Par Christelle Néant

Six mois après la déclaration de l’ancien président ukrainien Petro Porochenko, qui a dit lors d’une interview qu’il n’avait jamais été question d’appliquer les accords de Minsk, et qu’ils n’étaient qu’un moyen pour l’Ukraine de gagner du temps, l’ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, vient de dire la même chose dans une interview au Zeit, finissant ainsi de jeter le peu de crédibilité des pays occidentaux à la poubelle.

En juin 2022, lors d’une interview accordée à plusieurs médias occidentaux, dont le Deutsche Welle, l’ancien président ukrainien Petro Porochenko, a admis publiquement qu’il n’avait jamais été question d’appliquer les accords de Minsk, et que ces derniers avaient juste eu pour but de donner du temps à l’Ukraine.

« Nous avons obtenu ce que nous voulions. Nous ne croyions pas Poutine, tout comme nous ne le croyons pas maintenant. Notre tâche était, tout d’abord, d’écarter la menace, ou au moins de retarder la guerre. Nous nous sommes donnés huit ans pour rétablir la croissance économique et renforcer la puissance des forces armées. C’était la première tâche – et elle a été accomplie […]. Malgré le fait que la guerre ait duré huit ans – en ce qui concerne une opération militaire de grande envergure, je pense que les accords de Minsk ont rempli leur rôle », a déclaré Petro Porochenko.

Cette déclaration n’est pas la première de Petro Porochenko concernant le fait que les accords de Minsk n’étaient qu’un moyen pour l’Ukraine de gagner du temps, et elle n’a donc pas particulièrement attiré l’attention de ceux qui savent depuis longtemps que Kiev n’avait aucunement l’intention d’appliquer ces accords.

Mais là où cela devient choquant, c’est lorsque l’ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, dit exactement la même chose, le 7 décembre 2022, dans une interview accordée au Zeit (accessible en totalité ici).

Traduction :

« J’ai considéré que la discussion de 2008 sur l’adhésion de l’Ukraine et de la Géorgie à l’OTAN était une erreur. Ces pays n’avaient pas les conditions nécessaires pour cela, et les conséquences d’une telle décision n’avaient pas été envisagées jusqu’au bout, tant en ce qui concerne les actions de la Russie contre la Géorgie et l’Ukraine que pour l’OTAN et ses règles d’assistance. Et les accords de Minsk de 2014 étaient une tentative de donner du temps à l’Ukraine»

Traduction :

« Nous savions tous qu’il s’agissait d’un conflit gelé, que le problème n’était pas résolu, mais c’est précisément ce qui a donné à l’Ukraine un temps précieux»

Je rappelle quand même que l’Allemagne était garante des accords de Minsk, et surtout de leur mise en œuvre par l’Ukraine ! En clair dès le départ Angela Merkel, et donc aussi François Hollande et Emmanuel Macron, savaient pertinemment que non seulement l’Ukraine n’appliquerait pas les accords de Minsk, mais qu’en prime, cela laisserait juste le temps à Kiev de se préparer pour une résolution du conflit par la force ! D’ailleurs la conversation téléphonique entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron qui a eu lieu quatre jours avant le lancement de l’opération militaire spéciale russe, et qui a été divulguée par le président français, montrait clairement que ce dernier savait que l’Ukraine allait attaquer, puisqu’il demandait au Président russe de ne pas réagir aux provocations ukrainiennes (en clair de ne pas intervenir pour défendre le Donbass).

Quand on a cette information en mains, et qu’on se remémore les litanies sans fin de la France et de l’Allemagne se plaignant que la Russie (garante comme elles et non partie au conflit) n’appliquait pas les accords de Minsk, on se dit que le niveau d’hypocrisie des autorités allemandes et françaises est littéralement cosmique !

Les autorités russes ont bien sûr vivement réagi à la déclaration d’Angela Merkel, à commencer par Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, qui a déclaré que cette interview donnait la preuve à la Russie de ce qu’elle disait depuis des années sur le manque de volonté des Occidentaux de pousser l’Ukraine à appliquer les accords de Minsk. Et surtout le but de ces accords était de servir de diversion pendant que les pays de l’OTAN gavaient l’Ukraine d’armes pour relancer ensuite le conflit.

« Dans cette révélation, l’essentiel était que, du point de vue de l’Occident, tout cela n’était qu’affabulations, flirtant avec l’utilisation du droit international dans le seul but de gaver le régime de Kiev d’armes. Il s’agissait de « détourner » les yeux de la communauté internationale des événements réels sur le territoire de l’Ukraine, cette catastrophe humanitaire, ces tueries sans fin, qui ont fait plus de 13 000 victimes de tous côtés avant 2022. Cela n’avait qu’un seul but : gaver le régime de Kiev d’armes et le préparer politiquement à lancer les hostilités que nous avons vues au début de 2022, lorsque le régime de Kiev a commencé à lancer des frappes meurtrières contre le Donbass. Cela ne laissait aucune place à une autre action que celle entreprise par la fédération de Russie : reconnaître d’abord ces territoires comme souverains, puis les accepter comme faisant partie de la Fédération de Russie pour pouvoir les défendre réellement, pour sauver leurs vies », a déclaré Maria Zakharova.

