Illustration : al-Mayadeen

Par Robert Inlakesh

Malgré les efforts pour présenter les deux sommets palestino-israéliens sur la sécurité comme répondant aux aspirations au calme des deux parties, la réalité est bien moins réjouissante.

Deux réunions controversées entre l’Autorité palestinienne et « Israël » ont eu lieu, prétendument dans le but de réduire les tensions dans toute la Palestine occupée et de combattre les nouveaux groupes armés qui se sont formés en Cisjordanie.

Les efforts déployés par les États-Unis pour endiguer la recrudescence de la lutte armée ne permettront pas de revenir à l’ancien statu quo, au contraire ils feront couler plus de sang inutilement.

L’Autorité palestinienne (AP), contre l’avis de l’opinion publique palestinienne, a participé dimanche à Sharm El-Sheikh, en Egypte, à un deuxième « sommet sur la sécurité » pour travailler avec l’entité sioniste sur la coordination de la lutte contre la résistance palestinienne en Cisjordanie.

Ce sommet s’inscrit dans le prolongement de celui qui s’était tenu à Aqaba, en Jordanie, en février, et qui avait réuni des responsables israéliens, américains, égyptiens et de l’Autorité palestinienne dans le même but.

Les participants ont présenté les deux sommets sur la sécurité comme répondant à une aspiration commune des Palestiniens et des Israéliens au calme, mais la réalité est bien plus sinistre.

L’administration américaine de Biden a exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes quant à la montée constante des tensions en Cisjordanie. Depuis le début de l’année, près de 100 Palestiniens ont été tués et les attaques armées palestiniennes contre les colons et les soldats sont un sérieux défi pour l’entité israélienne.

Bill Burns, l’actuel directeur de la Central Intelligence Agency (CIA) américaine, a même déclaré publiquement que ce qui se passait dans les territoires occupés ressemblait beaucoup à la situation qu’il avait connue au début des années 2000.

L’évolution la plus notable de ces derniers mois a été la soi-disant validation d’une proposition américaine visant à rétablir un calme relatif en Cisjordanie.

Cette proposition, désormais appelée « plan Fenzel », a été rédigée par le coordinateur américain de la sécurité, Michael Fenzel, et a pour but d’aider l’Autorité palestinienne à mettre en place une force spéciale qui aura pour fonction de réprimer les mouvements de résistance en Cisjordanie.

Depuis septembre 2021, date à laquelle le groupe armé des Brigades de Jénine a officiellement déclaré son existence, des milliers de jeunes Palestiniens ont rejoint ou créé des groupes de résistance dans toute la Cisjordanie.

Les attaques individuelles contre les Israéliens se sont également multipliées, souvent en représailles directes aux raids « israéliens » meurtriers.

Le 31 mars 2022, « Israël » a lancé « l’opération Briser la vague », et a multiplié les raids violents dans les villes, les villages et les camps de réfugiés palestiniens. Selon l’ONU, l’année dernière a été la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie depuis 2005, et les choses semblent empirer.

D’un autre côté, près de 50 Israéliens ont été tués dans des attaques depuis le lancement de l’opération « Briser la vague », ce qui constitue également la période la plus meurtrière pour les Israéliens dans les territoires occupés depuis le début des années 2000.

Il est clair que l’entêtement d’ « Israël » à intensifier la violence et les assassinats brutaux de Palestiniens, bien loin d’écraser la lutte armée, a l’effet contraire.

Avant les sommets d’Aqaba et de Charm el-Cheikh, « Israël » a commis des massacres contre les Palestiniens et, pendant que les deux réunions se déroulaient, la Résistance palestinienne a attaqué des colons israéliens dans la ville de Huwara, située près de Naplouse.

L’administration américaine de Biden a envoyé à plusieurs reprises des délégations pour rencontrer des responsables israéliens cette année, et les médias occidentaux ont affirmé à chaque fois que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, avait accepté de réduire et/ou de retarder l’expansion illégale des colonies et de s’abstenir d’autres actions unilatérales, autant de promesses qui ont été violées dans l’heure qui a suivi.

Et, bien que des ministres israéliens de premier plan comme Bezalel Smotrich ont déclaré ouvertement que, pour lui, les Palestiniens n’existaient même pas en tant que peuple, l’Autorité palestinienne continue de participer à des pourparlers avec des responsables israéliens.

Pour la troisième fois en quelques années, L’AP a annoncé en janvier la fin de sa coordination sécuritaire avec « Israël ». Elle aurait pu regagner une grande partie de la confiance perdue depuis longtemps au sein de la société palestinienne, si elle avait poursuivi dans cette voie.

Mais au lieu de respecter son engagement, elle a décidé de rencontrer les occupants pour organiser avec eux la lutte contre la résistance palestinienne. L’AP a également intensifié sa rhétorique anti-Hamas ces dernières semaines, portant les tensions à un niveau jamais atteint depuis 2014.

Bien qu’il soit dans l’intérêt personnel des politiciens de l’AP, des Israéliens et du gouvernement américain de ramener le calme en Cisjordanie, la collaboration ouverte de l’AP avec Washington et « Tel Aviv » a l’effet inverse.

L’assassinat de plus d’un Palestinien par jour en Cisjordanie, résistants et civils confondus, a un impact considérable sur l’opinion publique dans l’ensemble du territoire.

L’entité sioniste actuelle est la plus extrémiste – en termes de rhétorique – de l’histoire, et elle viole tous les accords qu’elle a conclus avec les États-Unis et l’Autorité palestinienne.

Si l’Autorité palestinienne continue d’œuvrer avec les occupants au démantèlement de la lutte armée, elle signe son arrêt de mort.

Comme nous le voyons avec la récente percée diplomatique négociée par la Chine entre l’Arabie saoudite et l’Iran, le monde est entré dans une nouvelle ère.

L’époque de la domination totale des États-Unis et d’Israël au Moyen-Orient est révolue, l’entité sioniste elle-même est confrontée à une crise interne, et ce n’est pas en quémandant des miettes aux Israéliens que l’AP calmera la ferveur révolutionnaire de la jeune génération de Palestiniens en Cisjordanie.

La nouvelle génération palestinienne n’a pas connu les « Accords d’Oslo » et ne croit pas à la diplomatie. Si l’AP aide « Israël » à réprimer les forces de la Résistance en Cisjordanie comme le veulent les États-Unis, elle finira par être traitée comme une extension de l’occupation.

La seule façon pour l’AP de maintenir son pouvoir à long terme est de se joindre à la bataille pour la liberté et d’exploiter politiquement la lutte armée. La répression aussi violente qu’elle soit n’aura pas raison de la lutte armée, et même si la nouvelle génération de combattants était vaincue, une autre se lèvera pour continuer le combat.

Tirer sur les Palestiniens ou les arrêter n’altérera pas la soif de liberté des Palestiniens. La seule solution pour rétablir le calme, c’est de rendre aux Palestiniens leurs droits et leur terre.

Auteur : Robert Inlakesh

* Robert Inlakesh est un analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires actuellement basé à Londres, au Royaume-Uni. Il a rapporté et vécu dans les territoires palestiniens occupés et travaille actuellement avec Quds News et Press TV. Il est le réalisateur de Steal of the Century: Trump’s Palestine-Israel Catastrophe.
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Source : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/…

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