Des passants devant des panneaux d’ affichage de campagne électorale montrant Benjamin Netanyahu, ancien Premier ministre israélien et chef du parti Likud, à Bnei Brak, Israël, mardi 25 octobre 2022. Israël se dirigeait alors vers sa cinquième élection en moins de quatre ans le 1er novembre.
[AP Photo/Oded Balilty ]

Par Jean Shaoul

Avec 95 pour cent des votes dépouillés, l’ancien Premier ministre et chef du parti Likud Benjamin Netanyahu est en bonne voie pour former un gouvernement avec l’aide de ses alliés fascisants d’extrême droite, le parti Sionisme religieux, suite à la cinquième élection d’Israël en moins de quatre ans.

Le parti Likud de Netanyahu devrait remporter 32 sièges, soit une augmentation de deux sièges par rapport aux élections de l’année dernière. Son allié politique, le parti fascisant Sionisme religieux, dirigé par Bezalel Smotrich en alliance avec le Pouvoir juif d’ Itamar Ben-Gvir, devrait remporter 14 sièges, soit une augmentation de huit, faisant de lui le troisième plus grand parti. Avec les sièges des autres partis religieux, Yahadout HaTorah (UTJ) et Shas, cela lui donnerait une majorité de quatre à cinq sièges à la Knesset (120 sièges). Mais surtout, en fonction du décompte final, le Likud sera, en tant que partenaire minoritaire, redevable aux partis religieux.

Netanyahu, qui est chargé de scandales, est impliqué dans trois affaires judiciaires distinctes pour corruption, fraude et abus de confiance. Il considère un retour au pouvoir comme un moyen d’introduire une législation qui mettra fin à son procès. Il a déclaré à ses partisans au siège électoral du parti Likud, « Nous sommes sur le point d’emporter une très grande victoire. Le peuple veut le pouvoir, pas la faiblesse. »

Yair Lapid, Premier ministre par intérim et chef de Yesh Atid, le deuxième plus grand parti, et chef du bloc d’opposition, devrait obtenir 24 sièges, soit sept de plus qu’à l’élection de l’an dernier. Même avec le soutien du parti Ra’am de Mansour Abbas, loin d’être assuré, cela lui laisse 50 sièges, car ses partenaires, le parti de droite Yamina dirigé par Ayelet Shaked, et le libéral Meretz, dirigé par Nitzan Horowitz, ont manqué d’atteindre les 3,25 pour cent de voix nécessaires pour remporter au moins un siège au parlement en vertu du système israélien de représentation proportionnelle.

La déroute des forces dites de gauche en Israël est telle que le mouvement qui a fondé l’État d’Israël – le Parti travailliste (Labour) – n’a remporté que quatre sièges contre 14 pour le Sionisme religieux.

Malgré une campagne terne, le taux de participation a dépassé les 71 pour cent, le plus élevé des six élections contestées depuis 2015. Les Israéliens arabes ont voté en plus grand nombre que prévu, dépassant les 50 pour cent. Mercredi, avant les résultats définitifs qui seront annoncés à la fin de la semaine, Lapid a demandé à son bureau de préparer le passage des pouvoirs et a annulé son déplacement à la conférence sur le climat Cop27 de la semaine prochaine en Égypte.

Les élections de mardi ont été annoncées en juin dernier, un an après la formation, en juin 2021, d’une coalition fragile après que Netanyahu se fut avéré incapable de bricoler une coalition malgré que son Likud eût remporté le plus de sièges. La coalition, unie juste sur la base de son opposition à Netanyahu, était composée de huit partis disparates, dont ceux ostensiblement attachés aux accords d’Oslo (1993-1995) et d’un mini-État palestinien (Meretz, Travaillistes, Yesh Atid et Kakhol lavan) et comprenait pour la première fois l’un des partis arabes d’Israël, Ra’am .

Pour obtenir le soutien de certains des partis laïcs de droite et les enlever à Netanyahu, Yair Lapid, dont le parti Yesh Atid avait remporté le deuxième plus grand nombre de sièges, céda le poste de Premier ministre à Naftali Bennett, un ancien chef des colons même si le parti de ce dernier n’avait remporté que six sièges, et accepta de ne pas négocier avec les Palestiniens sur la création d’un État pendant la durée de leur alliance.

Le « gouvernement du changement » dirigé par Bennett-Lapid poursuivit le programme pro-patronat de Netanyahu, notamment en annulant toutes les mesures visant à limiter la propagation de la pandémi.

Le « gouvernement du changement » a présidé à plus de meurtres de Palestiniens dans les territoires occupés qu’à n’importe quel moment depuis 2005 – y compris la prise pour cible délibérée de la journaliste américano-palestinienne d’Al-Jazeera Shireen Abu- Akleh – à plus de détentions administratives et à plus de démolitions de maisons que les dernières années du mandat de Netanyahu.

