Julian Assange porte plainte contre la Fondation Nobel
pour l’attribution du prix Nobel de la Paix à la belliciste Maria Corina Machado. D.R.
Par Mohsen Abdelmoumen
En préambule, faisons un bref rappel des années d’enfermement de Julian Assange qui, fort heureusement, a retrouvé sa famille et vit libre dans son pays d’origine, l’Australie, depuis le 26 juin 2024. Réfugié en 2012 à l’ambassade de l’Equateur à Londres sous le gouvernement du président Rafael Correa, il s’y est retrouvé en résidence surveillée suite à l’accession à la présidence en mai 2017 du traître corrompu Lenin Moreno lequel, vendu à l’empire US, qui a autorisé la CIA à placer des caméras de surveillance dans l’ambassade et a permis à la police britannique d’investir les lieux pour arrêter Assange le 11 avril 2019. Ensuite, Julian a vécu l’isolement complet dans la sinistre prison de haute sécurité de Belmarsh où il a subi le programme de détention réservé aux terroristes, voire pire, et son avocat a souvent alerté, pendant ces cinq années dans les geôles infectes de la couronne britannique, de l’état psychologique au plus bas de son client. On ne se remet pas facilement de douze ans de réclusion, surtout dans les conditions aussi dures. Et puis, quelques mois après avoir recouvré la liberté, on a revu Assange au Conseil européen à Strasbourg en octobre 2024 pour témoigner de ses années d’emprisonnement afin de sensibiliser les décideurs européens au statut des journalistes et des lanceurs d’alerte.
Petite parenthèse qui sera développée ultérieurement, quand on voit le sort réservé à des gens comme Jacques Baud, pour ne citer que son cas parmi tant d’autres, on peut douter de l’impact qu’a eu le discours d’Assange sur la liberté d’expression en général et sur la liberté de la presse en particulier dans l’espace européen. On constate au contraire que les voix exprimant un autre point de vue que le discours dominant sont muselées de la manière la plus autoritaire. En effet, Jacques Baud, ancien colonel des renseignements suisses attaché à l’OTAN et mondialement connu pour son expertise en matière de conflits et pour ses analyses objectives, vient de subir les foudres européennes ce 15 décembre en se retrouvant inscrit sur la liste noire des personnes «diffusant la propagande russe» et en subissant des sanctions qui ont gelé ses avoirs et qui lui interdisent de voyager dans l’Union européenne, le bloquant à Bruxelles où il vit et l’obligeant à quémander «une dérogation humanitaire» pour se nourrir. Par ailleurs, Xavier Moreau, ancien militaire français devenu homme d’affaires établi en Russie, propriétaire du site Stratpol, a été frappé des mêmes sanctions au même moment que Jacques Baud. En tout cas, on souhaite bon courage à Jacques Baud pour affronter cette situation kafkaïenne totalement injuste.
Mais revenons à Julian Assange. Depuis sa remise en liberté, on a eu de temps en temps de ses nouvelles grâce à son ex-avocate devenue son épouse et la mère de ses deux fils, Stella Assange-Morris, qui publiait sur les réseaux sociaux des photos de Julian avec leurs enfants, en train de retrouver le goût de la liberté et de la vie en famille, ce dont il avait été privé si longtemps. Et puis, on l’a vu le 2 août dernier en tête d’une marche pro-palestinienne massive à Sidney. Et ce 17 décembre 2025, coup de tonnerre, WikiLeaks, dont Assange est le fondateur, publie sur son compte X un long tweet pour annoncer que Julian Assange porte plainte à Stockholm contre la Fondation Nobel pour ce qu’il nomme le «détournement d’un instrument de paix en instrument de guerre». Il soutient que le prix Nobel de la Paix décerné à Maria Corina Machado va à l’encontre du vœu d’Alfred Nobel et constitue un détournement de fonds et un encouragement à des crimes de guerre en vertu du droit suédois, et demande le gel des 11 millions de couronnes suédoises, soit environ un million d’euros, promis à Machado.
