Hiyam Qudih, une mère palestinienne, cuisine devant le bâtiment de sa famille détruit lors du bombardement israélien de la bande de Gaza dans le village de Khuza’a, à l’est de Khan Younis, dimanche 26 novembre 2023.
[AP Photo/Adel Hana] [AP Photo/Adel Hana]

Par Andre Damon

Trois jours après la première pause dans le bombardement et l’invasion de Gaza par Israël, qui durent depuis deux mois, des équipes de tournage ont commencé à documenter les preuves du massacre délibéré de la population civile de Gaza sur ce qui est la plus grande scène de crime au monde.

La semaine dernière, Politico a rapporté que la Maison-Blanche était «préoccupée» par le fait qu’une «pause» dans l’attaque israélienne contre Gaza «permettrait aux journalistes d’avoir un accès plus large à Gaza et d’éclairer davantage la dévastation qui a été causée et de retourner l’opinion publique contre Israël».

L’hôpital Indonesian est en ruine, des patients sont piégés à l’intérieur de l’établissement

Et c’est ce qui s’est passé. Un reportage sur le terrain réalisé par Al Jazeera au cours du week-end a décrit la scène à l’hôpital Indonesian de Gaza: «La puanteur de la mort oblige les gens à se boucher le nez. Des corps carbonisés et en décomposition, dont ceux d’enfants, sont entassés dans un coin. Aucun enterrement n’a eu lieu car les tireurs d’élite israéliens attaquaient tous ceux qui s’aventuraient à creuser une tombe. Les rues, les écoles, les maisons, les magasins : les frappes israéliennes les ont tous détruits».

Ces reportages démentent complètement le mensonge du président américain Joe Biden selon lequel les autorités sanitaires palestiniennes surestimaient le nombre de morts à Gaza. En fait, le gouvernement Biden admet maintenant que le bilan officiel est largement sous-estimé.

Le dernier bilan officiel publié par le ministère de la Santé de Gaza remonte à deux semaines, en raison de l’effondrement des services de santé qui a rendu le décompte des morts impossible. Toutefois, le dernier décompte officieux du ministère de l’Information du gouvernement, publié mercredi, estimait que 14.352 personnes avaient été tuées, dont 6.000 enfants et 4.000 femmes.

Le cinéaste palestinien Bisan Owda, dont les reportages sur les réseaux sociaux depuis Gaza ont captivé des millions de personnes dans le monde entier, a présenté la réalité de manière plus claire: «Les chiffres de Gaza que vous devez connaître: 20.000 personnes ont été tuées en 50 jours d’escalade – 7.000 d’entre elles sont encore sous les décombres – 8.000 d’entre elles sont des enfants – tous sont des civils.»

Selon les autorités gazaouies, 233.000 logements, soit environ la moitié des maisons de Gaza, ont été détruits ou endommagés. Des bombes ou des missiles ont touché 266 écoles, dont 67 ont été détruites. Israël a tué 205 professionnels de la santé et 64 journalistes. L’élément le plus frappant de ce bilan est l’ampleur des décès parmi les femmes et les enfants.

Publié dimanche dans le Guardian affirme qu’Israël prétend avoir tué entre 1000 et 2000 combattants du Hamas. Même si cela était vrai, cela signifierait que pour chaque combattant tué, Israël a tué entre trois et six enfants, et qu’entre 85 et 92% des personnes tuées sont des civils.

Dimanche, le New York Times a publié en première page un article expliquant que le nombre massif de femmes et d’enfants tués lors de la guerre de Gaza est sans précédent au XXIe siècle.

«Israël présente la mort de civils dans la bande de Gaza comme un aspect regrettable, mais inévitable des conflits modernes […] Mais un examen des conflits passés et des entretiens avec des experts en pertes humaines et en armement suggèrent que l’assaut d’Israël est différent.»

Le Times note: «Selon les chiffres des Nations unies, après presque deux ans d’attaques russes, plus de deux fois plus de femmes et d’enfants ont déjà été tués à Gaza qu’il n’y en a eu en Ukraine.»

Le reportage poursuit en indiquant que 70 pour cent de tous les décès signalés à Gaza sont des femmes et des enfants, même si la plupart des combattants de la résistance sont des hommes. «Lors des affrontements passés entre Israël et le Hamas, par exemple, environ 60 pour cent des décès signalés à Gaza étaient des hommes», écrit le Times.

