Par Chems Eddine Chitour

«Toute ma vie, qu’elle soit courte ou longue, je la consacrerai à vous servir et à servir notre grande famille impériale.»
(Discours d’Elizabeth II)

La reine d’Angleterre Elizabeth II est décédée à 96 ans ce 8 septembre en sa résidence écossaise de Balmoral. Couronnée en 1952, elle était une légende vivante. Les hommages des classes dirigeantes furent unanimes à saluer la mémoire d’une battante qui aimait son pays à en mourir. Pour Joe Biden, président des États-Unis, «Elizabeth II est plus qu’une reine. Elle définit une ère». Une reine qui avait beaucoup de qualités durant son règne. Elizabeth II fut une grande souveraine qui a incarné l’unité, la résilience, une étonnante modernité. Le seul bémol est de n’avoir pas évalué comment son retard dans la réaction à la suite de la mort de la princesse Diana a été mal perçu par les Anglaises et les Anglais.

Ces records détenus par la reine Elizabeth II

Soixante-dix ans de règne pour une monarque de 96 ans qui a fait 42 fois le tour de la Terre : la reine Elizabeth II a battu de nombreux records. Elle règne depuis 70 ans et presque 4 mois. Au Royaume-Uni, le précédent record était détenu par son arrière-arrière-grand-mère la reine Victoria, qui avait régné 63 ans, 7 mois et 2 jours (du 20 juin 1837 à sa mort le 22 janvier 1901). A 96 ans, la reine Elizabeth II est aussi la monarque en exercice la plus âgée au monde. Elle a visité en tant que reine plus de 100 pays — autre record pour un souverain britannique — et effectué plus de 150 visites dans les pays du Commonwealth. Elle s’est rendue 22 fois au Canada, plus que dans aucun autre pays, et 13 fois en France. Le Daily Telegraph a calculé qu’elle avait fait l’équivalent de 42 fois le tour de la Terre avant d’arrêter les voyages à l’étranger en novembre 2015 à 89 ans. Sa plus longue tournée à l’étranger avait duré 168 jours (novembre 1953-mai 1954), elle avait visité 13 pays. La reine Elizabeth II a été le premier monarque britannique à visiter la Chine en 1996, et à s’adresser à la Chambre des représentants à Washington, le 16 mai 1991.»(1)

Un record d’engagements officiels

«Je déclare devant vous que toute ma vie, qu’elle soit longue ou courte, sera consacrée à votre service», avait déclaré Elizabeth II, encore princesse, le jour de ses 21 ans. Elle a mené durant son règne quelque 21 000 engagements, approuvé par «sanction royale» quelque 4 000 projets de loi et reçu de très nombreux dignitaires dans le cadre de 112 visites d’État. Parmi eux, l’empereur Haïlé Selassié (Ethiopie, 1954), l’empereur du Japon Hirohito (1971), le président polonais Lech Walesa (1991) et le président américain Barack Obama (2011). Plus de 180 garden-parties ont été organisées à Buckingham Palace, auxquelles ont assisté plus de 1,5 million de personnes.(1) «Elle a connu 15 Premiers ministres, de Winston Churchill (1952-1955) à Liz Truss. La reine Elizabeth II a aussi rencontré 13 des 14 présidents américains. La reine, cheffe de l’Eglise anglicane, très croyante et pratiquante, a rencontré quatre papes en visite officielle : Jean XXIII (1961), Jean-Paul II (1980, 1982 et 2000), Benoît XVI (2010) et le pape François (2014). Elle a envoyé quelque 300 000 cartes de félicitations à des centenaires et plus de 900 000 à des couples célébrant leurs noces de diamant (60 ans). Elle-même est restée mariée plus de 73 ans au prince Philip, décédé en avril 2021, encore un record pour un monarque britannique. Elle a posé pour plus de 200 portraits, dont le premier quand elle avait 7 ans.» (1)

Un record de modernité ?

