Par Laurent Brayard

C’est désormais officiel, les canons français Caesar ont ouvert le feu hier sur des zones civiles dans le Donbass et à Donetsk. L’information est tombée du StsKK, le service gouvernemental de la République de Donetsk, qui s’occupe de référencer tous les tirs ukrainiens sur les zones civiles. Elle a ensuite été relayée par les autorités de la RPD. Tous les jours, les fonctionnaires, très courageux de ce service se rendent sur les lieux des bombardements, risquant leurs vies. Ils arrivent souvent dans les minutes suivants le bombardement, avec la possibilité importante que d’autres tirs tombent dans le secteur. Ce travail est très minutieux, des agents ramassent systématiquement les différents éclats et débris des obus ou munitions, afin de déterminer les armes employées. L’heure du tir, les victimes, leurs identités, les témoignages des propriétaires d’immobiliers touchés, tout est soigneusement récolté, pour être entré ensuite dans une base de données et de témoignages. Sillonnant la ville de Donetsk et le Donbass en voiture, ils sont accompagnés de la Police militaire et sont eux mêmes des fonctionnaires du Ministère de la Défense. Depuis hier donc, ils ont établi que les canons français tuent des civils sur l’arrière du front du Donbass.

Les débris d’obus parlent beaucoup.

Les débris sont en effet de précieux indices qui en disent très long sur les armes employées. Pour nous qui nous rendons souvent sur le front, l’expérience de la nature de ces débris d’obus s’acquiert au fil du temps. Il est alors possible de reconnaître que tel débris vient de telle munition et arme. Certains débris sont très faciles à reconnaître, car très particulier, comme les restes des systèmes Ouragan ou des roquettes de Grad, d’autres comme les roquettes de mortiers sont également très caractéristiques. Pour les débris d’obus de canons, c’est bien sûr un peu plus compliqué. Mais il reste toujours assez d’éclats, pour reconnaître des inscriptions qui étaient imprimées sur les obus, ou encore une forme particulière de la tête de l’obus, sans parler bien sûr des obus non-explosés, ce qui n’est pas rare. Lorsque les bombardements de terreur ont recommencé il y a environ 10 jours sur Donetsk et les villes du Donbass, tout de suite il fut clair que quelque chose de nouveau c’était produit. Car sur les sites d’impacts de l’artillerie ukrainienne, on a pu retrouver bien sûr, les mêmes signes, les mêmes reliquats et morceaux d’éclats. Or dans cette journée du 29 mai, les impacts ne ressemblaient en rien à ce qui avait déjà été observé. Après analyse des experts du StsKK, il fut clair qu’une partie des obus avaient été tirés par des obusiers américains M777. Il m’aura fallu un peu plus de temps pour comprendre la nature des fameux obus, notamment en parlant avec des soldats de la RPD, ou des vétérans de cette armée. Habituellement les obus tirés sur la ville, du moins ce que j’ai pu moi-même observer, étaient des obus explosifs, pulvérisant autour d’eux beaucoup d’éclats et shrapnels. Or ce n’était pas le cas sur les différents et nouveaux impacts que j’ai pu voir. Les munitions utilisées depuis ce jour et jusqu’à hier, par ces obusiers américains, sont en fait des obus perforants. Ils sont en principe utilisés pour frapper des positions retranchées, bunkers en dur ou de fortune, et bien sûr des véhicules ou des blindés. En bombardant les zones civiles avec de tels obus, le but recherché est bien sûr de tuer des civils, mais aussi de détruire un maximum de structures et infrastructures. Ces obus font peu de dégâts matériels lorsqu’ils atterrissent dans les rues ou dans la nature, mais sont dévastateurs lorsqu’ils frappent un bâtiment, ayant la capacité réelle, de par leur nature perforante, de mieux pénétrer dans les structures, avec les ravages que l’on imagine. Personnellement, je n’ai jamais entendu parler par le passé de l’utilisation de telles munitions sur les zones civiles du Donbass. Et Dieu sait combien les Ukrainiens ont tiré un peu partout sur les villes républicaines depuis 8 années.

Les Caesars tuent désormais des civils russes dans le Donbass.