L’article note que l’utilisation par Israël de bombes de près d’une tonne éclipse tout ce qui a été vu dans les guerres précédentes du 21e siècle. Le Times rapporte, en citant un responsable américain, qu’«environ 90 pour cent des bombes larguées par Israël à Gaza étaient des bombes guidées par satellite pesant de 450 à 900 kg».

Le Times écrit: «Dans les combats de ce siècle, en revanche, les responsables militaires américains ont souvent estimé que la bombe aérienne américaine la plus courante – une arme de 200 kg – était beaucoup trop grosse pour la plupart des cibles lors de la lutte contre l’État islamique dans des zones urbaines comme Mossoul, en Irak, et Raqqa, en Syrie».

L’article du Times, comme tout ce qu’il publie, est rédigé et vérifié pour protéger les intérêts de l’État américain. Tout en présentant des statistiques qui ne peuvent s’expliquer que par le ciblage délibéré de la population civile, le Times prend soin de ne jamais relier ces actions aux déclarations des responsables israéliens, qui ont affirmé à plusieurs reprises que leur objectif était de tuer des civils palestiniens.

Au début du mois, le président israélien Isaac Herzog a déclaré que toute la population de Gaza était responsable de l’attaque du 7 octobre dans le sud d’Israël: «C’est toute une nation qui est responsable […] Cette rhétorique selon laquelle les civils ne sont pas au courant, ne sont pas impliqués, n’est pas vraie. Ce n’est absolument pas vrai.»

Interrogé sur le fait que «cela fait d’eux, par implication, des cibles légitimes», Herzog a répondu: «Quand vous avez un missile dans votre foutue cuisine et que vous voulez le tirer sur moi, ai-je le droit de me défendre?»

Le mois dernier, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a déclaré: «Vous devez vous souvenir de ce qu’Amalek vous a fait», invoquant le passage biblique qui ordonne de «mettre à mort les hommes et les femmes, les enfants et les nourrissons, le bétail et les moutons, les chameaux et les ânes».

«Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence», a déclaré le mois dernier le ministre de la Défense Yoav Gallant.

Comme l’a expliqué Craig Mokhiber, ancien directeur du bureau de New York du Haut Commissaire des Nations unies pour les droits de l’homme: «Les déclarations explicites d’intention des dirigeants du gouvernement et de l’armée israéliens ne laissent aucune place au doute ou au débat» sur le fait qu’Israël commet un «cas d’école de génocide».

Autrement dit, pour reprendre les termes du Times, «l’assaut d’Israël est différent» des guerres précédentes, non seulement par l’ampleur des morts parmi la population civile, mais aussi par la volonté des responsables israéliens d’admettre qu’ils ont pour objectif délibéré de tuer le plus grand nombre de civils possible.

En outre, tout ce qu’Israël a fait a été coordonné avec l’administration Biden. Toutes les bombes de 900 kg qu’il a larguées sur Gaza ont été fabriquées aux États-Unis et fournies par le Pentagone. Du point de vue d’Israël et de l’impérialisme américain, l’un des objectifs de la «pause» est de réapprovisionner l’armée israélienne, ce que l’administration Biden s’empresse de faire.

Alors que le Times tente de dissocier l’assaut israélien contre la population de Gaza de l’invasion américaine de l’Irak et de l’Afghanistan, le génocide à Gaza marque une expansion des crimes de l’impérialisme américain. Ces guerres ont tué plus d’un million de personnes et ont fait de la torture, de l’enlèvement et du viol une politique d’État.

Pas un seul représentant élu ou officier militaire n’a été inculpé, et encore moins emprisonné, pour ces vastes crimes. Aujourd’hui, comme le montrent les images de la destruction de Gaza, l’impérialisme américain et mondial commet des crimes à une échelle encore plus grande et en prépare de plus grands encore.

Stopper le génocide à Gaza nécessite la construction d’un mouvement anti-guerre de masse de la classe ouvrière internationale, armée d’une perspective socialiste. L’une des principales revendications de ce mouvement doit être que les responsables de ces crimes de guerre, y compris non seulement les responsables civils et militaires israéliens, mais aussi les dirigeants de Washington, Paris, Londres et Berlin, soient poursuivis pour crimes de guerre.

(Article paru en anglais le 27 novembre 2023)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…