Mais surtout pour la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, la déclaration d’Angela Merkel prouve que l’Occident ne recule devant aucun mensonge, et s’assoit sur le droit international quand ça l’arrange, peu importe les conséquences pour les civils innocents.

« Cette confession de l’ancienne chancelière allemande A. Merkel semble terrible : faux (comme méthode d’action de l’Occident), machinations, manipulations, toutes sortes de distorsions de la vérité du droit et de la loi que l’on ne peut qu’imaginer. Ils savaient déjà à l’époque, en 2015, alors qu’ils menaient des pourparlers de plusieurs heures, qu’ils ne le mettraient jamais en œuvre et qu’ils fourniraient des armes au régime de Kiev. Ils n’avaient aucune pitié pour qui que ce soit : les femmes, les enfants, les civils du Donbass, et même l’Ukraine dans son ensemble. Ils avaient besoin d’un conflit. Ils étaient prêts à le faire dès 2015 », a-t-elle ajouté.

Puis, c’est le Président de la fédération de Russie, Vladimir Poutine, qui a commenté la déclaration de l’ancienne chancelière allemande, en déclarant que les propos d’Angela Merkel l’ont non seulement surpris, mais déçu.

« Pour être honnête, cela a été une surprise totale pour moi. C’est décevant. Franchement, je ne m’attendais pas à entendre cela de la part de l’ancienne chancelière fédérale, car j’ai toujours supposé que les dirigeants de la République fédérale [d’Allemagne] se comportaient sincèrement avec nous. Oui, ils étaient bien sûr du côté de l’Ukraine, ils soutenaient l’Ukraine, mais je pensais toujours que les dirigeants de la République fédérale avaient toujours sincèrement cherché un règlement sur les principes dont nous avions convenu et auxquels nous étions parvenus, y compris dans le cadre du processus de Minsk », a-t-il déclaré en guise d’introduction.

Il a ensuite souligné que les propos d’Angela Merkel ne font que prouver que Moscou avait pris la bonne décision en lançant l’opération spéciale, puisque l’ancienne chancelière allemande dit clairement que le but de l’Ukraine était bien de reprendre les hostilités et de régler le conflit du Donbass par les armes, et donc, dans le sang.

« Ce qui a été dit maintenant prouve seulement que nous avons fait le bon choix en lançant l’opération militaire spéciale. Pourquoi ? Parce qu’il s’avère que personne n’allait mettre en œuvre les accords de Minsk. Les dirigeants ukrainiens, selon les mots de l’ancien président Porochenko, qui l’a également dit : il les a signés, mais il n’allait pas les mettre en œuvre. Mais j’espérais encore que les autres participants à ce processus étaient sincères avec nous. Il s’avère qu’ils nous trompaient aussi. Il s’agissait uniquement d’arroser l’Ukraine d’armes et de la préparer à une action militaire », a ajouté le Président russe.

Vladimir Poutine a ensuite déclaré qu’au vu de la déclaration d’Angela Merkel, la Russie aurait peut-être dû intervenir plus tôt. Mais ce que n’a pas compris Angela Merkel en faisant cette déclaration tonitruante, c’est qu’elle vient définitivement de saper toute confiance que la Russie aurait pu placer dans les gouvernements des pays occidentaux, ce qui veut dire des problèmes à venir en matière de diplomatie.

Il semble qu’Angela Merkel n’a pas tiré les leçons du désastre diplomatique qu’a été la divulgation de la conversation téléphonique entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron par ce dernier. Je rappelle que depuis, le Président russe ne s’est plus entretenu avec son homologue français.

La déclaration d’Angela Merkel concernant les accords de Minsk a non seulement privé Kiev d’une porte de sortie diplomatique concernant le conflit en cours (puisque pour reprendre les termes de Vladimir Poutine la question se pose de savoir « s’il y a quelqu’un avec qui négocier »), offert une preuve de la légitimité de l’intervention russe dans le Donbass (en jetant à la poubelle le narratif occidental de la pauvre Ukraine qui voulait la paix), mais en prime, elle vient de torpiller pour de bon les relations entre la Russie et l’Allemagne.

À ce stade, quand je vois les conséquences désastreuses de la déclaration de l’ancienne chancelière allemande, j’hésite entre une démence précoce ou un goût prononcé pour le masochisme. Quelle que soit l’option, ce sont les populations d’Ukraine, de Russie (surtout du Donbass) et de l’Union Européenne qui payent et vont payer les conséquences de la décision de la France et de l’Allemagne d’opter pour des accords de Minsk bidons, l’hypocrisie totale, et le chemin de la guerre, plutôt que celui de la paix.

Christelle Néant

Source : Donbass Insider
https://www.donbass-insider.com/fr/…

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