Le Capitole à Washington, le 11 novembre 2022 [AP Photo/J. Scott Applewhite, archives]

Par Patrick Martin

De nombreuses questions restent sans réponse après l’annonce de la découverte de documents classifiés dans des endroits non sécurisés à Washington DC et à Wilmington, dans le Delaware, emportés là par des assistants de Biden à la fin de ses huit années de vice-présidence.

Mais ce ne sont pas les questions qui font hurler les adversaires républicains de Biden et qui obsèdent les médias.

Les questions importantes, que les médias évitent de soulever, sont les suivantes: pourquoi y a-t-il tant de secrets? Que contiennent ces documents? Et à qui le gouvernement américain cache-t-il ces secrets?

Un grand nombre des documents qui bénéficient de la plus haute classification – top secret ou bien Sensitive Compartmented Information – ont trait à la politique étrangère des États-Unis. En d’autres termes, ils concernent les crimes abominables perpétrés par l’impérialisme américain dans le monde entier.

Voici quelques sujets que ces documents pourraient couvrir:

  • Quel était le rôle du gouvernement saoudien allié des États-Unis dans les attaques terroristes du 11 septembre 2001, menées par l’organisation Al-Qaïda fondée par le millionnaire saoudien Oussama ben Laden? La plupart des 19 pirates de l’air étaient des ressortissants saoudiens, et plusieurs d’entre eux recevaient un soutien financier du régime saoudien au moment du 11 septembre.
  • Quel était le rôle des États-Unis dans l’opération de changement de régime de 2014 en Ukraine qui a renversé un gouvernement élu et installé un régime d’extrême droite anti-russe, rempli de néonazis, qui a préparé le terrain pour le déclenchement de la guerre avec la Russie en Ukraine huit ans plus tard.
  • Ce que les États-Unis font par rapport à Taïwan, dans le but de provoquer une invasion chinoise, basée sur l’exemple de la Russie et de l’Ukraine, qui deviendrait le prétexte d’une guerre totale menée par les États-Unis contre le régime de Pékin.
  • Les plans américains de changement de régime par la strangulation économique, la subversion interne et la guerre pure et simple en Iran, au Venezuela, à Cuba, au Nicaragua, en Corée du Nord et dans d’autres pays ciblés par l’impérialisme américain.
  • Inversement, comment les États-Unis prévoient-ils d’intervenir pour soutenir des gouvernements autoritaires réactionnaires comme la monarchie saoudienne et d’autres autocraties du golfe Persique, la dictature militaire égyptienne meurtrière, le gouvernement chauvin hindou de Narendra Modi en Inde et des gouvernements similaires en Amérique latine et en Afrique?
  • Pour atteindre l’un ou l’autre de ces objectifs, quels sont les plans de la CIA en termes d’assassinats et d’autres opérations secrètes dans pratiquement tous les pays du monde?

Le président Joe Biden incarne la fusion de l’État et de l’individu, au point qu’il ne sait guère où l’un finit et l’autre commence. Il a été sénateur pendant 36 ans, élu pour son premier mandat à l’âge de 29 ans seulement. Il a passé une grande partie de cette période au sein de la commission des relations étrangères, soit en tant que président, soit en tant que membre de la minorité. Cela lui a donné accès à de nombreux plans secrets. Il a ensuite été vice-président pendant huit ans, avec un portefeuille qui comprenait l’Amérique latine et l’Ukraine.

Ilest probable qu’à la fin de ses huit années au sein de l’administration Obama, il avait en sa possession tant de milliers de pages de documents classifiés qu’il a été facile pour ses collaborateurs d’en oublier quelques-uns. Une poignée de reportages suggèrent que certains d’entre eux concernent l’Ukraine et l’Iran, deux des domaines les plus sensibles de la subversion américaine.

Les documents «top secret» ne se limitent pas non plus à la politique étrangère. Il convient de noter que le mois dernier, les Archives nationales ont publié une tranche de documents relatifs à l’assassinat du président John F. Kennedy en 1963, avec d’importants caviardages et de nombreux documents non divulgués à la demande des agences de renseignement.