«La reine avait envoyé son premier email le 26 mars 1976, lors d’une visite d’un centre de recherches du ministère de la Défense. En 1997, elle avait lancé le premier site internet officiel pour Buckingham Palace. En 2014, elle a envoyé son premier tweet et en 2019 son premier post Instagram. Un (presque) record de saut en parachute. C’est la seule monarque à avoir (presque) sauté en parachute avec James Bond : dans une vidéo réalisée pour l’ouverture des JO de 2012 à Londres, on la voit recevoir l’espion interprété alors par Daniel Craig à Buckingham Palace, avant que tous deux fassent mine d’embarquer dans un hélicoptère, de survoler Londres et de sauter en parachute au-dessus du stade Olympique où l’arrivée (réelle) de la reine avait été saluée d’une ovation.»(1)

Elizabeth II et Nelson Mandela, une si longue amitié

La seule personne en dehors de la famille royale avec laquelle on sent une proximité non feinte est Nelson Mandela. Romain Chansom en parle : «Après l’accession au pouvoir de Nelson Mandela en 1994, la reine d’Angleterre et le président sud-africain n’ont cessé d’afficher leur proximité. C’étaient Elizabeth et Nelson. La reine d’Angleterre et le président sud-africain s’appelaient simplement par leurs prénoms. «On lui disait en rigolant : “Qu’est-ce que c’est bien d’être toi, tu peux appeler la reine par son prénom”, se rappelle Ndileka Mandela, première petite-fille de Madiba. Je me souviens d’une fois où la reine avait téléphoné et l’appel avait été transféré dans la pièce où grand-père était assis avec nous. Ils se parlaient comme deux amis.» La reine avait un lien particulier avec l’Afrique du Sud. Depuis le jardin de sa résidence du Cap, où elle séjourne pour une tournée africaine, la jeune Elizabeth II prononce un discours resté célèbre à l’occasion de ses 21 ans. «Toute ma vie, qu’elle soit courte ou longue, je la consacrerai à vous servir et à servir notre grande famille impériale, assure-t-elle à la radio. Je suis peut-être à 6 000 miles du pays où je suis née, mais je ne suis certainement pas à 6 000 miles de chez moi.»(2)

