Des soldats israéliens se tiennent entre des Palestiniens et des colons juifs suite
à une attaque de colons contre le village de Burqah en Cisjordanie, vendredi.

Par Gideon Levy

Gideon Levy, Haaretz, 18/12/2021
Photos de Majdi Mohammed/AP Photo
Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala

Homesh est le crime, le meurtre de Yehuda Dimentman est le châtiment. La plupart des Israéliens voient cela différemment, parce que c’est ce qu’on leur dit : un beau jour, un étudiant de yeshiva est assassiné sans qu’il y ait faute de sa part, uniquement parce qu’il était juif et que ses tueurs assoiffés de sang étaient nés pour tuer. Les Palestiniens sont toujours dans le rôle des méchants,  les Juifs sont toujours les victimes.

C’est une version réconfortante, mais elle n’a aucun lien avec la réalité. S’il existe un endroit en Cisjordanie où une attaque ne sort pas de nulle part, sans raison ni contexte, c’est bien Homesh. S’il existe un endroit où les Palestiniens n’ont aucun moyen de récupérer leurs terres, sauf par la violence, c’est bien Homesh. Et s’il existe un endroit où les colons, la droite, le gouvernement et l’armée font tout ce qu’ils peuvent pour provoquer ce bain de sang, c’est bien Homesh. Le sang de Dimentman est aussi sur leurs mains.

« Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? », s’est lamenté le colon Ariel Danino de Kumi Uri sur Twitter. Kumi Uri est un avant-poste dont les habitants attaquent aussi les soldats et les policiers. Et voilà pourquoi : le gouvernement israélien a décidé d’évacuer Homesh lors du désengagement de Gaza en 2005. Huit ans plus tard, la Haute Cour de justice a ordonné à l’État d’annuler les ordres d’appropriation et de fermeture de la zone émis à l’encontre des Palestiniens. Les colons, soutenus par l’armée, le gouvernement et la droite, y ont établi une yeshiva.

Pendant des années, nous avons essayé d’approcher Homesh à plusieurs reprises. Des colons armés et masqués sortaient toujours de cette pure maison de la Torah et nous chassaient en nous menaçant. Leur rabbin regardait de loin et n’intervenait pas. Lorsque nous y sommes venus après l’arrêt de la Haute Cour avec quelques propriétaires terriens de Burqah, ils n’ont pas osé sortir de leur voiture. Je n’ai jamais vu de Palestiniens aussi effrayés que ce groupe d’agriculteurs, qui depuis 35 ans n’ont pas été autorisés à aller sur leurs terres. Pendant un moment, il y a eu l’espoir qu’une justice tardive serait rendue, puis lorsqu’ils ont été soi-disant autorisés à revenir, ils n’ont pas osé quitter leur voiture par peur des colons.

Depuis mars 2020, B’Tselem a documenté sept agressions commises par ces fils de la Torah de Homesh. Ils ont attaqué des femmes et un bébé, blessé des bergers âgés et jeunes et vandalisé des voitures et des maisons dans le village palestinien voisin de Silat Al Dhahr.

Il y a environ quatre mois, ils ont attrapé un Palestinien de 15 ans,Tareq Zubeidi, qui avait osé aller pique-niquer avec ses amis près de cette école de violence débridée, et ils l’ont torturé. Il a dit qu’ils l’ont battu, ligoté et frappé à coups de pied alors qu’il était ligoté, qu’ils l’ont attaché au capot de leur voiture et l’en ont jeté, et qu’après cela ils l’ont attaché par les bras à un arbre et ont brûlé la plante de ses pieds avec un briquet. Ils étaient sortis de la yeshiva, ils étaient apparemment des amis de Dimentman.

Toutes ces années, la droite a organisé des manifestations de prestige à Homesh, avec la participation de ministres du gouvernement et de députés. Les FDI n’ont pas levé le petit doigt, comme d’habitude. Depuis 2013, le porte-parole de Tsahal a promis à Haaretz, du bout des lèvres, comme d’habitude : « L’entrée des Palestiniens sur les terres sera décidée en fonction de leur lien avec la propriété ». Bien sûr, Tsahal n’a jamais vérifié le « lien avec la propriété » par les voyous colons. Il n’y a donc plus personne pour appliquer les décisions du gouvernement et faire respecter les arrêts de la Haute Cour, ni pour rendre les terres aux infortunés agriculteurs de Burqah. Il y a de quoi devenir fou.

Les Palestiniens n’ont plus que deux options : abandonner, comme le faisaient les fermiers de Burqah, ou tenter de récupérer leurs terres et les restes de leur dignité par la force. C’est ce que les tueurs de Dimentman ont apparemment tenté de faire,

Des colons juifs lancent des pierres vers des maisons palestiniennes à Burqah, en Cisjordanie occupée, juste après les funérailles de Yehuda Dimentman.

Que conseilleriez-vous aux Palestiniens ? Que feriez-vous à leur place ? À notre grande horreur, cela ne les aidera pas non plus. À venir : le retour à Homesh. Spoiler : au sud de Homesh se trouve l’avant-poste d’Evyatar. Neuf Palestiniens ont déjà payé de leur vie les protestations contre le vol de leurs terres. Là aussi, Israël déjoue le système en créant une « yeshiva ». Bientôt, un terroriste assoiffé de sang tentera de frapper les colons là-bas aussi ; alors Israël se lamentera, jouera la victime et pleurera sur son sort amer face à cette cruelle terreur palestinienne.

Face à face à Burqah après l’attaque des colons vendredi. Photo Jaafar Ashtiyeh/AFP

Source : TLAXCALA
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