Des passagers font la queue au contrôle de sécurité de l’aéroport national Ronald Reagan de Washington, le mardi 19 avril 2022, à Arlington, en Virginie [AP Photo/Evan Vucci] [AP Photo/Evan Vucci]

Par Patrick Martin

Les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont annoncé mardi que près de 60 pour cent de la population américaine avaient été infectés par la COVID-19 au moins une fois en date de la fin du mois de février 2022, lorsque la dernière vague Omicron BA.2 a reflué. Même ce chiffre stupéfiant est dépassé par les 75 pour cent de tous les enfants et adolescents qui ont été infectés au moins une fois.

Il s’agit d’une catastrophe de santé publique sans précédent dans l’histoire américaine. Il ne s’agit pas d’une catastrophe «naturelle», mais du produit d’une politique délibérée d’infection massive, menée d’abord par le gouvernement Trump et maintenant par le gouvernement Biden. Le Parti républicain puis le Parti démocrate ont démontré leur caractère de classe, puisqu’ils ont sacrifié un million de vies – et ce n’est pas fini – afin de maintenir les opérations des sociétés et d’assurer le flux ininterrompu de profits à l’oligarchie capitaliste américaine.

Pendant la même période où la COVID-19 a tué 1 million de personnes et en a infecté 200 millions d’autres, la bourse a atteint des sommets et les fortunes de l’aristocratie financière ont gonflé dans des proportions inimaginables. La richesse des milliardaires américains a augmenté de plus de 70 pour cent, pour atteindre plus de 5.000 milliards de dollars. Ces deux résultats – mort massive et richesse sans précédent – sont inextricablement liés. Tel Midas, Wall Street a transformé la souffrance et la mort de masse en or.

Et le SRAS-CoV-2 n’a pas fini son œuvre mortelle. Loin de là. Grâce à la fin effective de toutes les mesures d’atténuation, à la reprise de la vie «normale» sur les lieux de travail, dans les écoles, les centres commerciaux, les rassemblements sociaux, les voyages et les événements de masse dans les amphithéâtres et à la fin du port du masque et d’autres formes limitées de protection, le virus dispose d’une réserve pratiquement illimitée de nouvelles victimes et de nouvelles possibilités de mutation.

100 millions d’Américains ne se sont jamais fait vacciner; 130 millions sont vaccinés, mais n’ont pas reçu de dose de rappel; et pour 100 autres millions de personnes, l’efficacité de leur dose de rappel diminue rapidement. Ces bassins importants et variés de victimes potentielles offrent des conditions optimales pour un virus qui mute rapidement en réponse à des conditions modifiées. Le SRAS-CoV2 est invité non seulement à s’installer de façon permanente dans la vie humaine, mais aussi à développer de nouveaux variants plus infectieux, plus résistants aux vaccins et plus mortels.

Un élément particulièrement cruel de la politique qui consiste à laisser libre cours au virus est son impact sur les enfants et les adolescents. Le taux d’infection de 75 pour cent démontre que la réouverture des écoles à l’enseignement en personne a fait du système éducatif un moteur principal de la propagation de la pandémie, tel que le WSWS et de nombreux enseignants de la base l’avaient prévenu. Les enfants peuvent non seulement contracter la COVID-19 – Trump et Biden ont faussement dit le contraire –, mais ils sont tout aussi, voire plus, vulnérables à cette maladie mortelle.

Aux États-Unis, plus de 1.500 enfants sont déjà morts de la COVID-19. La pandémie n’est entrée que dans sa troisième année et on estime déjà que le taux de COVID-19 de longue durée – un terme générique qui désigne les conséquences permanentes de l’infection, dont des dommages causés au cerveau, au cœur, aux poumons et à d’autres organes vitaux – pourrait atteindre 30 pour cent. Qui a autorisé le gouvernement à mener une expérience médicale d’une telle ampleur sur des enfants innocents?

Le rapport des CDC a noté l’accélération phénoménale de l’infection pendant la vague Omicron. Pendant la vague Delta, qui a commencé il y a un an et a atteint son apogée à l’automne, les nouvelles infections aux États-Unis représentaient en moyenne 1 à 2 pour cent de la population américaine par mois (3,3 millions à 6,6 millions de cas). Mais au cours des trois mois se terminant en février 2022, on a enregistré quelque 80 millions de nouveaux cas, soit plus de 25 millions de cas par mois. On estime que 21 millions d’enfants figuraient parmi les personnes nouvellement infectées.

Malgré les tentatives de qualifier le sous-variant Omicron de «bénin», Omicron représente déjà près d’un décès sur cinq dans l’ensemble des cas de COVID-19. Et maintenant que le variant original Omicron BA.1 a été supplanté par le variant BA.2, plus infectieux et potentiellement plus virulent, une nouvelle vague de la pandémie se profile à l’horizon. L’infection par le BA.1 ne confère apparemment que peu ou pas d’immunité contre une nouvelle infection par le BA.2.

Face à ces données sombres, le gouvernement Biden poursuit sa politique d’infection de masse, qui avait été qualifiée sous le gouvernement Trump d’«immunité collective» et qui porte désormais un autre nom: l’endémicité, ou «vivre avec le virus». Alors que Trump préconisait des remèdes de charlatan comme l’ivermectine et l’hydrochloroquine, la Maison-Blanche de Biden a tout simplement abandonné toute prétention à ce que la COVID-19 puisse ou doive être prévenue.