La reine et l’Afrique : sept décennies d’histoire

La reine avait une relation spéciale avec l’Afrique, cela ne veut pas dire que l’impérialisme anglais était meilleur que celui de la France, l’Italie ou l’Allemagne, mais le Royaume-Uni est le seul qui a pu fédérer une aussi importante relation avec des pays africains.
Joséphine Dedet nous parle ainsi de ces soixante-dix ans de relations à nulle autre pareille et qui ont permis à ces pays, qui se reconnaissent dans le Commonwealth à telle enseigne que des pays qui étaient dans la France-Afrique ont été intégrés au Commonwealth : «Soixante-dix ans qu’on ne voyait qu’elle, depuis la retransmission mondiale à la télévision de son sacre, hiératique jeune femme de 27 ans portant une couronne trop lourde pour son cou et ses épaules frêles. Soixante-dix ans qu’on la voyait sillonner le monde, inaugurer des institutions, recevoir des chefs d’État, décorer des personnalités – plus de 400 000 au total –, car, disait-elle, «tout le monde aime être encouragé par une tape dans le dos». Appliquée à la tâche, stoïque en toute circonstance, qu’il fasse plus de 40°C à l’ombre ou qu’un fou, déjouant les mesures de sécurité, se fraie un chemin jusque dans sa chambre à coucher, Sa Gracieuse Majesté, 96 ans, n’en finissait pas de nous intriguer. Mais, ce 8 septembre, Elizabeth II s’est finalement éteinte en la résidence royale de Balmoral, en Écosse.»(3)
«Avant d’être cette digne vieille dame à jupes plissées, elle fut la petite Lilibet. La «plus grande fierté» de George VI, son père. Lorsque cet homme timide et bégayant est appelé à régner «par accident» après qu’Édouard VIII, son frère, a renoncé au trône pour épouser une roturière américaine deux fois divorcée, on commence à regarder la fillette de 10 ans d’un autre œil. Une vingtaine d’années plus tard, devenu son Premier ministre, il se dira de nouveau frappé par l’attention que cette jeune femme porte aux affaires de l’État et par sa compétence. «De tous mes Premiers ministres, Winston fut le plus drôle», confiera de son côté la reine, qui partageait avec lui la passion des courses de chevaux et ordonna des funérailles nationales pour honorer la mémoire du héros de la Seconde Guerre mondiale.»(3)
«Années 1939-1945. L’adolescente grandit dans les châteaux de Windsor, dans le Berkshire et de Balmoral, pendant que ses parents restés à Londres essuient courageusement les bombardements allemands. Elizabeth apprend le métier : cours de français, de mathématiques, de droit constitutionnel et de mécanique. À 13 ans, elle s’éprend de Philip Mountbatten, son lointain cousin de cinq ans son aîné. Lorsqu’en 1946 il la demande en mariage, elle accepte sans consulter ses parents. C’est sa première décision d’importance. Elle a 20 ans. Quatre enfants (Charles, Anne, Andrew et Edward), dont les frasques feront par la suite les joies de la presse people, naissent de cette union apparemment sans nuages. Encore que… Interrogé en 1992 sur ce qu’il pensait de sa vie, le prince Philip répondit tout à trac : «J’aurais bien mieux fait de rester dans la Navy.»(3)
«Février 1947. Le premier voyage de la princesse Elizabeth II la mène en Rhodésie et en Afrique du Sud, sur fond de fortes tensions politiques. Elizabeth ne reviendra en Afrique du Sud qu’en 1995, alors que Nelson Mandela en est devenu le Président. Une longue abstention qui marque son désaveu – implicite mais clair – de ce que fut l’apartheid.»(3)
Février 1952. L’Afrique, encore. C’est au Kenya, où cette passionnée de vidéo filme des éléphants, qu’elle apprend le décès de son père. «Pâle et inquiète», elle regagne Londres. «Son couronnement contribuera peut-être à mettre fin aux injustices dont sont victimes les femmes qui aspirent aux plus hautes fonctions», écrit Margaret Thatcher, qui n’est alors qu’une jeune pousse du Parti conservateur. S’ensuivra pour Elizabeth toute une vie consacrée à la fonction royale.»(3)
«Tous les jours, elle épluchait sa correspondance, prenait connaissance des dépêches diplomatiques et des projets de loi. Une fois par semaine, elle recevait le Premier ministre pour s’entretenir des affaires du moment. Elle en a connu pas moins de quinze, conservateurs (Churchill, Thatcher, Major) ou travaillistes (Wilson, Blair). Tous ont apparemment apprécié leurs entretiens avec cette femme qui maîtrisait à la perfection les arcanes du pouvoir sans jamais se départir de son calme, ni sortir de son rôle constitutionnel. La reine n’approuvait ni ne désapprouvait aucune mesure gouvernementale. Tout au plus devinait-on qu’elle jugeait peu judicieuse l’intervention franco-britannique à Suez (1956). Elle apportait en revanche un soutien appuyé à la guerre des Malouines contre l’Argentine (1982) en envoyant son fils Andrew au combat.»(3)
«En privé, Sa Majesté était plutôt une femme pratique, plus terrienne qu’intellectuelle (elle lisait assez peu, surtout des romans historiques). Mais elle pratiquait ce délicieux humour qui a fait la réputation de l’Angleterre et parlait comme une Italienne, en bougeant les mains. Intrépide, elle montait encore à cheval à plus de 80 ans, sans bombe sur la tête, et n’attachait jamais sa ceinture de sécurité quand elle conduisait encore, trop vite, dans sa propriété de Balmoral. Malgré quelques controverses touchant à la vie privée de ses enfants et au train de vie de sa famille, elle n’avait jamais cessé d’être populaire.» «Elle a deux atouts majeurs, confiait l’un de ses proches. Un, elle dort très bien ; deux, elle a de très bonnes jambes et peut rester debout longtemps : elle est costaude comme un yack.» Elizabeth II a finalement rendu les armes ce 8 septembre. La reine avait 96 ans».(3)

Qu’est-ce que le Commonwealth ?