Il mit en avant le nettoyage ethnique de Masafer Yatta, mena des opérations quasi quotidiennes de raids et d’arrestations massives, de châtiments collectifs, et désigna six principales ONG palestiniennes comme « terroristes ». Il intensifia les guerres non-déclarées d’Israël contre l’Iran et ses alliés, la Syrie et le Hezbollah libanais – en Iran, dans le golfe Persique, en Syrie et dans l’est de la Méditerranée.

Rien de tout cela n’a suffi aux ministres de droite de Bennett, ce qui a incité Netanyahu à organiser une manœuvre parlementaire pour faire tomber le gouvernement et assurer son retour au pouvoir. Suite à l’effondrement de la coalition en juin et conformément à leur accord de coalition, Lapid a remplacé Bennett en tant que Premier ministre par intérim en attendant le résultat des élections de mardi, tandis que Bennett s’est retiré de la politique.

L’échec de la coalition du « tout sauf Netanyahu » à proposer une véritable alternative pour atténuer le niveau des inégalités sociales (l’un des plus élevé du groupe des pays avancés de l’OCDE) est le résultat de sa position de classe en tant que représentant des oligarques d’Israël contre la classe ouvrière, juive et palestinienne, à l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’Israël et des territoires occupés.

Itamar Ben-Gvir, député d’extrême droite israélien et chef du parti « Jewish Power », fait des gestes après les résultats du premier sondage à la sortie des urnes des élections parlementaires israéliennes au siège de son parti, à Jérusalem. 2 novembre 2022. [AP Photo/Oren Ziv]

Les bénéficiaires ont été les forces fascisantes d’extrême droite de Ben Gvir et Smotrich, aidées et encouragées par Netanyahu, qui avait négocié leur alliance et organisé leur entrée à la Knesset pour renforcer son bloc avant les élections de 2021.

Ces racistes, les successeurs idéologiques du mouvement kahaniste, interdit, qui fut désigné comme organisation terroriste aux États-Unis, forment des groupes de justiciers dans le Néguev et à Bat Yam en Israël, une banlieue pauvre de Tel-Aviv, et incitent à la violence de type pogrom contre les Palestiniens dans les territoires occupés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ainsi que dans les villes mixtes d’Israël. Leur programme de suprématie juive comprend la domination israélienne sur la Cisjordanie, l’expulsion de ce qu’ils appellent les citoyens palestiniens « déloyaux » d’Israël, qui représentent 20 pour cent de la population du pays, la démolition de la mosquée al-Aqsa et la construction d’un Temple, l’imposition de la loi religieuse et la destruction du système judiciaire.

Les deux dirigeants soutiennent l’introduction d’une loi interdisant les enquêtes criminelles sur un Premier ministre en exercice. Cela devrait leur garantir des postes clés dans un gouvernement dirigé par Netanyahu – ils ont déjà fait pression pour s’arroger le contrôle des ministères de la Justice, de la Défense, des Finances et de la Sécurité publique – et supprimerait toutes les restrictions restantes à l’imposition d’un régime militaire direct sur les Palestiniens.

Ben-Gvir a célébré le succès de son parti, disant à ses partisans à Jérusalem qu’il était «temps de devenir de nouveau les propriétaires de ce pays» et qu’il « n’était toujours pas Premier ministre ». Il a déclaré que les personnes qui avaient voté pour le parti Sionisme religieux voulaient «marcher en toute sécurité dans la rue, ne pas voir nos soldats et nos policiers empêchés d’agir [et] chercher à séparer complètement ceux qui sont fidèles à l’État d’Israël et ceux qui sapent son existence ». Certains témoins ont affirmé que la foule scandait « mort aux Arabes » parallèlement aux appels plus dominants de « mort aux terroristes ».

Si Netanyahu pourrait éviter d’être redevable à ces forces fascistes en essayant de former une coalition avec certains des partis du bloc d’opposition qui ont déjà servi dans ses gouvernements, cela est considéré comme peu probable.

Le gouvernement Biden, malgré son aversion bien connue pour Netanyahu et son soutien supposé aux accords d’Oslo, a hésité à critiquer même la possibilité d’une inclusion potentielle de Ben-Gvir dans un gouvernement de coalition. Le porte-parole du département d’État Ned Price a déclaré lundi: « Qu’importe la forme de la coalition et du gouvernement israéliens, notre relation sera forte et durable. »

Après l’élection, un porte-parole du Conseil de sécurité nationale des États-Unis a déclaré : « Nous sommes ravis de voir un tel taux de participation aux élections à la Knesset. Il est trop tôt pour spéculer sur la composition exacte de la prochaine coalition gouvernementale tant que tous les votes n’auront pas été comptés. Nous sommes impatients de continuer à travailler avec le gouvernement israélien sur nos intérêts et nos valeurs communs. »

(Article paru en anglais le 4 novembre 2022)

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Publié le 6 novembre 2022 avec l’aimable autorisation de Middle East Eye

Source : MEE
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