Par Michelle Tirone

Dans « l’affaire Quatennens », la justice s’est prononcée. Les députés LFI ont également pris leur décision et la plupart des insoumis ne la trouvent pas à la hauteur ni cohérente. Voici ma décision personnelle suite à ces événements.

Je n’ai pas voulu réagir à chaud. Et je réagis selon mes convictions et aussi selon le degré de confiance et de respect que j’ai pour les personnes que sont nos député.e.s.

Le respect a toujours été le principal moteur de mes actions.

J’ai du respect pour le programme de la FI, devenu pour une grande partie celui de la Nupes. J’ai du respect pour le travail effectué jusqu’à aujourd’hui dans ce beau mouvement.

J’avais du respect pour la plupart de nos député.e.s et je partageais leurs actions, leurs vidéos, leurs interventions à l’Assemblée Nationale ou dans les médias.

Tant que je ressentais une force qui émanait de nos députés, la puissance d’un groupe parlementaire soudé et uni devant l’adversité, je pouvais les suivre, je défendais leurs positions. il m’est arrivé de les défendre même si j’avais quelques réserves mais je me sentais faire partie de ce groupe soudé.

Depuis trois mois, j’attends des paroles fermes de la part de nos députés et députées. Lors de la conférence de presse du groupe, au lendemain du communiqué d’Adrien Quatennens, je les défendais encore, je n’ai pas voulu acter leur faiblesse, la non préparation de cette conférence, la non consultation évidente du groupe pour trouver un axe de défense de leur camarade.

Un axe de défense, oui.

Parce que le groupe LFI devait défendre Adrien. Pas l’absoudre des gestes qu’il admettait avoir commis envers son épouse mais défendre fermement le fait que sa place de député ne pouvait être mise en cause au vu des faits dont il se dénonçait. La seule réserve étant s’il s’avérait que la justice le condamne pour des faits plus graves que ce dont il s’accusait lui-même et qu’il aurait dissimulés.

Personnellement, mis à part la gifle, une suite de sms et le récit d’une scène concernant un portable, j’avais retenu aussi dans le communiqué d’Adrien la description de l’atmosphère d’agressivité mutuelle, (par exemple le fait que sa femme lui avait sauté sur le dos lors de l’épisode du portable).

Puis j’ai écouté l’avocate d’Adrien qui affirmait qu’elle avait de quoi défendre son client mais qu’elle réservait ces éléments de défense à la justice.

Puis il y a eu le tweet de Jean-Luc Melenchon qui disait beaucoup de choses en peu de mots :

– Adrien décide de tout prendre sur lui. Je salue sa dignité et son courage.

Ce n’est un secret pour personne qu’Adrien et Jean-Luc sont des amis intimes. Ma pensée immédiate a donc été que Jean-Luc connaissait parfaitement la situation du couple et qu’il n’écrivait pas ce tweet « en l’air », ce qu’il a d’ailleurs dit aux journalistes « je pèse toujours mes mots ».

Ma conviction était faite que si le geste d’Adrien était regrettable et punissable, nous n’étions pas en présence de violences conjugales telles que nous l’entendons avec domination violente d’un homme sur sa femme mais que nous étions dans le cadre d’un divorce « aux torts partagés » comme on dit. je ne pouvais savoir quel était le degré de violence de la part de madame mais il était évident qu’il y en avait un. Quant au degré de violence de monsieur, il en avait fait la description précise.

Les médias et nos adversaires politiques ont totalement dénaturé le tweet de Jean-Luc Mélenchon et dans nos rangs, personne n’a eu le courage de défendre ce tweet. C’était pourtant ce qu’il fallait faire. Il fallait que nos députés fassent corps avec ce tweet et affirment ce qui suit :

Adrien Quatennens a eu la dignité et le courage de faire une confession publique de ses fautes. Cette confession démontre une honnêteté politique, une droiture qu’absolument personne avant lui n’a eue. Tous les hommes publics (et quelques femmes) accusés de faits répréhensibles ont nié avoir mal agi. Tous. Sauf un. Sauf Adrien Quatennens. Cette honnêteté fait que nous lui gardons notre confiance et que nous soutiendrons le fait qu’il doit rester à sa place de député au sein du groupe LFI.