Quelques mots de cet aréopage de pays qui ont en commun l’usage de l’anglais, les us et coutumes british et la nostalgie de l’empire. «C’est une organisation politique créée en 1949 pour accompagner la décolonisation et la fin de l’Empire britannique. Elle est l’héritière de la Conférence impériale qui réunissait au début du XXe siècle les chefs de gouvernement des colonies (des États plus ou moins autonomes) de l’Empire. Sa langue officielle est l’anglais et les États membres ont signé une charte qui défend plusieurs grands principes comme la démocratie, les droits de l’Homme ou la liberté d’expression.» (4)
«Les chefs de gouvernement des États membres se réunissent habituellement tous les deux ans. Le dernier rendez-vous a eu lieu en juin 2022 au Rwanda. Par ailleurs, tous les quatre ans, les meilleurs sportifs des pays de l’organisation s’affrontent lors des Jeux du Commonwealth. La dernière édition s’est déroulée cet été à Birmingham (Royaume-Uni).
Le Commonwealth regroupe cinquante-six États, essentiellement d’anciens membres de l’Empire britannique. «Sa Majesté Elizabeth II, par la grâce de Dieu, reine du Royaume-Uni, de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la Foi», a régné sur quinze pays à travers le monde, connus en tant que «royaumes du Commonwealth» : Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Jamaïque, Bahamas, Grenade, îles Salomon, Tuvalu, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Belize, Antigua-et-Barbuda, Saint-Christophe-et-Niévès.»(4)
«Chaque royaume est un État différent, où le véritable pouvoir politique appartient au Premier ministre, élu par le Parlement. Cinq autres monarchies composent l’organisation dont la Malaisie. Enfin, trente et une républiques sont également membres. On retrouve notamment l’Inde, l’Afrique du Sud, Chypre ou encore le Cameroun et le Ghana.

Tous les États membres sont considérés comme des partenaires libres et égaux, coopérant librement dans le même but de paix, de liberté et de progrès. Ils concentrent actuellement plus de 2,5 milliards d’individus, soit un tiers de la population mondiale. Le nombre de membres du Commonwealth n’est pas figé. Le Rwanda a rejoint l’organisation en 2009, tandis que le Togo vient d’y entrer en 2022. À l’inverse, le Zimbabwe a été suspendu puis a quitté le Commonwealth en 2003.»(4)
«Selon des archives britanniques exhumées en 2007 par la BBC, une adhésion de la France aurait même été envisagée dans les années 50. Depuis sa création, le Commonwealth a connu trois chefs. Entre 1949 et 1952, il était dirigé par George VI, alors roi du Royaume-Uni. Sa fille Elizabeth II lui a succédé et a occupé le poste pendant 70 ans. Depuis la mort de cette dernière jeudi, c’est Charles III qui est devenu le nouveau chef du Commonwealth.
Si le titre de chef du Commonwealth est une fonction essentiellement symbolique, il est central dans la vie de la monarchie britannique. Tout au long de son règne, Elizabeth II a effectué 170 visites parmi les États qui composent l’organisation. Elle peut d’ailleurs se targuer d’avoir posé le pied dans quasiment tous les États membres (à l’exception des membres récents que sont le Gabon, le Cameroun, le Rwanda et le Togo). Elle se trouvait par exemple au Kenya lorsqu’elle a appris la mort de son père, le roi George VI.»(4)
«En 1953-1954, la reine Elizabeth et son mari Philip ont effectué une tournée d’environ six mois, traversant pas moins de treize pays du Commonwealth. ‘’Je veux montrer que la Couronne n’est pas simplement un symbole abstrait de notre unité, mais un lien personnel et vivant entre vous et moi’’, avait alors déclaré Elizabeth II lors d’un message enregistré pour Noël depuis la Nouvelle-Zélande. D’autres séjours de la famille royale sont restés dans les mémoires comme le voyage de celui qu’on appelait alors le prince Charles et de la princesse Diana en Australie en 1983. Le couple y avait reçu un accueil triomphal.»(4)

