Seymour Hersh, une légende du journalisme. D. R.

Par Mohsen Abdelmoumen

Les journalistes qui ont à cœur de faire leur travail et d’informer le public se font très rares en Occident mais heureusement, il y en a encore, même si tout est fait pour les empêcher de livrer des informations contraires à la doxa dominante. L’exemple le plus manifeste est Julian Assange, qui est enfermé dans la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh, comme un terroriste, et qui risque une peine de 175 années de prison s’il est extradé aux Etats-Unis – alors qu’il est un ressortissant australien – rien que parce qu’il a fait son travail de journaliste. Ceux qui osent donner un autre son de cloche que la propagande occidentale sont ostracisés, accusés de complotisme et de désinformation, menacés, bannis des médias, licenciés, traînés en justice, voire emprisonnés, leurs comptes en banque gelés et leurs biens saisis, comme dans le cas du journaliste britannique Graham Phillips pour sa couverture de la guerre au Donbass. Ou encore la Française Anne-Laure Bonnel qui a perdu son poste d’enseignante à l’Université Paris 1 parce que son reportage intitulé Donbass montre le sort des habitants russophones de l’est de l’Ukraine bombardés par l’armée de Kiev depuis 2014. Son travail lui vaut d’être considérée comme «pro-Poutine» et d’être sujette à de nombreuses menaces et insultes. Citons également l’Allemande Alina Lipp qui, elle aussi, est partie couvrir la réalité du Donbass et qui est menacée de trois ans de prison si elle remet les pieds en Allemagne. Le fait d’avoir mis un Z – lettre désormais interdite en Allemagne – sur son compte Telegram est considéré comme un délit. En représailles, son compte en banque ainsi que celui de son père ont été gelés. Il y a aussi le reporter indépendant espagnol Pablo Gonzalez qui est en prison en Pologne depuis le 27 février 2022 parce qu’il voulait couvrir la guerre en Ukraine. Et la liste n’est pas exhaustive.

Tu dis, tu meurs. Tu ne dis pas… tu as la vie sauve

Certains journalistes perdent même la vie quand ils s’approchent de trop près de certaines vérités. Ils sont alors victimes d’actes de barbouzerie travestis en accidents tels que, par exemple, une chute malencontreuse du cinquième étage, comme celle qui a tué en février 2004 le reporter Didier Contant qui enquêtait sur la mort des moines de Tibhirine et qui se sentait épié et surveillé parce qu’il s’apprêtait à publier une version qui ne plaisait pas aux champions du «qui-tue-qui», doctrine anti-algérienne chère à Jean-Baptiste Rivoire et à sa clique de «droits-de-l’hommiste» franchouillards. L’anthropologue Rina Sherman, la compagne de Didier Contant, a écrit un livre intitulé Le Huitième Mort de Tibhirine dans lequel elle raconte l’enfer que le journaliste avait vécu avant sa mort, victime d’une campagne calomnieuse et privé de moyens de subsistance par la censure implacable qu’il subissait. D’autres sont criblés de balles comme le jeune journaliste slovaque Jan Kuciak et sa fiancée qui ont été abattus à leur domicile en février 2018 alors que le journaliste enquêtait sur les liens du gouvernement slovaque avec la mafia calabraise. Citons aussi le photojournaliste italien Andrea Rochelli qui a été pris pour cible par les forces ukrainiennes dans le Donbass en mai 2014. Et, plus proche de nous, l’attentat à la voiture piégée perpétré en août dernier près de Moscou contre la journaliste russe Daria Douguine, morte sous les yeux de son père Alexandre Douguine. Et nous ne citerons pas tous ceux qui sont repris sur le site ukrainien Myrotvorets qui met en-ligne des fiches comportant les données personnelles telles que les adresses et les numéros de passeports de nombreux journalistes et autres personnalités ukrainiennes ou étrangères déclarées comme «pro-Russes», ou «traîtres à la patrie», et donc «ennemis de l’Ukraine», parmi lesquels plus de 300 mineurs d’âge. Cette plateforme n’est rien d’autre qu’une liste de personnes à abattre, un appel au meurtre édicté par Kiev et lorsque l’une de ces personnes est tuée, sa photo est barrée d’un grand «liquidé» inscrit en rouge. C’est une méthode bien connue des fascistes que de dresser des listes de personnes à éliminer, et nous avons connu cela en Algérie lors de la décennie noire. Parmi les personnes recensées sur ce site, outre les journalistes, nous trouvons certains politiciens français, tous partis confondus, comme Ségolène Royal, François Asselineau, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, et d’autres qui, à part une ou deux exceptions, n’ont pourtant jamais remis en question la politique atlantiste de la France. On y trouve aussi des artistes comme Samy Naceri, Gerard Depardieu ou Emir Kusturica. Telles sont les «valeurs» de l’Occident partagées par l’Ukraine «démocratique» et la bien-pensance occidentale continue, malgré tout, à nous saouler avec la «liberté d’expression».