En d’autres termes, 60 ans après l’assassinat de Kennedy, la CIA refuse toujours de faire toute la lumière sur ses liens avec l’assassin présumé, Lee Harvey Oswald, un ancien marine qui s’est installé en URSS au plus fort de la guerre froide, a épousé une Russe et est ensuite rentré aux États-Unis et a rejoint le Fair Play for Cuba Committee, un groupe prétendument opposé au blocus américain et manipulé par les agences de renseignement américaines.

En ce qui concerne l’impact politique de ces révélations, le Parti démocrate se fait avoir à son propre jeu. Lorsque Trump était en fonction, les démocrates ont concentré leurs attaques contre lui sur la politique étrangère, suggérant qu’il était un agent ou un larbin du régime de Poutine en Russie. Après que Trump a quitté ses fonctions, ils ont concentré leur opposition à Trump sur sa possession de documents top secret à Mar-a-Lago, et Biden lui-même a insisté sur les «dommages à la sécurité nationale» dans une interview lors de l’émission «60 Minutes».

Les détracteurs républicains du président ont utilisé ces révélations non seulement pour miner politiquement Biden, mais aussi pour fomenter un sentiment anti-chinois. Ils laissent entendre que des espions chinois auraient pu avoir accès à des documents non sécurisés et exiger des listes détaillées de visiteurs pour le Penn Biden Center à Washington, la maison de Biden à Wilmington et même son garage.

L’hypocrisie ici est évidente, puisque ces mêmes guerriers de la transparence se sont opposés à la publication des registres des visiteurs de la Maison-Blanche de Trump après que ce dernier ait rompu avec la pratique de longue date de la divulgation publique.

Il y a beaucoup de cynisme, d’hypocrisie et de réaction des deux côtés, comme c’est habituellement le cas pour les conflits au sein de l’élite dirigeante américaine.

Mais s’il y a un crime dans ces histoires, ce n’est pas le danger de la divulgation de ces secrets, mais leur existence même. La véritable victime du crime est la population américaine – et les populations du monde entier visées par l’impérialisme américain – et non Biden, Trump ou l’appareil massif de l’armée et du renseignement.

Biden est le chef d’un gouvernement prétendument démocratique qui nage dans les secrets, dont la plupart sont connus des autres gouvernements du monde, mais ne sont pas portés à la connaissance de la population américaine. Pour la classe dirigeante américaine, la population américaine doit rester ignorante de la façon dont les guerres américaines sont préparées et de ce à quoi servent réellement les mille milliards de dollars dépensés par l’armée américaine et le renseignement. Ils craignent que si la population américaine savait quels crimes sont perpétrés, elle se soulèverait dans la colère et l’indignation.

C’est la raison pour laquelle un courageux dénonciateur de secrets comme le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, est détenu dans un donjon britannique sur la base d’un mandat d’extradition américain. Son «crime» a été de rendre publiques les preuves des crimes de guerre commis par les États-Unis en Irak et en Afghanistan, les enregistrements des tortures pratiquées à Guantanamo Bay, les câbles diplomatiques documentant les conspirations visant à subvertir et à intimider les gouvernements du monde entier, et les techniques de piratage et de surveillance de la CIA.

Les médias bourgeois américains ont fait de l’affaire des documents Biden une justification supplémentaire de la censure des secrets et du maintien de la population américaine dans l’ignorance de ce qui est fait en son nom.

Le World Socialist Web Site ne se joindra pas à cette campagne. Nous nous basons sur la tradition du parti bolchevique. Lorsque la classe ouvrière a pris le pouvoir lors de la révolution d’Octobre 1917, l’une des premières actions du nouveau gouvernement a été de publier les accords diplomatiques secrets du régime tsariste dans lesquels le monde devait être divisé entre les puissances impérialistes. C’est ainsi que la classe ouvrière internationale doit être défendue contre les provocations de l’impérialisme mondial.

(Article paru en anglais le 16 janvier 2023)

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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