Encore une fois, la seule réserve étant qu’il ne soit pas reconnu coupable de faits plus graves que ceux qu’il décrivait.

Mollement, très mollement, les député.e.s LFI interrogés sur les plateaux télé ont déclaré qu’il n’était pas question d’exclure Quatennens mais que rien n’était vraiment décidé avant le verdict de la justice, qu’ils ne savaient pas… J’ai fini par ne plus les écouter tant leur manque de fermeté me portait sur les nerfs.

Puis, la justice parle en ceci que sont décrits les faits pour lesquels Adrien sera jugé en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité :
– une gifle retenue comme seul et unique fait de violence physique
– des sms réitérés reconnus comme non menaçants.
– aucun harcèlement retenu
Donc exactement ce dont Adrien s’était accusé lui-même, ni plus, ni moins.

C’est à ce moment-là que Céline Quatennens contacte l’AFP pour déclarer qu’elle subissait des violences répétées « depuis des années ». Bizarrement, elle n’a pas fait cette déclaration au moment de la publication du communiqué de son mari qui aurait dû pourtant la faire réagir puisque le 18 septembre, il écrivait exactement ce qui la faisait réagir deux mois après.

Maître Dousselin, avocate d’Adrien, explique quelle a été l’action de la justice. Les deux époux et de nombreux témoins entendus, expertise psychologique des deux protagonistes, etc… Une enquête judiciaire approfondie qui démentait les « nouvelles » accusations de Céline.

Accusations qui n’avaient donc rien de nouveau mais qui ont été décrétées comme telles par un courant « féministe » pour qui « croire les femmes » est une sorte de religion au mépris de toute logique qui veut qu’on écoute la parole de chacune des parties liées à un conflit et qu’on fasse la part des choses.

Donc le mot d’ordre était « on croit Céline malgré les conclusions de la justice ». Une justice qui, pour une fois, a fait du bon travail rapide et sérieux en « écoutant » la parole d’une femme mais en ne la croyant pas sur parole comme l’éxigeraient ces ultra-féministes.

Retenons bien ces paroles qu’Adrien a prononcées lors de son interview sur BFM « Si les déclarations de mon épouse dans la presse ont davantage de valeur que les conclusions d’une enquête judiciaire alors il faut me dire comment je suis sensé rétablir les faits. »

Et qu’ont fait nos député.e.s ? Ils n’ont absolument rien analysé de l’ensemble des faits.

Tête baissée, ils ont suivi les meutes de vautours et de hyènes qui s’acharnaient sur Adrien et aucun ni aucune, absolument aucun ni aucune n’a même tenté de prendre la parole publiquement pour mettre des poids de l’autre côté de la balance qu’ils ont toujours laissé pencher contre Adrien, absolument contre.

Aucun député LFI, aucune députée LFI n’a ouvert la bouche pour dire fermement :

Maintenant ça suffit ! La justice a délimité les faits. Ce ne sont pas des faits de domination unilatérale, ce ne sont pas des faits de nature sexiste et sexuelle. Ce sont des faits consécutifs à une altercation qui aurait été la même au sein d’un couple d’homosexuels et qui n’ont donc rien à voir avec les violences faites aux femmes. La justice décidera de la peine à infliger à Adrien mais pour notre part, nous n’en rajouterons aucune, Adrien s’étant déjà puni de lui-même en se retirant de ses fonctions de coordinateur de la France Insoumise.

Aucun député LFI, aucune député LFI n’a eu ce courage. Personne. Les médias ont ouvert leurs micros uniquement à celles et ceux qui accablaient et accablent encore Adrien.

Pire, nos députés ont pris une décision lapidaire, extrêmement rapide après l’annonce de la condamnation d’Adrien et sans même avoir attendu qu’il s’exprime, ce que tout le monde savait qu’il ferait.

Qu’ils veuillent l’entendre ou non, les député.e.s LFI ont cédé à la pression médiatique, à la pression des autres partis de la Nupes qui ont beau jeu de dire que « si c’était chez eux, ils excluraient leur collègue ! » , à la pression de ce courant malsain qui se dit féministe mais ne fait que dénaturer le féminisme et le salir, loin des combats nobles qui ont été menés pour la cause féminine.

