Par Amira Hass

La guerre du mois de mai a endommagé un tiers des canalisations. Les eaux usées s’accumulent dans des flaques près des zones résidentielles et pénètrent la nappe phréatique, et une partie s’écoule dans la mer.

Étant donné l’interdiction imposée il y a deux mois par le ministre de la Défense Benny Gantz d’importer des matières premières, des matériaux de construction et des objets non humanitaires dans la Bande de Gaza, la majeure partie de son réseau hydraulique et des égouts endommagés par la guerre du mois de mai n’a pas été réparée.

Il est pour l’instant impossible d’effectuer les activités régulières et essentielles de maintenance dans l’enclave. Les installations de désalinisation et de purification de l’eau ne fonctionnent que partiellement, et les projets de développement et d’expansion ont été interrompus. Cette détérioration se produit après plusieurs années de gros efforts de l’Administration palestinienne des Eaux, de l’administration de la Bande et des pays donateurs pour améliorer cette infrastructure.

« Il n’y a pas que la nourriture qui est un besoin humanitaire », dit Maher al-Najjar, directeur adjoint du Service des Eaux des municipalités côtières de Gaza. « Il n’y a rien de plus humanitaire qu’une fourniture régulière d’eau potable, mais nous ne pouvons pas la garantir à cause de l’interdiction d’importer des matières premières et des matériaux de construction dans la Bande. »

Najjar dit que, étant donnés les dégâts sur les infrastructures, la consommation domestique d’eau par personne – boisson, bains et nettoyage – a chuté d’environ 80 litres par personne avant le conflit à 50 à 60 litres par jour. La quantité quotidienne minimum recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé est de 100 litres par jour. La qualité de l’eau a également été endommagée, avec une augmentation significative du niveau de chlorures. Le niveau recommandé par l’OMS est de 250 milligrammes par litre et, dans la Bande, le niveau est maintenant de 800 à 1.000 milligrammes par litre au lieu de 400 à 600 milligrammes avant les combats du mois de mai. Les résidents parlent d’un goût de rouille et disent que leur peau et leurs cheveux ont été affectés.

Environ un tiers des canalisations ont été endommagées dans ce dernier conflit, et ne sont pas encore convenablement réparées. Environ un tiers des eaux usées ne sont pas convenablement traitées. Une partie d’entre elles se retrouvent dans des flaques près des zones résidentielles et pénètrent dans la nappe phréatique et une partie s’écoule dans la mer. Ce danger affecte les Palestiniens, car pour beaucoup d’entre eux, se baigner dans la mer est la seule façon d’échapper à la chaleur de l’été, mais aussi les Israéliens, qui souffrent eux aussi de l’eau de mer polluée, dit Najjar.

Lundi, le ministère de la Défense a annoncé un « assouplissement » des conditions pour faire entrer des produits dans la Bande. Mais même si cela s’applique immédiatement, le processus de soumission des offres publiques pour l’achat des matériaux nécessaires et l’arrivée de l’autorisation israélienne est long et signifie qu’il n’y aura pas d’amélioration rapide de l’eau et des infrastructures pour les eaux usées. Certains permis ont déjà expiré et les entrepreneurs devront renouveler leur demande. Au mieux, les premiers éléments nécessaires n’arriveront que dans un mois.

Le réseau de l’eau et des égouts de Gaza manque actuellement d’environ 5.000 éléments nécessaires pour réparer les graves dégâts ainsi que pour la maintenance habituelle, l’amélioration et l’achèvement des projets de développement et d’expansion. Les éléments nécessaires les plus urgents sont des valves et des canalisations pour l’eau potable et les eaux usées – tous matériaux faits en plastique et en métal. A cause de cette pénurie, les offres que les entrepreneurs ont remportées pour faire les travaux ont été gelées et un nouveau processus de soumission ne peut commencer. Pendant la période du coronavirus, on a pompé plus d’eau pour que les gens puissent se laver les mains plus souvent. Maintenant, à cause des coupures d’eau, il est plus difficile de maintenir les protocoles d’hygiène nécessaires, dit Najjar.

