Par Karine Bechet-Golovko

A contre-courant du mouvement global fin du monde surfant sur le mantra d’un Covid invincible, Moscou revient petit à petit à la vie normale, s’éloignant de l’hystérie générale à pas prudents. Sobianine vient d’adopter, à une semaine d’intervalle, deux oukazes levant, les unes après les autres, nombre de restrictions, annonçant une situation sous contrôle et dont l’évolution permet l’optimisme. Le signe d’un Etat souverain, autant qu’il soit possible de l’être aujourd’hui, est celui de la défense des intérêts propres de sa population, l’obligation d’être à l’écoute de ses besoins propres, car la légitimité du pouvoir découle du peuple, et sa longévité ne peut être garantie par des forces supranationales, aussi influentes soient-elles. Voici les bonnes nouvelles, la principale étant la normalisation totale de l’enseignement scolaire, général, professionnel et artistique – question stratégique de l’avenir du pays.

Alors qu’en Europe, l’on suit à la lettre les cris alarmistes de l’OMS, annonçant des chiffres dits records de contamination, qui de décès attribués au coronavirus, que Biden, à peine arrivé à la Maison Blanche retourne les Etats-Unis dans le giron de l’organe suprême de gouvernance globalisée qu’est devenue cette OMS grâce au Covid, la Russie semble prendre prudemment ses distances.

Le confinement du printemps dernier a déjà coûté très cher, l’économie ne s’en remet toujours pas. Le retour des restrictions fin septembre, sans aller à la radicalité que l’on voit en Europe, ne mettait pas moins la Russie dans la ligne globaliste. Pourtant, depuis quelque temps, s’appuyant sur la rhétorique d’un vaccin très efficace et d’une tendance maîtrisée, la Russie et Moscou en tête, qui était le plus en avant avec Saint-Pétersbourg dans l’alignement, assument des pas vers la normalisation de la vie quotidienne.

Le domaine de la gestion de l’enseignement à distance est celui qui a provoqué le plus grand mécontentement au sein d’une population, déjà sceptique quant aux réformes de l’école de ces 20 dernières années conduites sous l’égide de l’OCDE. Un véritable mouvement populaire s’est mis en place pour demander le retour des enfants à l’école (voir notre texte ici). Rappelons quand même que selon le ministère de la Santé, 83% des élèves en Russie suivant un enseignement à distance présentent des troubles psychiques (voir notre texte ici). Donc, entre un danger réel pour leur santé et un danger plus qu’hypothétique, les enfants n’étant pas la cible privilégiée de ce virus, en plus de l’échec flagrant technique et, ce qui est pourtant tu dans les médias, de la baisse drastique de la qualité de l’enseignement, il a fallu faire un choix. L’enseignement est un choix stratégique, un choix qui engage l’avenir d’un pays.

Après la prolongation des vacances d’hiver, selon l’oukaze du maire de Moscou Sobianine du 14 janvier 2021, les enfants du collège et du lycée, qui était à la maison depuis début octobre, ont enfin pu retourner à l’école le 18 janvier 2021. Les autres restrictions, concernant les théâtres, bibliothèques, universités, travail à distance, autoconfinement des personnes âgées et atteintes d’une maladie chronique, port des masques dans les magasins et les transports etc. n’ont pas été modifiées.

Mais le signe était prometteur, autant que surprenant, en comparaison du discours global conduisant au renforcement des mesures de contrainte, notamment à la restauration des confinements, à l’instauration du couvre-feu, des autorisations de déplacement, etc. que l’on voit fleurir un peu partout en Europe. D’autant plus qu’à l’intérieur du pays, contrairement à la rhétorique développée ailleurs, selon laquelle la situation se dégrade, il y aurait de plus en plus de contamination, de décès, que la situation dérape, la Russie diffuse un discours plus rationnel, confiant en l’avenir, de maîtrise de la situation.

Un nouvel oukaze de Sobianine du 21 janvier confirme l’optimisme provoqué par le second oukaze et annonce la levée dès demain de nombreuses restrictions:

  • Les établissements professionnels d’enseignement secondaire, les écoles d’art et de musique, les écoles sportives et les centres de développement des enfants dépendant du Gouvernement de Moscou réouvrent leurs portes; les cartes de transport sont débloquées;
  • Augmentation de la quantité de spectateurs dans les théâtres, cinémas et salles de spectacle de 25% à 50 %;
  • Les centres de vacances et de loisir sont réouverts, comme les salles de jeu, avec une présence ne dépassant pas 50% de la capacité d’accueil totale;
  • Les musées, bibliothèques et autres établissements culturels sont réouverts, ainsi que les manifestations culturelles, sportives, commerciales, etc. sont autorisées, à condition de ne pas dépasser 50% de la capacité totale d’accueil.

Les établissements d’enseignement supérieur dépendant du gouvernement de Moscou restent à distance jusqu’au 6 février – soulignons que c’est la date de la fin des vacances universitaires d’hiver. Les bars et restaurants doivent toujours fermer à 23 h, 30% des employés doivent continuer à travailler à distance, les personnes âgées et ayant une maladie chronique doivent rester à domicile jusqu’à amélioration de la situation épidémiologique. 

Une différenciation des droits liée au vaccin est ici en vigueur, puisque ces personnes âgées ou malades ayant été vaccinées pourront recouvrer leur carte de transport et se déplacer. A ce jour, le vaccin ne donne pas droit à d’autres dérogations à Moscou, espérons qu’il ne devienne pas un critère de vie sociale, même si dans certaines régions de Russie c’est déjà le cas, notamment en ce qui concerne la levée de l’obligation de porter le masque pour les personnes vaccinées.

Les pressions qui sont exercées sur la Russie sont colossales, tant de l’extérieur que de l’intérieur dans les milieux pro-globalistes, qui ne sont pas négligeables. Souhaitons-lui de rester, malgré cela, sur la voie des choix rationnels et personnels, qui ont lui ont toujours été bénéfiques dans l’histoire.

Source : Russie politics
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