Les beaux jours du maccarthysme à l’ère du 2.0

J’ai personnellement travaillé pour un site américain qui s’appelait American Herald Tribune dans lequel on trouvait les publications de toute la crème des militants anti-impérialistes et antisionistes, la plupart américains, qui n’avaient pas froid aux yeux pour exprimer ce qu’ils pensaient de la politique américaine. Le FBI nous a prouvé qu’il n’avait pas enterré les pratiques à la J. Edgar Hoover puisque le site a été fermé, ses publications étant jugées trop critiques à l’égard de la politique étrangère américaine. Exactement comme à la belle époque du maccarthysme. Le directeur du site, Anthony J. Hall, quant à lui, a été licencié de l’Université où il enseignait sous prétexte d’«antisémitisme». Un peu avant la fermeture du site, j’avais été contacté par un «journaliste» de CNN, un certain Donie O’sullivan, qui voulait savoir combien le journal me payait pour publier mes articles. Je lui ai répondu que je travaillais bénévolement et que je n’en percevais pas un centime, ce qui était vrai. Ce type m’avait tout l’air d’être un agent plutôt qu’un journaliste et sa présentation dans CNN indique qu’il est payé pour suivre et identifier les campagnes de désinformation en-ligne. Il a d’ailleurs écrit un article mensonger déclarant qu’AH Tribune rétribuait ceux qui écrivaient pour le site, ce qui a conduit à sa fermeture. Ce témoignage constitue un exemple type des «valeurs» de démocratie, de liberté d’expression et autres foutaises avec lesquelles l’Occident nous assomme continuellement. On peut aussi citer le cas plus récent de la chaîne RT France qui était déjà censurée depuis le premier paquet de sanctions édictées par Von der Leyen, et qui s’est terminé par le gel des comptes bancaires de la chaîne et par 123 salariés au chômage. Il faut donc beaucoup de courage pour oser défier l’ordre établi en relatant les faits réels.

Seymour Hersh est un journaliste d’investigation américain mondialement connu, une véritable légende du journalisme qui a toujours «porté la plume dans la plaie», comme disait Albert Londres. Il a écrit pour de grands journaux comme The New Yorker et The New York Time. Il est celui qui a révélé le massacre de My Laï par les troupes américaines pendant la guerre du Vietnam, ce qui lui a valu le prix Pulitzer en 1970 et, des décennies plus tard, il a publié une enquête sur la pratique de la torture à Abou Ghrib pour laquelle il a reçu le prestigieux prix Polk. Il a aussi démenti Barak Obama quand celui-ci accusait Bachar Al-Assad d’avoir lancé une attaque chimique contre son propre peuple. Il a aussi enquêté sur les actions hostiles de la CIA sur le territoire américain à l’encontre des mouvements pacifistes et autres opposants sous couvert de contre-espionnage, ce qui a coûté son poste au chef du contre-espionnage de la CIA. Il a révélé l’existence de l’OSP, Office of Special Plans (Bureau des moyens spéciaux), une unité de renseignement du département de la Défense des Etats-Unis mise en place par Ronald Rumsfeld au lendemain des attentats du 11 septembre. Il a également révélé qu’Hillary Clinton était financée par le lobby juif. Il a aussi affirmé que le gouvernement américain avait menti sur le raid qui avait permis d’éliminer Oussama Ben Laden et que le corps de celui-ci n’avait pas été jeté à la mer. Son travail d’investigation et ses publications mettant à nu les turpitudes de l’empire lui ont valu, bien sûr, beaucoup d’inimitié de la part de ceux dont il dévoilait les agissements. Et aujourd’hui, à 85 ans, Seymour Hersh prouve une fois de plus qu’il est l’un des plus grands journalistes en publiant sur son blog personnel une enquête sur le sabotage des gazoducs de Nord Stream 1 et 2, le 26 septembre de l’année dernière, dans la mer Baltique : https://seymourhersh.substack.com/p/how-america-took-out-the-nord-stream

