Par CIREPAL

Le professeur Abdel Sattar Qassem est décédé le 1er février 2021, à Nablus, en Cisjordanie occupée, ayant été atteint par le Covid-21, à l’âge de 73 ans. Ardent défenseur du peuple palestinien et de sa résistance, il fut maintes fois arrêté par l’occupation sioniste et par l’Autorité palestinienne. Penseur et écrivain, il avait rédigé près de 25 livres, dont sur le combattant Ezzedine al-Qassam et sur les prisons sionistes, et 130 études universitaires. Professeur à l’université nationale d’al-Najah, Nablus, il a dirigé de nombreuses thèses et mémoires. Par ses nombreux articles dans la presse palestinienne et arabe et les interviews qu’il a accordés aux chaînes télévisées, il avait réussi à former une opposition politique palestinienne aux sinistres accords d’Oslo (1993) et à l’Autorité palestinienne, accusée de corruption à tous les niveaux. Ses articles lus par des dizaines de milliers d’Arabes dans le monde ont réussi à former une opinion publique arabe favorable à la résistance palestinienne et hostile aux divers règlements concoctés par les pays impérialistes, soucieux de soutenir l’occupation sioniste. 

En hommage au professeur Abdel Qattar Qassem, CIREPAL publie à nouveau un de ses articles parus en 2006, suite à la victoire du mouvement Hamas aux élections législatives dans les territoires de l’Autorité palestinienne.

 La question palestinienne ou la question israélienne ? 

Par Abdel Sattar Kassem

Dr. Abdel Sattar Kassem, militant politique et professeur de sciences politiques à l’université nationale d’al-Najah – Nablus 

 8 mars 2006

La puissance a ses propres lois et s’impose souvent comme si elle était le droit en soi. C’est la situation vécue dans le monde en ce qui concerne la question palestinienne, lorsque les regards se tournent vers Hamas et non vers l’entité sioniste usurpatrice. 

De nombreux Etats, arabes et non arabes, et des médias innombrables abordent la question de la reconnaissance d’Israël par le Hamas et le lui demandent. Personne n’aborde ou ne parle de la détresse ni de la tristesse du peuple palestinien, tout le monde est préoccupé par l’attitude du Hamas envers la reconnaissance d’Israël et le démantèlement de la résistance palestinienne. Le témoin extérieur à la région ne peut que conclure que Hamas est l’agresseur et qu’Israël est le gentil petit Etat victime. 

Le monde puissant, à la tête duquel se trouvent les Etats-Unis, tente de supprimer la question palestinienne de la réflexion humaine pour la remplacer par la question israélienne. Il essaie, en permanence, de montrer Israël comme un Etat pacifiste, mûr, qui comprend les exigences de la paix et de la sécurité, tout en montrant les Palestiniens comme un peuple arriéré, qui fait exploser ses fils avec sauvagerie au milieu de civils civilisés, poussé par la haine et l’amour des ténèbres. 

Israël, pour ce monde, est l’Etat du dieu qui exprime l’amour divin éternel et la créativité humaine, et c’est le paradis de liberté qui fait face au mal et à l’agression. 

Le monde actuellement ne parle pas des réfugiés palestiniens qui se comptent par millions et qui vivent dans des conditions sociales, économiques, psychologiques extrêmement pénibles, depuis des dizaines d’années. Il ne parle pas de l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza depuis environ 40 ans, ni de la confiscation des terres, ni de la colonisation, ni du mur, des assassinats et des arrestations. 

Le discours politique actuel s’appuie sur la supposition que le peuple palestinien est le criminel qui commet tous les actes barbares envers les pauvres pacifistes sionistes. Selon cette supposition, Israël est l’Etat qui cherche la paix, qui veut négocier et régler la situation calmement. Mais le peuple palestinien, extrémiste, ne veut que l’écoulement du sang et les problèmes. 