La fourniture d’eau dans la Bande – 100 millions de mètres cubes par an – provient de trois sources : la majeure partie vient de l’aquifère de Gaza, environ 10 % sont achetés à Israël et environ 5 % sont de l’eau de mer dessalée dans trois différentes installations, l’une financée par l’Europe, l’autre par le Koweit et une par l’USAID. Il faut urgemment augmenter les quantités d’eau dessalée parce que, avec l’accroissement de la population au cours des années, on pompe en excès l’eau de l’aquifère, ce qui fait pénétrer l’eau de mer dans la nappe phréatique et fait s’effondrer le sol sur la côte.

Avant la guerre en mai, l’expansion de l’une des installations a commencé afin d’accroître la quantité d’eau dessalée d’environ un tiers d’ici le milieu de l’année prochaine. Mais le projet a été interrompu à cause de la pénurie de matériaux de construction et parce qu’Israël n’a pas accordé de visas d’entrée à sept ingénieurs venus de Turquie qui sont supposés superviser le projet.

Najjar craint aussi qu’avec le manque de matériaux de base et de pièces détachées, le service des eaux ne puisse faire les réparations à temps, ce qui conduirait à un danger accru d’inondation et un risque d’effondrement de bâtiments pendant l’hiver.

Malgré des améliorations ces dernières années, plus de 95 % de l’eau dans la Bande n’est pas potable, aussi est-elle mélangée à de l’eau dessalée et soumise à une purification. Le fonctionnement régulier de toutes les installations – les puits et les usines de dessalinisation et de purification – a été interrompu parce qu’on ne pouvait pas réparer les dégâts dus au conflit, et aussi à cause de la pénurie de pièces détachées, de matériaux nécessaires au traitement régulier des canalisations, de pompes, de tableaux de bord et d’électricité.

A cause des fuites dans les canalisations endommagées pendant les combats, même si Israël livre la totalité de l’eau payée par les Palestiniens, un pourcentage significatif n’arrivera pas jusqu’aux consommateurs. Les usines de désalinisation ne produisent qu’environ la moitié de leur capacité maximum. « En plus, nous découvrons tous les jours des dégâts que nous n’avions par vus et qui ont été occasionnés par la guerre », dit Najjar. « Par exemple, les bombes à vibration larguées par Israël et qui ont pénétré le sol ont fait entrer du sable dans les puits. Et maintenant, nous pompons de l’eau avec du sable. »

Le Service des Eaux des Municipalités Côtières de Gaza dépend du paiement des municipalités. Étant donné le taux élevé de pauvreté la plupart des résidents n’honorent pas leurs paiements. Le processus d’appauvrissement a empiré pendant la pandémie de COVID-19 et a ensuite été exacerbé par le combat. Le service des eaux ne fait pas que payer la moitié de leur salaire à ses employés (et parfois, même moins). Il manque par ailleurs de l’argent nécessaire pour acheter du carburant pour les groupes électrogènes qui fonctionnent pendant des heures quand il n’y a pas d’électricité – environ 8 à 12 heures par jour. Les usines de traitement des eaux usées nécessitent un fonctionnement 24 H. sur 24, et leur arrêt partiel quotidien par manque de carburant explique les grandes quantités d’eaux usées non traitées qui se déversent dans la mer.

Najjar craint que les organisations internationales qui font des dons aux Palestiniens hésitent à poursuivre le financement de projets commencés avant le mois de mai et gelés par la suite. Même si le passage de la frontière commence à fonctionner aujourd’hui comme avant la guerre, dit-il, « le travail de restauration des installations à leur état relativement amélioré d’avant la guerre va prendre quatre à six mois ».

Source : Haaretz

Traduction J. Ch. pour l’Agence média Palestine

Source : Agence Média Palestine
https://agencemediapalestine.fr/blog/…