Par Ghislain Poissonnier

Depuis sa création en 2005, le mouvement BDS (boycott, désinvestissement, sanctions) exigeant le respect du droit international par Israël fait l’objet d’une vaste offensive médiatique, juridique et judiciaire conduite en Europe en vue d’obtenir sa marginalisation et sa criminalisation.

Le mouvement BDS serait antisémite, discriminatoire, anti-israélien, favorable au recours à la violence, contraire au processus de paix, dangereux pour l’ordre public, proche des mouvements de l’Islam radical etc. Tous les arguments sont utilisés à tour de rôle et en boucle pour tenter de le discréditer et empêcher ses partisans de s’exprimer.

Ces arguments intimident et ont fini par rencontrer un certain écho auprès des responsables politiques et institutionnels, qui, par peur ou par méconnaissance, préfèrent se tenir à distance de ce mouvement pacifique, issu de la société civile, qui ne demande qu’une seule chose : le respect du droit international.

Dans un arrêt du 11 juin 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a porté un solide coup d’arrêt à cette offensive diffamatoire, en jugeant que les militants BDS avaient le droit d’exprimer leurs opinions et d’appeler au boycott des produits israéliens pour obtenir d’Israël la fin de la colonisation et de l’occupation de la Palestine.

Cet arrêt historique inspire maintenant nombre de juridictions nationales des États européens. Dernière décision en date, celle rendue le 20 janvier 2022 (8 C 35.20) par la Cour administrative fédérale, située à Leipzig, qui est la plus haute juridiction administrative d’Allemagne, l’équivalent du Conseil d’État en France.

La Cour administrative fédérale devait se prononcer à cette occasion sur le refus par la municipalité de Munich de mettre une salle municipale à la disposition d’une association souhaitant organiser un débat sur les atteintes à la liberté d’expression des partisans du mouvement BDS. La mairie se fondait sur une résolution du conseil municipal du 13 décembre 2017 selon laquelle aucun local communal ne pouvait être utilisé par les promoteurs du BDS. La décision de la mairie avait été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Munich du 12 décembre 2018 (M 7 K 18.3672).

La décision de première instance a été infirmée par un jugement du tribunal administratif supérieur du Land de Bavière (situé à Munich) du 17 novembre 2020 (4 B 19.1358), estimant que la mairie n’avait pas le droit de refuser l’attribution d’une salle pour l’organisation d’un tel débat.

La Cour administrative fédérale confirme le jugement du 17 novembre 2020. Elle fonde principalement sa décision sur le fait que tant la décision de la mairie que la résolution du conseil municipal portent une atteinte injustifiée à la liberté d’expression. La décision rendue le 20 janvier 2022 s’appuie clairement sur la protection de la liberté d’expression garantie par la Constitution allemande et par la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour fédérale administrative confirme ainsi la légalité du mouvement BDS et le fait que les appels au boycott constituent une critique légitime du gouvernement israélien.

Cette décision s’inscrit dans la lignée de précédentes décisions :

L’ensemble de ces décisions, et particulièrement la dernière, montre bien que la résolution anti-BDS adoptée par le Parlement allemand le 17 mai 2019 est biaisée et sans valeur juridique.

Par cette décision du 20 janvier 2022, l’Allemagne rejoint ainsi l’Angleterre et le Pays de Galles, dont la Cour d’appel a jugé en 2018 que les appels au BDS sont couverts par la liberté d’expression.

En France, le chemin est encore long, puisque le ministère de la Justice s’efforce avec la circulaire Dupont-Moretti du 20 octobre 2020 de maintenir une forme de criminalisation du mouvement BDS. La LDH, la FIDH et l’AFPS ont demandé au Comité des ministres du Conseil de l’Europe d’intervenir pour que la « dépêche Dupond-Moretti » soit profondément remaniée.

Par Ghislain Poissonnier, magistrat.

Source : AURDIP
https://www.aurdip.org/…

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