Souvenons-nous que cette Maria Corina Machado, véritable furie crachée de l’enfer, est une fervente opposante de Nicolas Maduro après avoir combattu Hugo Chavez, qu’elle appartient à une famille richissime détenant la compagnie d’électricité de Caracas et l’entreprise sidérurgique Sivensa, laquelle est considérée comme la plus grosse entreprise privée d’acier au Venezuela, et anciennement propriétaire de Sidetur, une filiale de Sivensa qui a été nationalisée en 2010. Elle a participé au coup d’Etat de 2002 contre Hugo Chavez, et elle s’est associée à un autre membre de l’oligarchie vénézuélienne Leopold Lopez, lui aussi un fasciste notoire, pour organiser en 2014 des manifestations «pacifiques» contre Nicolas Maduro qui ont provoqué des affrontements violents et la mort de 43 personnes. Ces «guarimbas» répétitives ont toujours été actionnées par l’extrême-droite du Venezuela financée par la NED. Rappelons aussi que l’oligarchie vénézuélienne n’a pas cessé pendant des années de stocker les produits de première nécessité afin de provoquer des pénuries susceptibles d’entraîner la grogne populaire et des émeutes. En outre, comme nous l’a révélé Romain Migus dans l’entretien qu’il nous a accordé, Machado est un agent de l’empire américano-sioniste qui veut vendre les richesses du Venezuela au plus offrant, qui appelle les Etats-Unis à bombarder son propre pays, et qui félicite Netanyahou pour le massacre du peuple palestinien à Gaza. Aujourd’hui, elle a rejoint ses pairs vénézuéliens en Espagne, pays qui n’a rien perdu de sa tradition d’être une terre d’accueil pour tous les fascistes de la planète comme au bon vieux temps de Franco.
Et donc, 30 personnes liées à la Fondation Nobel, dont ses dirigeants, sont visés par la plainte de Julian Assange, lequel les accuse d’avoir commis des crimes graves, tels que le détournement de fonds, la facilitation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et le financement d’une guerre d’agression. Cette plainte a été déposée tant auprès de l’Autorité suédoise de lutte contre la criminalité économique que de l’Unité suédoise de lutte contre les crimes de guerre. Assange attire notamment l’attention sur la responsabilité de la présidente de la Fondation Nobel, Astrid Söderbergh Widding, et de la directrice exécutive, Hanna Stjärne, les accusant d’avoir transformé un instrument de paix en instrument de guerre par le biais de graves actes criminels présumés parmi lesquels l’abus de confiance, le détournement de fonds en relation avec le versement de 11 millions de SEK (monnaie suédoise) à Maria Corina Machado, dont les actions passées et actuelles prouvent qu’elle ne mérite absolument pas ce prix, et de faciliter des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, violant les obligations de la Suède en vertu de l’article 25 du Statut de Rome, car les accusés sont conscients de l’incitation et du soutien de Machado aux crimes commis par les Etats-Unis et leurs exécutions extrajudiciaires des civils et des naufragés assassinés en pleine mer.
«Forte de sa position privilégiée de lauréate du prix Nobel de la paix, Machado a très probablement fait pencher la balance en faveur de la guerre, avec la complicité des suspects nommés», a déclaré Assange dans sa plainte pénale. En conséquence, Assange demande aux autorités suédoises de 1) geler immédiatement le transfert du prix monétaire des 11 millions de SEK et tout budget connexe restant et d’exiger la restitution de la médaille ; 2) d’enquêter sur les personnes nommées, les dirigeants de la Fondation et les entités associées pour abus de confiance, facilitation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, et complot ; 3) de saisir les procès-verbaux du conseil d’administration, les courriels, les discussions de groupe et les documents financiers ; 4) d’interroger les suspects ; et enfin 5) d’enquêter pleinement au niveau national ou saisir la CPI.
Au moment où la botte fasciste écrase les peuples d’Europe en les précipitant dans la misère, voire la guerre, où des sanctions liberticides sont édictées par des bureaucrates non élus à l’encontre des voix dissidentes qui protestent contre une politique favorisant la guerre au seul profit du grand capital, où l’empire américano-sioniste massacre impunément en Palestine, au Liban, et dans tout le Moyen-Orient pour créer son «Grand Israël», où des forcenés déguisés en Croisés menacent l’Amérique latine et lorgnent vers la Chine, quand des pays comme l’Algérie sont ciblés en permanence par des opérations de déstabilisation, le retour de Julian Assange en première ligne de la lutte contre l’impérialisme encourage tous les résistants de la planète à poursuivre le combat pour qu’émerge enfin une alternative à un monstre agonisant qui refuse de perdre son hégémonie, ce qui le rend d’autant plus redoutable.
Mohsen Abdelmoumen
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