Est-il possible que des dirigeants arabes accueillent des responsables israéliens après les élections palestiniennes tout en refusant d’accueillir des dirigeants du Hamas ? La ministre israélienne des affaires étrangères et des dirigeants politiques israéliens sont chaleureusement accueillis dans des pays arabes alors que ces derniers refusent la présence de dirigeants du Hamas dont la vision politique concernant le règlement de la question palestinienne est sortie du cadre défini dans lequel se sont engagés la plupart des régimes arabes ? 

Le peuple palestinien est-il devenu criminel parce qu’il affirme s’attacher à ses droits ou parce qu’il choisit la direction qu’il considère appropriée ? Les dernières élections palestiniennes ne doivent-elles pas être, au contraire, l’exemple à suivre pour procéder à des changements politiques et sociaux dans le monde arabe ? N’est- il pas plus profitable, pour les régimes arabes, de mieux se servir de la leçon pour permettre aux peuples de s’exprimer librement ? Cette tendance à innocenter Israël et à accabler le peuple palestinien est celle des journalistes, arabes ou étrangers, que l’on pressent à travers les questions posées et les affaires mises en avant. 

 Par exemple, les médias insistent beaucoup sur ce qu’ils appellent les positions extrémistes de Hamas et des conséquences néfastes pour le peuple palestinien qui peuvent en découler, ils posent les questions sur les attitudes européennes concernant le blocus financier et la famine envisagée, ils ne cessent de soulever la question de la modération dans la scène palestinienne, et la supposition qui sous-tend toutes les questions est claire : l’extrémisme est le seul fait du peuple palestinien. 

Mais concernant la poursuite de la politique agressive israélienne, elle n’est plus perçue comme une accusation. Tenir à ses droits est devenu un extrémisme, le peuple palestinien devrait les abandonner pour prouver au monde qu’il est modéré, sinon il mérite de rester sous l’occupation financière exercée par les Etats occidentaux. 

J’ai essayé d’expliquer à une journaliste arabe que la modération signifie précisément l’attachement à ses droits, et que le fait de les abandonner n’est que de l’extrémisme pouvant conduire au déchirement de l’âme humaine, et même à la mort, mais elle a poursuivi la discussion affirmant que la modération est ce que connaissent les Occidentaux. Je lui ai expliqué que les Arabes font beaucoup de concessions parce qu’ils sont faibles, et qu’ils ne veulent pas être puissants, mais elle m’a répondu que la sagesse consiste à obéir à la puissance, si les Arabes souhaitent assurer leur morceau de pain. 

Ce sont les discours de la défaite, de l’hésitation, de la soumission à autrui, les discours de la négligence, la nonchalance, la paresse et la dépendance des richesses souterraines, des discours que beaucoup d’Arabes souhaitent faire adopter par le peuple palestinien. 

Finalement, cela signifie que le droit est ce que le puissant définit comme droit. Quant à la tentative du faible de sortir de l’impasse, elle n’est qu’une forme de folie. La question palestinienne s’est transformée actuellement en question israélienne : il faut constamment rechercher les solutions aux problèmes sécuritaires israéliens, aux problèmes suscités par le refus de certains Arabes de normaliser leurs relations avec Israël et de leur insistance sur les droits palestiniens. 

Beaucoup voient dans le Palestinien une entrave à la paix, car chez les Palestiniens il y a des extrémistes qui empêchent une réflexion rationnelle qui pourrait les conduire au calme et au morceau de pain. Par leurs pratiques, beaucoup nient le droit au peuple palestinien de retourner à son pays, de vivre libre et de s’autodéterminer. Beaucoup voient dans la Palestine un poids lourd dont il faut se débarrasser. Mais est-ce que cela pourra conduire à la solution et la stabilité ? 

Je considère que ces attitudes compliquent, au contraire, la situation et éloignent toute possibilité de solution dans la région. Ce qui signifie que ceux qui veulent se débarrasser de la question palestinienne sont en réalité en train de se créer leurs propres démons.

Source : CIREPAL
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