Invasion de l’Ukraine, versus destruction de Nord Stream  

Il s’avère que l’enquête menée par Seymour Hersh et qui est le résultat du témoignage d’une «gorge profonde» issue des services de renseignement américains, à la manière de ce qui s’est déjà produit avec le scandale du Watergate en 1974 –  sur lequel, d’ailleurs, Hersh a enquêté pour le New York Time et notamment sur l’implication de Henry Kissinger –, pointe directement Joe Biden et les straussiens. L’enquête révèle, en effet, que l’opération a été ordonnée par Joe Biden et planifiée par le secrétaire d’Etat, Antony Blinken, la sous-secrétaire d’Etat aux Affaires politiques, Victoria Nuland, et le conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, les mêmes poisons néoconservateurs, donc, qui infestent l’administration américaine depuis des années et dont l’idéologie hégémonique risque de précipiter à chaque instant le monde dans l’apocalypse. La préparation de cet attentat a commencé en décembre 2021, soit trois mois avant l’opération spéciale russe en Ukraine, impliquant diverses personnes issues de différentes agences de renseignement, dont William Burns, le patron de la CIA, qui se réunissaient dans le plus grand secret pour élaborer le plan de destruction des gazoducs. Pendant toute l’élaboration de cette attaque, la question n’était pas de savoir s’il fallait effectuer la mission, mais comment l’effectuer sans que l’on puisse en déterminer le responsable. La publication de Hersh est une véritable bombe qui décrit avec force détails les réunions secrètes qui se sont tenues pendant plus de neuf mois et qui ont permis la mise en œuvre de la planification, du choix des plongeurs, lesquels ne devaient pas faire partie de l’armée pour éviter que cette opération soit signalée au Congrès et au Gang des Huit (ensemble de huit dirigeants au sein du Congrès des Etats-Unis qui sont informés sur des questions de renseignement classifiées par l’exécutif), l’organisation du timing ; bref, tout le déroulement de ce qui n’est pas autre chose qu’un acte de guerre des Etats-Unis contre l’Europe alliée, en y impliquant, en outre, l’un des membres de l’OTAN, à savoir la Norvège qui s’est montrée particulièrement enthousiaste de participer à cette mission. C’est en juin 2022, pendant l’exercice d’entraînement militaire Baltops, que les plongeurs ont placé des explosifs sur les pipelines Nord Stream 1 et 2, explosifs qui ont ensuite été déclenchés à distance le 26 septembre. Tous les Européens devraient avoir une pensée pour Victoria Nuland en se souvenant de son fameux «Fuck Europe !» qu’elle avait prononcé en 2014 au cours d’une communication téléphonique avec l’ambassadeur américain en Ukraine à propos de celui que les Etats-Unis mettraient au pouvoir après le coup d’Etat qu’ils avaient planifié et financé.

Il a fallu deux jours avant que les médias mainstream tétanisés et déboussolés par cette nouvelle «détonante» se décident à en parler. Surtout, avant de réagir, ils attendaient impatiemment une réaction de la Maison-Blanche qui, bien sûr, a nié catégoriquement ces informations, suivie par la CIA qui a déclaré, la main sur le cœur, que toute cette histoire était totalement fausse. Idem pour le ministre des Affaires étrangères norvégien qui a réfuté toute implication de son pays dans le sabotage. Il est intéressant de noter que depuis cette publication, les personnes impliquées dans cet attentat, soit Blinken, Sullivan, Nuland et Burns, font profil bas et évitent de se montrer à la presse. Tout le monde semble aussi avoir oublié la conférence de presse à la Maison-Blanche du 7 février 2022 lors de la visite du chancelier allemand Olaf Scholz, au cours de laquelle Joseph Robinette Biden avait déclaré que si la Russie envahissait l’Ukraine, les Etats-Unis mettraient fin à Nord Stream. Une journaliste lui avait demandé alors comment ils feraient, et Biden avait répondu qu’ils avaient les moyens de le faire. Tout cela, il faut le souligner, en présence d’Olaf Scholz dont le larbinisme à l’égard de Washington devrait faire réfléchir le peuple allemand. Quoi qu’il en soit, suite à ces révélations, les médias occidentaux, chiens de garde de la propagande de l’impérialisme, ont tous répété comme des perroquets les mêmes phrases, à savoir que «les articles de ce célèbre reporter sont controversés depuis quelques années, et que l’on ne peut pas accorder foi à une enquête se basant sur une seule source». Ben voyons. Hersh est même devenu un théoricien du complot, la fiabilité de ses sources et son professionnalisme étant mis en doute par certains roquets des plateaux de télé qui se targuent d’être des «journalistes». C’est tout juste si ce monument du journalisme d’investigation n’est pas traité de vieux gâteux. Pourtant, un lanceur d’alerte qui était présent lors des exercices militaires Baltops dans la Baltique a confirmé la présence des plongeurs «spéciaux» et a rapporté les besognes auxquelles ils se sont livrés.