Sauver le Commonwealth

L’œuvre de la vie de la reine Elizabeth II était comment consolider d’une façon permanente cette construction qui devait perpétuer l’empire sous une autre forme. «L’importance qu’elle attachait au Commonwealth était, elle, pleinement assumée. Très soucieuse de maintenir sa cohésion, elle avait réussi à nouer au fil des années d’étroites relations avec les chefs d’État des pays membres, notamment africains. À l’occasion, elle contribua à apaiser les tensions suscitées par ses Premiers ministres, comme à l’époque où Edward Heath et Margaret Thatcher s’obstinaient, l’un à vendre des armes, l’autre à ne pas imposer de sanctions à l’Afrique du Sud ségrégationniste, au risque de voir certains pays africains claquer la porte de l’organisation. ‘’Sans le leadership de la reine et son exemple, beaucoup d’entre nous seraient partis’’, confirme Kenneth Kaunda, le premier président de la Zambie indépendante, qui, avec Nelson Mandela, est le seul dirigeant au monde à l’appeler par son prénom.»(3)
«Cette femme, qui ne montrait jamais ses émotions en public et manifestait en toutes circonstances une prudence de Sioux, n’hésitait pas à jouer de sa féminité à des fins diplomatiques. En 1961, persuadée qu’il ne faut pas laisser le champ libre à l’Union soviétique en Afrique, elle passait outre l’avis de ses conseillers et se rendait au Ghana pour dissuader le président Kwame Nkrumah de s’allier avec Moscou et de sortir du Commonwealth. Elle le charmait en valsant avec lui lors d’un bal. On la verra se trémousser sur une piste de danse, de manière plus enthousiaste, en 1996, lors de la visite de Mandela au Royaume-Uni. ‘’Elle est devenue la psychothérapeute du Commonwealth’’, plaisantait le prince Philip.»(3)
«Fine mouche, la reine ? Yes, indeed !» «Lors de notre premier entretien hebdomadaire, elle m’a posé une question sur la balance des paiements. Incapable de lui répondre de manière précise, je me suis senti comme un écolier qui n’a pas appris sa leçon», raconta un jour Harold Wilson. «Dans une autre vie, elle aurait pu être une femme politique ou une diplomate de premier plan. Elle est devenue les deux», confirmait Bill Clinton. «Elle aurait été un exceptionnel entraîneur de yearling», renchérit un spécialiste du monde hippique. «On met longtemps à la connaître vraiment», résumait l’un de ses proches.(3)

Quel avenir pour le Commonwealth ?

Naturellement comme toute construction, elle est sujette à l’usure du temps. La reine fut par la force des choses amenée à déléguer sa mission à son fils, le prince Charles et son petit-fils William pour aller prêcher la bonne parole. «Symbole de l’avenir incertain du Commonwealth, le prince William et son épouse Kate ont récemment effectué une tournée dans les Caraïbes qui a été émaillée de plusieurs manifestations contre l’héritage colonial de l’Empire britannique. En Australie, de nombreuses voix s’élèvent pour sortir de la monarchie. Un ministre délégué pour la République figure dans l’équipe gouvernementale et a été chargé de préparer une éventuelle sortie de la monarchie. Le débat a également lieu dans plusieurs autres pays comme le Canada, la Nouvelle-Zélande ou en Jamaïque.»(4)
«Lors du dernier sommet de juin 2022, le prince Charles, qui représentait alors la reine, avait abordé la question : «Le Commonwealth compte en son sein des pays qui ont eu des liens constitutionnels avec ma famille, certains qui continuent d’en avoir et de plus en plus qui n’en ont pas. Je tiens à dire clairement, comme je l’ai déjà dit, que le régime constitutionnel de chaque membre, en tant que république ou monarchie, relève uniquement de la décision de chaque État membre», a-t-il poursuivi. «Si le Commonwealth a perdu une bonne partie de son rôle politique, il reste central dans les relations diplomatiques et économiques entre les États membres. Il conserve également une influence culturelle forte à travers le monde.»(4)
Comme toutes les anciennes puissances coloniales à l’instar de la France-Afrique, le but étant de remplacer à l’époque au début des années 60 les indépendances inévitables par un néo-colonialisme. On continue à exploiter la colonie par chefs d’État, gardes- chiourmes interposés. Si les méthodes de la France-Afrique sont violentes (coups d’État, meurtres, embargos…), le Commonwealth utilise les mêmes méthodes d’une façon plus civilisée, plus british, mais la finalité est la même. On le voit, le roi Charles III n’a pas la foi, il n’a pas le même rapport à la nécessité du Commonwealth. Dans ce siècle qui voit la fin définitive des empires et d’une certaine façon de gouverner le monde, selon la doxa occidentale, l’avenir du Royaume-Uni est incertain surtout après le Brexit, les velléités de l’Écosse de réclamer son indépendance et celle du dossier latent des deux Irlande, plaies mal encore cicatrisées. Wait and see !