Accabler le moins coupable de faits certes répréhensibles mais sans commune mesure avec la maltraitance intrafamiliale ou avec les agressions sexuelles n’est pas lutter pour une cause, c’est se venger sur un bouc émissaire.

Les députés LFI croient-ils avoir bien fait en prononçant une sanction lourde contre leur collègue et camarade ?

Je ne le crois pas. ils ont plié devant les pressions, ils ont montré non leur force mais leur faiblesse.

Ils viennent d’ouvrir la porte à d’autres exclusions sous tout prétexte qui semblera bon à monter en épingle par nos adversaires politiques, par les médias et en interne, par celles et ceux qui lorgnent les bonnes places.

Laisser démolir leur camarade qui, lui, avait toujours défendu les siens quand ils étaient attaqués a été une immense déception pour nombre d’entre nous et c’est indigne d’un mouvement qui se dit humaniste et épris de justice.

Condamner Adrien Quatennens à une peine plus longue que celle décidée par la justice est inacceptable. Leurs 4 mois de suspension ne tiennent même pas compte des 3 mois déjà effectués, ce qui donne 7 mois de suspension alors qu’un député n’a subi, pour paroles racistes, que seulement 15 jours de suspension !!

Ne pas décrire de quelle façon ils ont voté, selon quels éléments, ne pas avoir consulté les militants insoumis est inacceptable.

Nous avons élu des députés pour nous représenter quand il s’agit de défendre nos intérêts face au pouvoir. Nous ne leur avons pas donné carte blanche pour décider du sort d’un député que nous avons élu. Certaines décisions doivent être prise collectivement et de façon transparente et pas en huis clos.

Nos députés ont critiqué la gestion du pouvoir par Conseils de Défense, ils utilisent exactement la même méthode au sujet d’Adrien.

Adrien a été élu député LFI/Nupes, il ne doit pas un instant cesser de l’être.

Il y a des avis contraires, des personnes qui pensent qu’Adrien doit être exclus à vie. Pour ces personnes, la décision des députés est tout aussi incompréhensible.

La seule solution pour que la confiance revienne au sein de la FI, c’est de remettre leur décision sur la table et de demander aux inscrits de la plateforme de la FI de voter pour décider de la place qu’Adrien doit maintenant tenir au sein de la FI et sur les bancs de l’assemblée.

La décision actuelle ne fait que diviser tout le monde. un vote ne pourrait être discuté, la démocratie parlerait et tout rentrerait dans l’ordre.

En conséquence de tout ça, ma confiance en nos député.e.s est moribonde. Même après le 13 avril, elle aura du mal à renaître. Quelque chose est cassé.

J’ai donc, pour ma part, décidé ce qui suit :

Au moins jusqu’au 13 avril, je ne publierai absolument plus rien des actions, interviews, interventions d’aucun de nos député.e.s sauf de celles et ceux qui auront le courage de parler autrement qu’en accablant Adrien Quatennens.

Je continuerai à militer pour les actions comme les manifestations et je continuerai à dénoncer les excès du pouvoir actuel mais ce ne sera pas à travers la parole de nos députés.

J’irai chercher dans les interventions passées de Jean-Luc Mélenchon et d’Adrien Quatennens pour soutenir la pensée insoumise dans les combats qui vont être menés.

Après le 13 avril, je ne sais pas, tout dépendra de l’attitude de chacun et chacune de nos élu.e.s.

Je ne supporte pas la lâcheté et l’injustice. Voilà tout.

Ce soir, j’irai à Limoges, au meeting contre la vie chère ou nos trois députés LFI de Creuse et Haute-Vienne viendront s’exprimer. j’irai parce que je dois distribuer le matériel reçu hier pour la marche du 21 janvier. je déposerai le matériel et je partirai, je n’assisterai pas au meeting, je n’en ai plus envie.

Je participerai à la marche du 21 janvier parce qu’elle est organisée par la FI et que je fais la différence entre les élus LFI et le mouvement lui-même, bien que cette différence ne tienne qu’à peu de choses mais l’AEC existe toujours, le mouvement existe toujours.

Je ne sais pas si j’arriverai à pardonner ce manque de courage dont ont fait preuve nos député.e.s tout au long de cette « affaire » Quatennens. désolée.

Source : Le blog de Michelle Tirone
https://blogs.mediapart.fr/michelle-tirone/blog/…

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