Hier donc, et semble-t-il pour la première fois, les canons français ont ouverts le feu sur des civils. Au vu de la nature de l’armée ukrainienne, qui bombarde les civils depuis le début de cette guerre, j’allais dire avec délectation, ceci n’est pas étonnant et rend la responsabilité du gouvernement français, encore plus grande. Dès l’année 2014, à travers les voix d’officiers supérieurs de cette armée, ou même le président Porochenko, ou plus récemment de Zelensky, il était clair que les civils étaient et sont des cibles prioritaires pour les forces ukrainiennes. Je me souviens personnellement d’une vidéo que je n’ai pas retrouvé sur Internet, où des tankistes ukrainiens se filmaient hilares, en train de bombarder une imposante barre d’immeuble dans Donetsk (été 2014). En 2016, c’était aussi le cas d’un sinistre néo-nazi français combattant sous un faux nom (Thibault Dupire), dans le bataillon Azov et déclarant à l’envie sur les réseaux sociaux, son plaisir de tuer des civils dans le Donbass. Zelensky lui-même, dans une déclaration très récente, a déclaré que le Donbass serait une ruine et qu’il serait « désert », en déduire que les gens seront tués avant la fin de la conclusion de cette guerre. En 2014, c’est le propre chef d’État-major de l’armée ukrainienne, qui dans une longue interview, expliquait que les civils étaient justement une cible privilégiée. Questionné sur ce fait, il avait déclaré qu’il s’agissait d’une stratégie de guerre, en assumant cyniquement son emploi par toute l’armée ukrainienne, bataillons néonazis de représailles ou armée régulière, puisqu’à l’époque, ces bataillons étaient encore indépendants de l’armée. Comme l’expliquait Xavier Moreau dans son bulletin N° 86, avec Stratpol, le canon Caesar est un bon matériel, avec l’avantage certain d’être aussi un canon automoteur. La difficulté ici pour les forces républicaines et l’armée russe, et que ce canon, certes en version non blindée, peut parfaitement tirer quelques obus, puis rapidement se déplacer pour se mettre à l’abri, échappant ainsi aux tirs de contrebatteries russes… et pouvant recommencer un peu plus loin. Je n’ai pas encore l’information de la nature des munitions tirées, mais elle ne tardera pas à arriver, car les Ukrainiens tirent désormais tous les jours sur les villes du Donbass, particulièrement sur Donetsk, Gorlovka, Makeevka et Yaccinovataya. Dans la seule journée d’hier, 7 personnes ont été tuées, et 16 blessées et le massacre se poursuit. Nous remarquons tous les jours, que ces tirs sont effectués par petites salves. Mis à part certains bombardements (dont celui que nous avons subi le 4 juin), comme dans le district de Petrovski, où ils visaient une mine et le jour suivant une antenne de télévision, la tactique est de lancer quelques tirs, de quelques obus, jusqu’à une douzaine, puis de laisser passer du temps pour ouvrir le feu à nouveau. En général, ces tirs ne retombent pas au même endroit, mais frappent d’autres quartiers, ou localités, une demi-heure, ou une ou deux heurs après, parfois plus. Ces tirs sont toujours effectués de jour, de manière préférentielle quand les gens s’activent et circulent beaucoup. J’ai remarqué moi-même que cela intervient souvent en milieu d’après-midi ou fin d’après-midi, parfois plus en soirée, surtout s’il s’agit d’une journée du week-end.

France Info et Maryse Burgot… en reportage avec les Caesars.

Dans un reportage digne des pires propagandes, Maryse Burgot nous expliquait avoir suivi les canons français la veille. Je ne trouve pas même de mots pour qualifier ce reportage, entre voyeurisme morbide, TV réalités et volonté de faire le buzz dans l’information française. C’est en toute connaissance de cause qu’elle et son équipe, justement pour tenter d’atteindre le public français, à travers ces canons, a demandé à suivre ces derniers dans cette journée précédent leur bombardement de civils, le lendemain 6 juin. L’écœurement est déjà insoutenable, lorsque l’on connaît la vérité, mais pire encore cette dernière se roule délibérément dans la désinformation. Selon ses dires, les 6 canons français auraient déjà détruits au moins 80 pièces d’artillerie russes, sans même subir une perte. Dirigé vers un public goguenard, peu de lecteurs auront suspecté l’aspect très louche d’une telle information. Si cela était vrai, songeons que cette extraordinaire performance serait un exploit sans précédent. Dans les annales de l’histoire militaire, cette batterie de canons français se placerait dans les meilleures, avec un résultat véritablement fantastique. Plus c’est gros, plus ça passe… songeons que les artilleurs ukrainiens n’ont été formés en France, qu’il y a un mois sur ce matériel. Et je rappelle que ces pièces ne sont arrivées au mieux, que depuis une ou deux semaines sur le front. A ce rythme, c’est au bas mot, 150-200 pièces d’artilleries ennemies qui seraient détruites par mois… par six canons français. Dans une année, ces six canons auront détruits l’ensemble de l’artillerie russe présente sur le front ! Au delà du ridicule, de cette journaliste qui n’en a que le nom, et qui déshonore sa profession, rappelons que cette héroïnes des médias français, est censée être très expérimentée, titulaire, s’il vous plaît, du Prix Bayeux des correspondants de guerre (1999). Au delà de l’absurde, l’on peut se demander, en plus de la volonté de faire de l’audience, au prix du sang, si ce reportage ne cache pas d’autres raisons sordides. Avec une telle efficacité de tir, comment ne pas penser que la France (je rappelle que c’est un média public, cette triste femme travaille pour le gouvernement français), ne chercherait pas en plus à vanter l’excellence de ses productions militaires ? En 2022, la France fièrement, se place numéro 3 des pays qui vendent le plus d’armes dans le monde, juste derrière la Russie, et surtout les USA, qui a eux seuls vendent 37 % de toutes les armes vendues annuellement dans le monde. Les carnets de commandes sont en effet déjà pleins, en 2022, la France annonçait la vente de 309 pièces Caesar, pour l’Arabie Saoudite, la Belgique, le Danemark, l’Indonésie, le Maroc, la Tchéquie, le Thaïlande et les fameux cadeaux à l’Ukraine. Maryse Burgot certainement se verra largement récompensée de ses efforts inouïs pour abreuver le monde francophone… de propagande ukrainienne, et son zèle de commerciale pour l’entreprise Nexter (anciennement GIAT industries). Elle vit à n’en pas douter dans une opulence confortable et très loin du front du Donbass. La portée utile d’un canon Caesar se situe entre 40 et plus de 50 km. Avec Christelle, nos logis à Donetsk se trouvent à moins de 10 km du front. Mon propre budget et salaire pour une mission de 6 mois, en comprenant l’équipement et le voyage aller et retour, est d’environ 4 500 euros… Et l’ironie du sort c’est que nous pourrions très bien périr… sous les coups de ces canons français. Nous ne cherchons de toute façon pas les honneurs, et ne voudrions pas de la place de cette dame, qui touche l’argent du sang, l’argent de la honte d’un gouvernement français totalement irresponsable, et désormais criminel.

Laurent Brayard pour le Donbass Insider

Source : Donbass Insider
https://www.donbass-insider.com/fr/…

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