Royaume-Uni – Algérie : une proximité dans l’épreuve

«La reine d’Angleterre s’est éteinte paisiblement au milieu des siens dans sa résidence d’été de Balmoral, en Écosse.»
Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a présenté sa profonde émotion quand il a appris la disparition de Sa Majesté la reine de la Grande-Bretagne et de l’Irlande du Nord, Elizabeth II : «En cette douloureuse circonstance, je vous présente ainsi qu’à la famille royale et au peuple britannique, au nom du peuple et du gouvernement algériens, mes sincères condoléances et vous assurons de nos profonds sentiments de compassion et de solidarité.»
Nous évoquons aujourd’hui ses contributions qui ont marqué l’histoire et ses initiatives pionnières en vue de garantir la paix, la stabilité, le progrès et la prospérité pour le peuple britannique, en s’adaptant avec sagesse et clairvoyance aux changements et mutations politiques, économiques et sociales survenus sur la scène internationale tout au long de ses 70 ans de règne. Fière des relations privilégiées qu’elle entretient avec le Royaume-Uni de Grande-Bretagne, l’Algérie «tient à souligner le rôle de la défunte dans la promotion des relations bilatérales en consécration des relations d’amitié liant nos deux peuples. Avec sa disparition, l’Algérie perd l’un de ses fidèles amis dans toutes les circonstances et étapes qu’elle a traversées». «Je vous réitère mes sincères condoléances et mes profonds sentiments de compassion, ainsi que le soutien du peuple algérien en cette pénible épreuve qui a endeuillé la famille royale et le peuple britannique ami.»
De plus, le président du Sénat a tenu à présenter à l’ambassadrice du Royaume-Uni les condoléances de l’Algérie et à signer le registre des condoléances.
«La reine Elizabeth II, écrit Khadidja H., entretenait un lien d’amitié avec l’Algérie, où elle avait effectué une visite officielle. Au cours de son long règne, la reine Elizabeth II jouissait en outre de l’affection et du respect d’un grand nombre de pays, dont le nôtre, grâce à son rôle dans la lutte pour la paix et la stabilité mondiale. Lors du tremblement de terre de Chlef (El Asnam) en octobre 1980, accompagnée de son mari, le prince Philip, elle s’était effectivement rendue en Algérie moins d’une quinzaine de jours après la catastrophe afin de présenter ses condoléances aux familles des victimes.»(5)
«Devant le président Chadli Bendjedid, elle avait alors manifesté sa profonde sympathie et solidarité à l’Algérie, soulignant un rapport d’ordre affectif qu’elle et le Royaume-Uni entretiennent avec le gouvernement algérien. Elizabeth II laissera en Algérie le souvenir d’une reine heureuse de découvrir «ce plus grand pays d’Afrique et son peuple». Un peuple qui lui avait réservé un accueil chaleureux à son arrivée. Lors de son passage en Algérie, la reine Elizabeth II avait également exprimé la satisfaction qu’elle éprouvait à visiter les lieux historiques, notamment les magnifiques ruines romaines de Tipaza.(5)

