition, Benny Gantz, s’accroît.

Entre-temps, Israël fait le pari de neutraliser le Hamas – qui gouverne effectivement la bande de Gaza et détient la plus grande puissance militaire – et de garantir un cessez-le-feu durable.

Cependant, la situation s’est encore aggravée après que le ministre de l’Énergie, Israel Katz, a menacé cette semaine d’assassiner Yahya Sinwar, le chef du Hamas à Gaza, et son chef militaire Mohammed Deif, en cas de représailles de la part du Hamas. Le Hamas a publié mercredi une déclaration suggérant que ses forces participaient aux tirs de roquettes de représailles, bien que cela n’ait pas été immédiatement vérifié.

L’appareil de sécurité israélien est perplexe face à la réaction tardive et imprévisible des Palestiniens, car il s’attendait à une réaction immédiate de tirs de roquettes, suivie d’une médiation, de pressions et finalement d’une trêve jusqu’à la prochaine agression. Mais la réalité s’est avérée plus complexe.

Des inquiétudes sont apparues quant à la possibilité que l’état d’urgence israélien se prolonge indéfiniment, les coûts associés pouvant dépasser ceux d’un engagement militaire limité. La possibilité que les Palestiniens prennent pour cible les manifs des colons dans la partie occupée de Jérusalem-Est suscite également des craintes.

Toutes les options semblent être sur la table, une trêve paraissant peu probable. Les factions palestiniennes semblent agir selon leurs propres plans et calendriers, par opposition au rythme dicté par Israël, passant d’un cycle réactif à un plan d’action plus délibéré. Bien que cela crée une nouvelle dynamique, cela ne modifie pas fondamentalement l’essence du conflit.

Source : TLAXCALA
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