«Thank you, USA»  

La plupart d’entre nous se souviennent du jour où le gazoduc Nord Stream amenant le gaz russe en Europe via l’Allemagne a explosé. Les images du gaz s’échappant à gros bouillons dans la mer Baltique ont fait le tour du monde. Cet acte de sabotage peut être considéré comme un casus belli contre toute l’Europe mais, surtout, contre l’Allemagne qui était totalement dépendante du gaz russe et qui voit toute son économie menacée. L’Allemagne, qui était considérée comme la locomotive de l’Europe, voit s’effondrer son industrie car comment rester compétitif quand on doit faire tourner ses usines avec une énergie dont les prix s’envolent ? Tout de suite, les médias occidentaux avaient accusé la Russie d’avoir détruit son propre gazoduc, comme si le gouvernement russe était assez fou pour pulvériser un investissement de plusieurs milliards de dollars au fond de la mer, sans parler des milliers de mètres cubes gâchés qui bouillonnaient dans la mer. Mais une réaction sur Twitter a suscité l’intérêt de certains internautes, celle de l’ancien ministre polonais des Affaires étrangères et député européen, Radoslaw Sikorski, qui a publié un message le lendemain de l’explosion disant : «Thank you, USA», accompagné d’une image aérienne de l’endroit de l’explosion. Et certains d’entre nous n’ont pas manqué non plus de s’interroger sur le SMS sibyllin que Liz Truss, alors Première ministre britannique, a envoyé à Antony Blinken quelques instants après l’explosion : «It’s done» (c’est fait). Il semble bien que beaucoup de gens en Occident étaient «de mèche» dans ce sabotage.

Ce Sikorski est intéressant à plus d’un titre. Ancien journaliste ayant fait ses études en Grande-Bretagne, possédant la double nationalité polonaise et britannique, il a travaillé pour plusieurs médias britanniques et américains dont, notamment, Voice of America avant de faire une carrière politique. Il est marié à la journaliste américaine Anne Applebaum, issue d’une famille juive biélorusse, une néoconservatrice pur jus qui répand sa haine de l’ex-URSS qui, pourtant, n’existe plus, via des livres prétendument scientifiques alors qu’ils ne sont que de la propagande impérialiste et anticommuniste, tels que L’Histoire du goulag récompensé par un prix Pulitzer, institution qui n’est décidément plus ce qu’elle était, La Famine rouge, la guerre de Staline en UkraineRideau de fer : l’Europe de l’Est écrasée, bref toute une littérature échevelée contre les méchants communistes soviétiques. Applebaum est éditorialiste au Washington Post et membre de l’American Enterprise Institute, un véritable nid à straussiens. Think tank néoconservateur pur et dur, cet institut proche du patronat américain est réputé pour être partisan de l’intervention militaire. Y ont siégé, ou y siègent encore, outre Applebaum : son mari Radoslaw Sikorski ; John Bolton, conseiller de Trump à la Sécurité nationale ; Lee Raymond, qui est l’ex-PDG d’ExxonMobil ; Lynne Cheney, l’épouse de l’ancien vice-président de George W. Bush ; Reuel Marc Gerecht, ancien spécialiste du Moyen-Orient à la CIA et ex-directeur du Project for the New American Century’s Middle East Initiative, mais aussi Richard Perle, surnommé le «Prince des ténèbres», ce qui situe le personnage, lequel a été accusé par Seymour Hersh dans le New Yorker du 9 mars 2003 de conflit d’intérêts et d’accointance avec des hommes d’affaires israéliens représentant une société de fabrique d’armes ainsi qu’avec une société liée aux préparatifs de l’invasion de l’Irak dont il était l’un des plus fervents supporters. A cette époque, Perle avait été nommé président de la commission de la politique de défense par George W. Bush, poste dont il a dû démissionner le 27 mars suite à l’article de Seymour Hersh qu’il a traité de «terroriste». C’est ça, le pouvoir de la presse quand elle fait son travail.

