Par Karine Bechet-Golovko

Même si les élections présidentielles françaises ne présentent, en tant que tel, aucun intérêt politique, les résultats étant connus d’avance et aucun enjeu politique réel n’en découlant, il est intéressant de voir l’évolution de ce qui est censé être une opposition, et encore plus une opposition se présentant ou étant présentée comme radicale, sur le sujet de la campagne : le conflit en Ukraine. L’intérêt de ce sujet est d’illustrer la capacité, ou non, des candidats à défendre une vision française de la géopolitique. Eric Zemmour, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont tous pris leurs distances de la Russie et surtout de Poutine. Aucune alternative idéologique n’était donc réellement existante, l’alignement atlantiste dans les faits, au-delà des diatribes d’hier, est là. L’intérêt de la France attendra encore …

La France était censée avoir une opposition politique, une véritable opposition, digne d’un pays démocratique, une opposition qui fait trembler de peur le pouvoir, une opposition qui a des convictions et une vision géopolitique. Bref, la France n’avait pas des opposants-figurants, comme dans les pays qu’elle étiquette de « fausse démocratie ». C’est la France, quand même, c’est évident.

Rappelons que les sanctions anti-russes sont adoptées, notamment par la France, contre son intérêt national, pour défendre les intérêts de la globalisation atlantiste, qui se voit, elle, menacée par la Russie.

Rappelons que cela fait 8 ans, que les pays de l’OTAN, dont la France, soutiennent un régime extrémiste, corrompu et liberticide en Ukraine, servant ainsi les intérêts atlantistes contre la Russie.

Rappelons que « Boutcha » ressort de la même technologie politico-médiatique que ce qui s’est passé en Yougoslavie, en Irak ou encore en Syrie, qu’il y a des accusations politiques sans enquêtes, que des faux cadavres réapparaissent sur les réseaux sociaux, que beaucoup de véritables cadavres ont des bandeaux blancs au bras et des paquets de nourriture de l’armée russe (ils étaient donc avec les Russes) et que l’Ukraine avait promis de régler son compte aux « traîtres ». Alors que la Russie demandait une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU sur cette question, la Grande-Bretagne s’y est opposée. Pourquoi ? …

Rappelons que des vidéos, plus violentes les unes que les autres, sont diffusées par les Ukrainiens sur les tortures qu’ils font subir aux soldats russes prisonniers (décapitation, exécutions sommaires avec mains liées dans le dos – voir la vidéo ici – certains correspondants de guerre parlent de soldats revenant mutilés, émasculés – voir ici).

Pour autant, lors de cette guerre en Ukraine, qui dure quand même depuis 8 ans sans que cela ne dérange personne, nos « opposants » avaient de temps en temps soutenus la Russie. Tant que cela ne les engageait pas politiquement, tant que justement cela permettait de faire mine d’opposition et de récupérer quelques voix.

Mais les temps changent. La France est par sa soumission atlantiste en guerre contre la Russie, non pas pour l’Ukraine, mais pour le monde global, qui est en jeu aujourd’hui. Elle fait partie de cette coalition globaliste contre le reste du monde, car la question de l’isolement réel de la Russie se pose, si l’on en croit The Economist :

Si 131 pays ont adopté des sanctions contre la Russie, dont l’efficacité est à ce jour relative et les effets boumerang déjà évidents pour ceux qui les ont adoptées, environ 70% de la population mondiale vit dans des pays amis ou neutres face à la Russie. Il est vrai que les pays alignés ont un poids politique plus important, même si ce n’est pas le leur propre mais celui des Etats-Unis, il ne faut pas non plus sous-estimer tous les autres pays et leur population, qui ne sont pas forcément satisfaits de la Grand-messe globaliste.
Nous aurions donc pu espérer, dans ce contexte, voir notre opposition nationale se lever comme un seul homme, restaurer ses lettres de noblesse à la France, ne pas suivre aveuglément les diktats atlantistes et mettre en avant le bon sens et l’intérêt national. Au-lieu de cela, nous avons eu de la part des trois espoirs de la présidentielle, le même mouvement d’une courageuse fuite en rase campagne politique. 
Marine Le Pen, l’éternelle seconde permettant à l’autre (quel qu’il soit) d’être premier, de faire amende honorable sur son partenariat avec la Russie : »Dans mon esprit, c’est la Russie dont je parlais » et non du président russe, a précisé mardi sur France Inter Marine Le Pen, qui avait été reçue en 2017 par Vladimir Poutine et dont le parti continue de rembourser un prêt d’environ neuf millions d’euros à un créancier russe.

La Russie éternelle, contre le vilain Poutine. Zemmour, l’autre espoir de l’avenir français, surfe sur la même vague. Alors que le 28 février il affirmait que ce n’était pas la Russie mais l’islamisation du pays qui menace la France, quelque jour plus tard les médias français lancent l’information selon laquelle Zemmour aurait été repéré par la Russie en 2015 comme un relai d’influence (les Youngs leaders posent moins de problème éthiques), du coup nous avons eu droit à une belle déclaration grâce à la mise en scène de Boutcha :

Régulièrement critiqué pour ses positions jugées prorusses, le candidat d’extrême droite Eric Zemmour a dénoncé lundi 4 avril un «crime affreux» et «infâme» après le massacre de civils à Boutcha, près de Kiev en Ukraine, estimant que Vladimir Poutine «salit l’image» de la Russie.

La Russie éternelle est sauve, ce n’est pas elle qui a fait le massacre de Boutcha, c’est juste Poutine. Il faut faire attention aux images dit-il, mais pas le courage de se rappeler les mécanismes de mise en scène parfaitement développés ici. 

Reste notre dernier espoir, Mélenchon, l’enfant terrible de la politique française, cet insoumis … tellement disciplinés. Son porte-parole, au micro de RTL a réussi l’épreuve de rattrapage sans faute : on déteste Poutine et Mélenchon n’a jamais aussi proche de la Russie que les journalistes le disent :

« Il n’y a aucune fascination » de Jean-Luc Mélenchon pour Vladimir Poutine, a martelé Adrien Quatennens au micro de RTL ce 5 avril. (…)  « Une bonne fois pour toutes. Qu’il y est une classe politique en France proche de Vladimir Poutine sur le fond, c’est évident, l’extrême droite française, Madame Le Pen par exemple qui a imprimé un tract où on la voit en photo avec Vladimir Poutine, chose qui visiblement ne lui ait pas trop reproché ». (…) Je vais vous dire, nous, monsieur Lenglet, on a une particularité. Nous sommes des écologistes, des anticapitalistes. Pro-Poutine n’est donc pas dans nos moyens. François Lenglet, supportez qu’en Russie, nous ne voterions pas pour Vladimir Poutine, que les amis de Jean-Luc Mélenchon en Russie, ceux que nous intervenir dans nos meetings aujourd’hui sont dans le front anti-guerre et pour ce seul fait, risquent 15 années de prison »

Donc, tout va bien, Mélenchon est toujours aussi soumis, il ne connaît que de « bons russes », ceux qui ne soutiennent pas leur pays.

La marque d’une opposition politique est sa capacité à générer une vision propre pour le pays, or tout pays s’incère dans un ensemble géopolitique. Manifestement, notre opposition de première ligne est à la mesure de notre élite dirigeante, elle peut se déchirer sur certains aspects et assurer ainsi le spectacle, mais sans remettre en cause la ligne idéologique – la France reste une colonie atlantiste.

Source : Russie politics
http://russiepolitics.blogspot.com/…

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