Coopération possible : les champs d’action

Lors de la COP 26, une coordination avec le ministère de la Transition énergétique avait eu lieu. Madame l’ambassadrice avait manifesté son intérêt à développer un programme de coopération dans le cadre du développement des énergies renouvelables. En tant que responsable, j’étais intervenu en amont de la préparation de la COP 26. Il y a donc matière à aller de l’avant aussi bien avec BP, leader mondial dans le pétrole, mais aussi les énergies renouvelables. Nous pouvons aussi sans état d’âme développer une relation mutuellement bénéfique, notamment dans le domaine de la science. L’idée est de développer un Plan Marshall de formation d’une centaine de chercheurs au sein des institutions prestigieuses comme l’Impérial College, Oxford, Cambridge… C’est comme cela que nous allons préparer dans les faits loin de la cacophonie, non dénuée d’arrière-pensées, l’avenir de la science du pays. Pour rappel, il a été demandé aux universités de faire soutenir les thèses en anglais.

Conclusion

Les hommages vantent sa ténacité, sa force tranquille, son humour. «(…) La reine d’Angleterre n’était ni une visionnaire ni une héroïne, mais forte de soixante-dix ans de règne, elle incarnait une figure de stabilité, un rocher dans la tempête», observe la presse belge. À une époque de grands bouleversements, sa mort signe la fin des certitudes. La mort d’Élizabeth II démontre une fois de plus que certaines choses peuvent être à la fois parfaitement prévisibles et totalement inattendues. On ne savait pas grand-chose de cette figure énigmatique, de ce qu’elle pensait. Et c’était précisément le but : incarner une figure à la fois familière et ‘’étrangement distante’’. La seule certitude, qui a inspiré au journal De Morgen son titre de une, c’était ‘’son sens du devoir, jusqu’au bout’’.»(6)
«Elle n’était pas une héroïne, ni une visionnaire ou une figure de leader au sens moderne du terme. Simplement, elle était là. Pendant soixante-dix ans.» «En cette époque d’incertitudes, cette époque traversée par un sentiment trouble de déclin, elle était un repère, une certitude.» Pour Le Soir aussi, c’est «comme si l’un des derniers paravents du monde d’avant» avait cessé d’interposer son impassibilité et sa collection de chapeaux entre le chaos et les peuples. Élizabeth II meurt à un moment possible de bascule brutale, elle qui fut l’un des témoins et des symboles de la plus importante période de paix et de prospérité en Occident.(6)
Elizabeth II clôture la fin du XXe siècle. Des craquements se font entendre annonçant la fin de l’occidentalo-centrisme. Sans être une féministe, Elizabeth II sert la cause de la dignité de la femme. Elle est à sa façon une battante qui a déconstruit par sa résilience bien des stéréotypes. Elle a rendu assurément un service important à la condition humaine au féminin. Pour le reste, elle aimait son pays à en mourir.
C. E. C. 

1.https://www.geo.fr/geopolitique/ces-records-detenus-par-la-reine-elizabeth-ii-210111 08/09/2022
2.Romain Chanson https:// www. jeuneafrique.com/1375630/politique/elizabeth-ii-et-nelson-mandela-une-si-longue-amitie/? 9 septembre 2022
3.Joséphine Dedet https ://www. jeuneafrique. com/141103/politique/royaume-uni-lisabeth-deces/ 9 septembre 2022
4.https://www.ouest-france.fr/europe/royaume-uni/mort-d-elizabeth-ii-cinq-questions-sur-le-commonwealth-dont-charles-iii-devient-aussi-le-chef-f9a46350-301b-11ed-9e46-e8e99a9e99a0
5.Khadidja H. https://www.dzairdaily.com/royaume-uni-comment-etait-relation-reine-elizabeth-ii-algerie/ 9 septembre 2022
6. https:// www.courrierinternational.com/article/vu-de-belgique-avec-elisabeth-ii-le-dernier-paravent-du-monde-d-avant-est-tombe

Par le professeur émérite
Chems Eddine Chitour
École polytechnique, Alger

Publié avec l’aimable autorisation de l’auteur
Source : Le Soir d’Algérie

https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/…