Article 5…

Ce qui constitue l’un des plus grands actes de terrorisme de l’histoire – car il dépasse de loin les attentats du 11 septembre 2001 dans les implications de la destruction du gazoduc sur l’économie européenne, à commencer par celle d’Allemagne – est complètement passé à la trappe. Les médias n’en parlent plus et les politiciens européens ne font aucun commentaire. Il n’y a même pas d’enquête sérieuse. On se souvient que les attentats de New York ont fait la Une des journaux pendant des semaines, les télévisions passant en boucle les images des immeubles détruits. L’article 5 de l’OTAN avait été aussitôt activé. Le voici : «Les Parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les Parties et, en conséquence, elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations unies, assistera la Partie ou les Parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres Parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord.

Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.»

Mais comment activer l’article 5 quand deux pays de l’OTAN, les Etats-Unis et la Norvège, commettent un attentat terroriste contre leurs propres partenaires ? Sans parler de soupçons pesant sur le Royaume-Uni, la Pologne et le Danemark, ce dernier étant chargé de surveiller la zone où s’est déroulé l’attentat. Aujourd’hui, l’oligarchie bourgeoise qui dirige l’Europe, complètement soumise à l’impérialisme, fait mine de regarder ailleurs et achète sans sourciller le gaz de schiste des Etats-Unis, ce qui ne semble pas gêner les écolos allemands va-t-en-guerre comme Baerbock et Habeck qui n’ont plus grand-chose à voir avec la couleur verte. L’Oncle Sam, lui, se frotte les mains parce que la désindustrialisation programmée de l’Europe va inciter les usines européennes à se délocaliser aux Etats-Unis, ce qui va entraîner de l’emploi et de la richesse aux Etats-Unis, mais aussi des millions de pertes d’emplois en Europe et une paupérisation endémique allant de pair avec une augmentation drastique du coût de la vie due à une énergie hors de prix. Mais schuuut, laissons se calmer les remous dans l’eau de la Baltique et passons à autre chose.

Plus aucun média ne parle de cette affaire. La chape de plomb qui s’est abattue sur la révélation de Seymour Hersh nous renvoie à la conception de la «liberté d’expression» telle qu’elle est pratiquée en Occident. Mieux, pour faire diversion et détourner l’attention du public de l’attaque terroriste contre Nord Stream, de la déculottée que les Russes infligent à l’OTAN en Ukraine, et de la catastrophe environnementale qui a lieu dans l’une des régions les plus fertiles de l’Ohio, avec le déraillement d’un train transportant des produits chimiques dangereux dont du chlorure de vinyle, ce qui a provoqué un véritable Seveso, Washington n’a rien trouvé de mieux que d’embarquer le monde dans une chasse aux ballons et aux OVNIS. Cette diversion a incité Edward Snowden à commenter sur Twitter le 13 février : «Ce n’est pas extraterrestre. J’aimerais que ce soit extraterrestre mais ce n’est pas extraterrestre, c’est juste la vieille panique artificielle, une nuisance attrayante garantissant que les journalistes du Natsec (ndlr : sécurité nationale) soient affectés à enquêter sur des conneries de ballons plutôt que sur des budgets ou des attentats à la bombe (sur Nord Stream) jusqu’à la prochaine fois.»

