Par René Naba

Le Hezbollah libanais fait l’objet d’un tir croisé de la part de médias français et israéliens, début février 2023, coïncidant avec la visite à Paris du premier ministre controversé israélien Benyamin Netanyahou à la veille de la réunion à Paris du comité tripartite (France, États-Unis et Arabie Saoudite) en vue de débloquer l’impasse prévalant au Liban du fait de la vacance du pouvoir présidentiel libanais.


L’objectif de cette guerre médiatique est quadruple :

  • Détourner l’attention sur le comportement des autorités d’occupation israéliennes dans la répression anti palestinienne.
  • Faire pression sur la formation paramilitaire chiite en vue d’assouplir sa position et de consentir à l’élection d’un président libanais agréé par les Occidentaux et les pétromonarchies
  • Détourner l’attention sur la fabrication du Captagon par les groupements islamistes, alliés objectifs de l’Otan, et sa commercialisation dans les pétromonarchies du Golfe, au point qu’un membre de la famille royale saoudienne croupit dans une prison à Beyrouth, depuis une dizaine d’années, pris la main dans le sac.
  • Préparer l’opinion internationale à une action hostile contre l’Iran en vue de réduire la pression sur l’Ukraine

Le tir croisé

Tour à tour, la chaîne I24 News a diffusé le mercredi 1 er Février 2023 un documentaire présenté comme étant une enquête exclusive révélant les réseaux de financement du Front Polisario et ses liens avec le Hezbollah.

La chaîne d’information internationale du groupe Altice a diffusé ce documentaire dans le cadre du magazine «Défense» présenté par Matthias Inbar, à la veille de la venue à Paris du premier ministre israélien pour un dîner avec le président Emmanuel Macron. En s’appuyant sur des notes d’agences de renseignement et sur des rapports de la garde civile espagnole, i24NEWS affirme avoir divulgué l’identité des responsables du financement du Front Polisario et en a expliqué les mécanismes via la «Hawala Tirs», un réseau informel de transfert de fonds, précise la chaîne dans une note d’information.

Lors du reportage, des comptes bancaires en Irlande et en Espagne ainsi que différents réseaux de blanchiment d’argent vers l’Europe, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont été dévoilés, ajoute I 24 News.

Par ailleurs, I24 NEWS a prétend avoir pu démontrer l’existence des liens étroits qui unissent le Front Polisario et l’organisation chiite libanaise, le Hezbollah. En effet, une vidéo montre la rencontre entre l’un des responsables de la «Hawala Tirs», qui finance le Front Polisario, et un homme d’affaires libanais des «Qard El hassan», réseau de blanchiment d’argent du Hezbollah, précise le service de presse de la chaîne, animé par Alexandre Dawidowicz et
Sarah Cohen-Chappoux.

A noter que le Front Polisario est le sujet ultra sensible du Royaume chérifien, qui a justifié la décision de Rabat, d’officialiser ses relations jusque-là clandestines avec l’Etat Hébreu.

Le documentaire de la chaîne française.

Le documentaire diffusé sur la 5 «L’enquête interdite»- programmé pour le 5 février- aborde la même thématique, mais ce qui a retenu davantage l’attention des observateurs est l’identité d’un des co-auteurs du reportage, une journaliste marocaine, Sofia Amara, qui avait défrayé la chronique judiciaire française dans la décennie 1990. Un feuilleton judiciaire qui a tenu en haleine la corporation journalistique pendant plusieurs années par ses multiples rebondissements en ce que l’affaire portait sur l’un des premiers cas de «harcèlement sexuel» dans les annales judiciaires françaises.

Véritable bataille d’Hernani, ce procès a opposé les partisans de la journaliste marocaine, fille d’un haut fonctionnaire du Trône, à son supérieur hiérarchique.

Ses partisans soutenaient que son directeur avait procédé à un abus de position dominante en se livrant à son harcèlement. Ses détracteurs, jugeant sa promotion météorique – de stagiaire à grand reporter en l’espace de quelques mois, avant son licenciement pour incompétence- ont incliné à penser qu’il s’agissait d’une affaire de «promotion extra professionnelle, connue sous le vocable de “promotion canapé” ou plus simplement d’un dérèglement mental du Directeur aveuglé par sa logique passionnelle. Un vaudeville qui a mal tourné en somme et qui vaudra à la station d’être phagocytée par sa rivale et de draper son honorabilité par un nouveau nom immaculé.