Le Dr Ashish Jha, le nouveau coordinateur de la Maison-Blanche pour la lutte contre la pandémie, l’a déclaré ouvertement lors de son premier point de presse mardi: «Il va être difficile de s’assurer que personne ne contracte la COVID en Amérique. Ce n’est même pas un de nos objectifs». Personne dans le personnel de presse de la Maison-Blanche n’a remis en question cette affirmation, puisque les médias bourgeois acceptent la prémisse que la prévention est impossible, et même indésirable.

Le Dr Anthony Fauci, conseiller principal de Biden sur la pandémie, a déclaré le même jour que les États-Unis étaient désormais «sortis de la phase pandémique», saluant la baisse du nombre de décès quotidiens qui est passé de 3.000 en janvier à une moyenne de 300 la semaine dernière. «Je crois que nous sommes en train de passer à la phase d’endémicité», a-t-il déclaré, utilisant ce terme qui implique que la COVID-19 est devenue une caractéristique permanente, et acceptable, de la vie américaine.

Dans un pas de plus dans la campagne de «normalisation» de la COVID-19, Biden lui-même semble courtiser délibérément l’infection, sachant qu’avec les immenses ressources médicales dont dispose la Maison-Blanche, y compris le Paxlovid et d’autres traitements, il ne court guère de risques personnels. Après que la vice-présidente Kamala Harris a subi un test positif, l’agenda de Biden n’a pas été modifié et les conseillers de la Maison-Blanche ont fait tout leur possible pour suggérer qu’ils ne s’inquiétaient pas outre mesure de l’impact possible de l’infection sur le président de 79 ans.

Biden a prononcé un éloge funèbre à l’ancienne secrétaire d’État Madeleine Albright lors d’un service commémoratif mercredi à la cathédrale nationale qui était pleine de personnalités politiques en deuil. Le président doit également assister au dîner annuel de l’Association des correspondants de la Maison-Blanche samedi soir, en compagnie de quelque 2.600 officiels, journalistes et autres personnes dans la salle de bal d’un hôtel en sous-sol. Le mois dernier, lors d’un dîner similaire, mais plus restreint du Gridiron Club, plus d’un participant sur dix a contracté la COVID-19.

Les États-Unis sont en tête des décès dus à la COVID-19, bien qu’ils soient le pays le plus riche du monde et qu’ils soient prééminents en matière de technologie médicale, car la population américaine bénéficie de moins d’avantages sociaux, notamment l’accès aux soins de santé, que toute autre société industrialisée, et la classe dirigeante est moins limitée dans ses activités. Mais l’imprudence et la criminalité de la réaction de l’oligarchie financière américaine à la pandémie de COVID-19 n’ont fait que donner le ton aux classes dirigeantes capitalistes du monde entier.

Le nombre de morts de la COVID-19 en Europe approche les 2 millions. Quelque 1,7 million de personnes sont mortes en Amérique latine, où les taux de mortalité au Mexique au Brésil, au Pérou et dans d’autres pays rivalisent avec ceux des États-Unis, voire les dépassent. Des millions de personnes sont mortes dans le sous-continent indien, mais ce nombre est masqué par le refus des gouvernements de droite, comme celui de Narendra Modi à New Delhi, de comptabiliser les victimes. De nouvelles épidémies gigantesques se sont déclarées en Indonésie, en Corée du Sud et en Australie. L’Afrique du Sud a connu des pertes massives, et la pandémie se propage également sur ce continent.

La Chine est le seul pays où un effort sérieux est réalisé afin de mener une politique de Zéro-COVID fondée sur la science. Le résultat est que moins de 5.000 décès se sont produits dans un pays de 1,4 milliard d’habitants depuis le début de la pandémie en décembre 2019. La plupart d’entre eux sont survenus au cours des quatre premiers mois, avant que la nature de l’infection ne soit pleinement comprise.

La COVID-19 a été parfois comparée à l’épidémie de grippe qui a suivi la Première Guerre mondiale, qui a fait plus de victimes, quelque 50 millions, que cet effroyable massacre. La pandémie actuelle pourrait bien précéder le déclenchement de la guerre mondiale, plutôt que de la suivre. Mais le lien est évident: la même classe dirigeante qui accepte et même encourage les millions de morts de la pandémie ne reculera pas devant la troisième guerre mondiale à cause de la perspective que des millions, voire des dizaines et des centaines de millions de personnes, puissent mourir dans un échange nucléaire.

La dernière étape de la pandémie de coronavirus survient quelques jours seulement avant le rassemblement du 1er mai appelé par le WSWS et le Comité international de la Quatrième Internationale, et elle souligne les motivations de ce rassemblement. La classe ouvrière est confrontée à une lutte interconnectée au niveau mondial pour ses droits démocratiques et sociaux et même pour sa survie physique. Cette lutte ne peut progresser qu’en tant que lutte révolutionnaire consciente pour le socialisme et le renversement du système capitaliste, la cause sous-jacente de la guerre, de la maladie et de tous les autres maux sociaux.

(Article paru en anglais le 28 avril 2022)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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