La Russie ne tombera pas et Poutine est un joueur d’échecs

L’Occident commence à comprendre que, contrairement à ce qu’il croyait, la Russie ne tombera pas, ni économiquement, ni militairement, ni politiquement, et qu’elle est prête à poursuivre son opération spéciale en Ukraine autant de temps qu’il le faudra malgré les sanctions, les envois de mercenaires, d’armes et de chars des pays de l’OTAN, qui finissent en chair à pâtée et en tas de ferraille. Antony Blinken peut continuer à seriner son mantra que «le monde ne peut pas être autorisé à rester sans le leadership américain», la Chine, la Russie et l’Iran intensifient leur coopération, suivies par les pays des BRICS et les pays émergeants, ouvrant la voie à un monde multipolaire. Le pantin de Washington Jens Stoltenberg peut réclamer plus d’armes pour Kiev de la part des pays de l’OTAN, tout en reconnaissant qu’il y a pénurie de munitions, son agitation lors de ses apparitions à la presse démontre un profond malaise et il a d’ailleurs déclaré qu’il ne reconduirait pas son mandat en octobre prochain. Le Pentagone a aussi déclaré qu’il n’y aurait pas non plus d’envoi de missiles à longue portée en Ukraine car il préférait les garder pour son armée. Autre signe d’affaiblissement, la visite en Europe du plus célèbre mendiant de la planète, Volodymyr Zelensky, qui est retourné dans son bunker de Lviv la queue entre les jambes, à défaut de s’en servir pour jouer du piano, car sa tournée européenne s’est avérée un fiasco malgré les mamours hypocrites des uns et des autres. Un seul dirigeant européen s’est démarqué en refusant d’applaudir le guignol en kaki, c’est Viktor Orban, prouvant par son attitude qu’il y a au moins un politicien européen qui connaît la signification du mot «dignité». La réponse de l’empire ne s’est pas fait attendre. La patronne de l’USAID, la détestable interventionniste Samantha Power, s’est rendue à Budapest où elle a rencontré les étudiants hongrois pour discuter de leurs «aspirations», elle s’y est aussi entretenue avec des journalistes «indépendants» et avec des représentants d’ONG, ainsi qu’avec les communautés LGBTQI+ et les militants des «droits de l’Homme». Bref, l’agent Power n’a pas chômé pour allumer des mèches un peu partout en Hongrie. Attendons-nous à voir émerger prochainement une révolution colorée pour renverser Orban.

Face à ce qui devient un casse-tête pour l’empire qui perd le contrôle des évènements, certaines voix commencent à s’élever pour proposer des négociations. Ainsi, la Rand Corporation, qui est une vitrine de la CIA, a suggéré de réfléchir à un plan à la coréenne dans un rapport qu’elle a publié fin janvier. Selon le rapport, il serait sage de «minimiser les risques d’escalade majeure» car «les intérêts américains seraient mieux servis en évitant un conflit prolongé». Le think tank préconise notamment de «donner des assurances concernant la neutralité de Washington et d’envisager un allégement des sanctions contre la Russie». L’ancien conseiller de Zelensky, Oleksiy Arestovytch, qui figure sur le fameux site Myrotvorets depuis qu’il a révélé que l’immeuble résidentiel détruit par un missile le 14 janvier 2023 à Dnipro, tuant 40 personnes, n’était pas russe mais ukrainien, ce qui l’a forcé à démissionner, est lui aussi partisan des négociations et de la solution à la coréenne. Désormais, il n’est plus question de bombarder la Crimée comme cela avait été envisagé très récemment, d’envoyer des missiles à longue portée et de tester la Russie avec des bravades belliqueuses, le fait que la marine russe soit sortie pour la première fois chargée de missiles garnis d’ogives nucléaires prêts à l’emploi a calmé les ardeurs. L’Europe se désagrège sous nos yeux, la révélation de Seymour Hersh ayant été l’épingle qui a percé la baudruche. Il y a eu une réunion de l’OTAN ces 14 et 15 février à Bruxelles réunissant les chefs d’état-major et les différents ministres de la Défense des pays de l’alliance, et le Danemark et les Pays-Bas ont déjà annoncé qu’ils n’enverront pas de chars en Ukraine. Il n’y aura pas non plus d’avions de chasse britanniques dans le ciel ukrainien. Tout le monde semble avoir compris que Vladimir Poutine est un joueur d’échecs, pas un joueur de poker, et qu’il ne bluffait pas quand il a déclaré qu’un monde sans la Fédération de Russie n’existerait tout simplement pas.

La visite prochaine de Biden en Pologne va mettre tous les larbins d’accord. L’Ukraine n’en a plus pour longtemps à figurer dans les Atlas géographiques, elle sera scindée en deux parties, l’une allant à la Pologne, et l’autre à la Fédération de Russie. Et tout porte à croire que l’homme de paille ukrainien, le «héros» Zelensky, désormais inutile, connaîtra une fin sans honneur et sans gloire devant une montagne de cocaïne.

Mohsen Abdelmoumen

Source : auteur
https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/…

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