Le précédent d’Yves Mamou

Au début de la guerre de Syrie, en 2011, un ancien journaliste du Monde, reconverti à sa retraite dans un tropisme pro israélien, M.Yves Mamou, avait entonné la même rengaine, présentant le Hezbollah comme le «Pablo Escobar du Moyen Orient».

L’auteur avait omis de mentionner que la triade qui alimente l’Europe de stupéfiants était nullement chiite mais sunnite constituée du Haschich marocain, de la drogue d’Albanie et de Bosnie enfin la coke du Mali.

L’affaire était cousue de fils trop blancs. Le livre d’ Yves Mamou a fait pschitt, bénéficiant d’un compte rendu exclusivement dans des journaux de la communauté juive de France.

Une question demeure toutefois: Pourquoi un tel acharnement sur le Hezbollah? Pourquoi le Maroc.
En établissant un lien entre le Hezbollah et le Polisario, la chaîne israélienne a-t-elle voulu justifier la décision du Roi du Maroc, par ailleurs Président du Comité d’Al Qods, d’officialiser ses relations avec un état gouverné par une frange suprémacistes éradicatrices des Palestiniens? Au point que le journal Le Monde n’a pas hésité à qualifier Israël -ah le mot tabou- de «Démocratie illusoire» ?

Une opération de diversion alors que la rue marocaine bruisse de manifestations hostiles à la «normalisation», comme a tendu à le démontrer l’équipe marocaine de Football lors de la coupe du monde au Qatar hissant le drapeau palestinien – et non marocain à son accession à la demie finale? Un camouflet évident à l’encontre de leur souverain.

Pourquoi le Hezbollah ?

Cauchemar de l’Occident, bête noire des Saoudiens et des Israéliens, le Hezbollah fait l’objet d’une manœuvre d’étranglement visant à neutraliser la seule structure arabe à tenir tête tout à la fois aux États-Unis, à Israël et à la dynastie wahhabite.

Le seul à constituer une menace directe pour Israël en ce qu’il est seul acteur arabe disposant d’une base opérationnelle limitrophe d’Israël, à l’exception de la Syrie, hors service du fait d’une guerre intestine, et du Hamas, un moment en phase d’égarement révolutionnaire dans la foulée de son ralliement aux pétromonarchies du Golfe et l’installation de son quartier général à Doha (Qatar), à 30 km de la base américaine du Centcom.

Des trois partenaires de l’axe de la contestation à l’hégémonie israélo-américaine (Iran, Syrie, Hezbollah), l’axe subliminale du mal dans la stratégie atlantiste, le 3me acteur présente le meilleur rendement en terme de rapport qualité prix, la meilleure rentabilité opérationnelle en terme d’efficacité en ce que l’Iran (80 millions d’habitants, puissance du seuil nucléaire et autonome géographiquement) constitue un aléa stratégique pour une attaque occidentale et la Syrie, un aléa politique, pour les multiples répercussions que l’effondrement du pouvoir d’état pourrait entraîner pour son environnement. L’anéantissement politique ou militaire du Hezbollah figure dans toutes les démarches de la diplomatie occidentale depuis le début du soulèvement populaire en Syrie, en 2011.

Il est à craindre que cette nouvelle tentative ne connaisse le même sort que la précédente tentative matérialisée par la création d’un Tribunal Spécial sur le Liban (Tribunal Hariri), discréditant durablement ses promoteurs –la France et les États-Unis –, propulsant entre temps, le Hezbollah au rang de grand décideur régional.

Pour aller plus loin

Illustration

Des partisans du Hezbollah, à l’issue du vote à Nabatiyeh, dans le sud du Liban. La formation chiite soutenue par l’Iran conserve quasiment tous ses sièges au Parlement, mais y perd la majorité à cause des revers de ses alliés. | REUTERS/ISSAM ABDALLAH

Source : auteur
https://www.madaniya.info/…

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