Par Moon of Alabama

En plus il a des idées pour la vaincre

Par Moon of Alabama – Le 5 janvier 2021

Andrew Bacevich fait référence à un essai intéressant de Richard Hanania sur la « menace » chinoise telle qu’elle est perçue par l’establishment américain.

La Chine est une menace envers l’idéologie dominante américaine

L’auteur affirme que la Chine, même si elle se développe et a dépassé les États-Unis sur le plan économique, n’est pas un ennemi des États-Unis et ne représente aucun danger pour la sécurité des États-Unis ou d’autres pays :

Si la Chine n’est pas irréprochable, on peut raisonnablement affirmer que, d’un point de vue international, elle a connu l’ascension la plus pacifique vers le statut de grande puissance de toutes les nations de ces derniers siècles. …
Peut-être, comme le prétendent les McMasters du monde, tout cela est-il dû au fait que Pékin attend son heure dans l’espoir de dominer le monde. Ou alors, la Chine est peut-être une civilisation tournée vers l’intérieur qui, bien qu’elle ait des différends avec ses voisins, n’a pas pour mission de remodeler fondamentalement le monde. Bien qu’elle préfère naturellement des règles qui la favorisent et résiste à tout principe qui légitimerait un changement de régime soutenu de l’étranger, Pékin ne cherche pas à remplacer fondamentalement l’ONU ou à réécrire le droit international. Sa stratégie a surtout recherché la stabilité et la croissance dans le cadre des règles du système élaboré par les démocraties occidentales au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Si sa position de force actuelle est récente, elle n’a pas encore rompu avec le système précédent.

Elle ne prévoit pas non plus, pour autant que l’on sache, de le faire.

Divers politologues influencés par les États-Unis affirment que la démocratisation et la libéralisation sont des précurseurs nécessaires à la paix et la croissance économique. Cet argument idéologique a été utilisé pour destituer et tuer divers dragons « dictateurs » à l’étranger. La Chine prouve que ces politologues ont tort. Et c’est là que réside le véritable danger pour l’establishment américain.

Le développement de la Chine au cours des 40 dernières années prouve qu’il n’est pas nécessaire de faire la guerre contre des pays étrangers pour être en sécurité et prospérer. Pour les idéologues américains, c’est un mauvais exemple qui ne devrait pas exister :

Si la démocratisation universelle n’est pas la fin ultime de l’histoire – ni même un impératif pour le développement, la paix et la prospérité – comment justifier le rôle des États-Unis dans le monde ? Que dira-t-on du système américain si les États-Unis ne sont plus la nation la plus riche et la plus puissante du monde, ayant été dépassés par un pays qui est devenu la puissance dominante en Asie de l’Est sans même adouber les idéaux démocratiques ?

En fin de compte, les Américains eux-mêmes pourraient commencer à se poser des questions gênantes sur la manière dont leur propre système les a servis, y compris les sacrifices de sang et d’argent qu’on leur demande régulièrement de faire.

Ce serait vraiment mauvais car le gavage monétaire dont l’établissement de sécurité nationale se régale serait soudain considéré comme un gaspillage inutile. Là est le véritable danger pour le blob :

En fin de compte, le danger pour les élites américaines n’est pas que les États-Unis deviennent moins capables d’atteindre des objectifs géopolitiques. C’est plutôt que davantage d’Américains pourraient commencer à remettre en question la logique de l’hégémonie mondiale des États-Unis. Peut-être que tous les États ne sont pas destinés à devenir une démocratie libérale, et que des nations aux systèmes politiques très différents peuvent coexister pacifiquement, comme le font de nombreux pays d’Asie de l’Est. Peut-être que les États-Unis ne seront pas toujours les tenants de la puissance militaire et économique, et que le pays qui les dépasse peut avoir des attitudes complètement différentes sur la nature de la relation entre le gouvernement et ses citoyens.

Alors que la plupart des Américains ne feront jamais l’expérience d’un voyage dans un train à grande vitesse chinois et ne prendront jamais conscience des différences dans des domaines comme la qualité des infrastructures, des réalisations majeures dans des domaines très visibles comme les voyages dans l’espace ou le traitement du cancer pourraient faire comprendre à quel point les États-Unis ont pris du retard. Dans de telles conditions, ce qui serait le mieux pour la plupart des Américains serait un cauchemar pour de nombreuses élites bureaucratiques et de sécurité nationale : que les États-Unis renoncent à contrôler le monde et se replient plutôt sur eux-mêmes pour essayer de comprendre où exactement nos institutions ont fait fausse route.

Que va donc faire l’establishment américain ?

Les États-Unis ont accédé à la suprématie mondiale à la suite de deux guerres mondiales qui ont détruit les capacités industrielles de leurs principaux concurrents, alors que ces guerres ont à peine touché leur propre pays. Pourraient-ils organiser un événement comparable, en déclenchant peut-être un conflit entre le Japon et la Chine, qui entraînerait à nouveau une destruction majeure des capacités de production mondiales pendant que les États-Unis restent à l’écart ?

Laisser le Japon, la Corée du Sud et Taïwan ( !) avoir leurs propres armes nucléaires, comme le propose un autre auteur, pourrait être un moyen d’y parvenir :

Que faire [à propos de la Chine] ? Il y a une façon de résoudre la quadrature du cercle. L’administration Biden devrait reconsidérer l’opposition réflexe des États-Unis à la « prolifération amicale ». … Taïwan a le plus grand besoin d’une telle arme, mais en développer une serait très déstabilisant, car Pékin serait tenté de devancer le processus. L’alternative serait que Washington comble le besoin de Taïwan, ce qui aurait un impact profond sur les relations sino-américaines. La prolifération n’est peut-être pas une bonne solution, mais elle pourrait être la moins mauvaise.

Il ne fait aucun doute qu’une Chine dotée de l’arme nucléaire réagirait mal à ce que ces voisins deviennent mieux armés, mais elle n’est pas plus heureuse face à des États-Unis plus impliqués. … Il est plus facile de savoir ce qu’il ne faut pas faire avec la Chine que ce qu’il faut faire. Ne lui déclarez pas la guerre. Ne mettez pas en place une nouvelle guerre froide. Ne sacrifiez pas les valeurs et les intérêts fondamentaux. N’en faites pas une affaire qui ne concerne que Washington. Ne gaspillez pas votre argent et votre crédibilité dans des tentatives d’endiguement trop ambitieuses et inutiles. N’essayez pas de lui dicter ce qu’elle doit faire.

Alors que faire ? Les États-Unis devraient réfléchir de manière créative à de nouvelles approches face à des vieux problèmes. Un moyen d’y parvenir est d’arrêter de harceler les partenaires et de les empêcher de faire ce qu’ils veulent faire. Y compris, peut-être, de développer des armes nucléaires.

Je m’attends à ce que cette idée et d’autres du même genre prolifèrent bientôt.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

Source : Le Saker
https://lesakerfrancophone.fr/…