Une voiture vandalisée par des colons dans les collines du sud d’Hébron, en septembre.
Photo : Tomer Appelbaum

Par Gideon Levy

Gideon Levy, Haaretz, 16/12/2021
Traduit par
Fausto Giudice, Tlaxcala 

Laissez les colons « violents » tranquilles. Tout comme vous ne pouvez pas faire la différence entre les colonies légales et illégales parce qu’elles sont toutes illégales, vous ne pouvez pas faire la différence entre les colons violents et non violents. Ils sont tous violents, ce sont seulement leurs méthodes qui sont différentes.

Le chroniqueur Rogel Alpher avait raison lorsqu’il a écrit cela, contrairement au rédacteur en chef de The Marker, Sami Peretz, qui a dépassé les bornes en défendant les colons et en brouillant la réalité en déterminant qu’il fallait faire la distinction entre la majorité non violente des colons et la minorité, qui fait ce qu’elle veut dans les collines de Samarie (Haaretz, 15 décembre).

Ils font tous ce qu’ils veulent dans les collines de Samarie, certains avec des gourdins et des haches, d’autres avec des villas sur des terres volées. La plupart des résidents d’Ofra, une colonie censée être « modérée » et bien établie, ont volé des terres privées et se sont installés dessus. Les autres se sont installés sur des terres qui n’étaient pas privées, mais pas moins volées. Ne sont-ils pas violents ? Que dire des fondateurs d’Evyatar, qui n’ont peut-être jamais tué une mouche ? À cause d’eux, neuf manifestants palestiniens ont été tués parce qu’ils n’ont pas accepté de garder le silence sur le vol de leurs biens restants. Ne sont-ils pas violents ?

Tous les colons sont violents dans l’acte même de pillage qu’ils commettent, et toute colonie est un acte de pillage méprisable, laid et illégal. Non seulement il est permis de généraliser, mais c’est un devoir de le faire. Quelle est la différence entre la voyoucratie individuelle et la voyoucratie institutionnelle ? Qu’est-ce qui blesse le plus la victime, les oliviers déracinés par un voyou colon ou sa terre volée par l’État ? Les coups infligés par les adolescents des avant-postes ou ceux infligés par les soldats ?
Mais surtout, il faut laisser les colons tranquilles car ils ne recourent à la violence que parce qu’ils le peuvent. Rien ne se met en travers de leur chemin. C’est même payant. Une grande partie de leurs biens immobiliers a été obtenue par la violence physique, et ils en sont même récompensés. Ils sont les pionniers idéalistes qui guident le reste de la nation. D’autres portions de terres ont été obtenues par la tromperie, l’escroquerie, la fraude et les mensonges que nous nous sommes racontés, par des inventions telles que les « terres d’État » dans des domaines où l’État n’est pas souverain, ou par des décisions ministérielles d’exproprier des terres pour divers besoins étranges tels que l’archéologie, les réserves naturelles et les zones d’incendie, la plupart de ces raisons étant fallacieuses.

L’élément commun à toutes ces méthodes violentes est que l’État leur a apporté son soutien, sa protection et ses ressources. Parfois, il a été l’initiateur, dans d’autres cas, il a détourné le regard. Alors pourquoi se plaindre des colons ? Ils se sont emparés de ce qu’ils pouvaient, et leur rayon d’action est resté presque illimité, y compris la possibilité d’émettre de faux cris de détresse.

Lorsque le ministre de la Sécurité publique, Omer Bar-Lev, s’est plaint de la violence des colons auprès du secrétaire d’État adjoint usaméricain, il a établi un nouveau record d’hypocrisie et de fausse moralité. Lorsqu’il est ensuite devenu la cible d’attaques de la droite, toute l’affaire est devenue une véritable farce, y compris sa prétendue réprimande des colons (« buvez de l’eau ») comme s’il leur tenait tête. S’il ne voulait pas de la violence des colons, il n’y en aurait pas, à part une poignée d’incidents marginaux. Lorsque Bar-Lev a regardé Hébron devant les caméras, aucun des policiers qui l’entouraient ne lui a dit toute la vérité sur ce qu’il voyait.

Ils ne lui ont pas dit ce qu’est le district de police de Samarie et de Judée et ce qui arrive à un Palestinien qui ose se plaindre de la violence des colons. Ils ne lui ont pas dit que la plupart des Palestiniens ne songeraient pas à porter plainte par peur, parce qu’ils ne veulent pas être humiliés en attendant d’être admis au poste de police pour que leur plainte soit enterrée dans un tiroir. Ils ne lui ont pas dit comment la police de la route de l’apartheid opère avec les automobilistes palestiniens et juifs en Cisjordanie. Essayez d’être un Palestinien conduisant sans un triangle de signalisation dans votre coffre.

Peut-être que Bar-Lev sait tout ça. S’il le voulait, si la police l’écoutait, la violence des colons diminuerait. C’est un groupe de personnes violentes, mais lâches. Ce ne sont pas les gangs criminels qui opèrent dans les communautés arabes. Le jour où les colons comprendront qu’il n’est pas payant de recourir à la violence, il n’y en aura plus. Aujourd’hui, c’est une vision lointaine, avec ou sans Bar-Lev.

Source : TLAXCALA
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