Par Ziad Medoukh
Après plus d’un mois et demi de cessez-le-feu, qu’y a-t-il de nouveau ?
Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu le 13 octobre dernier, les Palestiniens de Gaza ont toujours beaucoup de préoccupations. Il y a certes une petite amélioration mais la vie quotidienne reste très difficile. Chercher du bois, de la nourriture, de l’eau potable, des médicaments demande beaucoup d’énergie.
Ils doivent faire face au retour de milliers de déplacés qui s’étaient enfuis vers le sud. Depuis leur retour dans le nord, ces personnes sont encore sous le choc, horrifiées devant l’ampleur des destructions de leurs maisons et la dévastation de leur quartier. Il a fallu installer des tentes pour ceux qui avaient tout perdu. Il faut également trouver de la stabilité en attendant l’application de la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu.
Nuit et jour, les drones passent dans le ciel de Gaza. Le cessez-le-feu est fragile. On a assisté à une diminution significative des bombardements, mais depuis le mois d’octobre dernier, il y a eu 363 morts et une centaine de blessés partout dans la bande de Gaza, suite à des bombardements israéliens intensifs.
La situation reste donc très instable. Des petits magasins, des restaurants et des petits cafés ont rouvert. Avant le cessez-le-feu, lorsque nous étions bombardés nuit et jour, on ne pouvait pas sortir sans prendre de risques. Dès 17h, tout le monde s’abritait dans sa maison ou sous sa tente. Maintenant, les gens peuvent rester dehors jusqu’à 21h, c’est un agréable changement, un fragile semblant de vie sociale.
La population ne voit toujours aucune réelle perspective d’avenir. Elle attend, dans l’angoisse, une solution politique quant à la future gestion de la bande de Gaza, au désarmement des factions, comment seront mises en vigueur les décisions du Conseil de sécurité, quelle sera la place des force internationales, etc…

La deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu (ouverture de toutes les portes de Gaza, possibilité pour des camions remplis d’aide humanitaire d’entrer dans le territoire palestinien) n’est que partiellement suivie. Ce n’est plus vraiment la famine. On trouve maintenant quelques fruits et légumes et des boîtes de conserve mais les quantités qui sont nettement insuffisantes pour plus de 1,2 millions de personnes dans la ville de Gaza.
Mais, l’aspect le plus important, la priorité pour les Palestiniens de Gaza, même horrifiés, même effrayés, c’est l’éducation.
En effet, les cours ont repris dans toutes les régions, notamment dans la ville de Gaza où j’habite, soit dans des tentes, dans des centres éducatifs, dans quelques écoles privées, publiques ou de l’UNRWA, et à l’université. Cela montre l’importance de l’éducation devenue forme de résistance, de résilience pour la population palestinienne.
Il y a 3 types d’école : les tentes éducatives dans lesquelles sont donnés les cours, les centres éducatifs, mêmes visés, où beaucoup d’élèves sont inscrits, et enfin, il reste 13 écoles dans la ville de Gaza dans lesquelles s’étaient tout d’abord réfugiées les personnes déplacées suite aux bombardements et qui ont été libérées pour permettre la reprise des cours. Ces écoles sont visées ou partiellement détruites mais heureusement, quelques classes sont encore utilisables. Elles sont soit publiques, soit gérées par l’UNRWA.
Les déplacés qui étaient installés dans des écoles publiques ou gérées par l’UNRWA qui n’avaient pas été complètement détruites par les bombardements. Mais aujourd’hui, pour permettre aux enfants et aux collégiens de retourner à l’école, les déplacés ont décidé de quitter ces bâtiments, – qui disposaient d’un certain confort, de fenêtres et de portes -, pour aller à nouveau vivre sous tentes dans des conditions très difficiles (pluies diluviennes, inondation, froid).
On peut dire que 90 % des élèves ont repris leur scolarité en présentiel.
L’éducation est une priorité pour les familles, la société, les enseignants et les professeurs.
Les cours dans les tentes éducatives sont gratuits : celles-ci ont souvent été installées par des organisations internationales (par ex. l’UNICEF) ou offertes par des donateurs privés locaux ou internationaux.
En ce qui concerne les cours donnés dans les centres éducatifs, il est demandé une petite participation symbolique aux parents pour la location des locaux – souvent dans des immeubles partiellement détruits, et pour pouvoir payer les professeurs et le matériel scolaire.
Par contre, pour les écoles privées et publiques gérées par le Ministère de l’éducation publique et celles de l’UNRWA organisées par le service de l’éducation de l’UNRWA, les cours sont gratuits.
Le service de l’éducation de l’UNRWA, et malgré le manque de moyens, l’absence des financements par beaucoup de pays et les difficultés sur place, essaie d’aider les centres éducatifs et les tentes éducatives par du matériel éducatif, de la fourniture scolaire et des formations pour les enseignants afin de sauver ce secteur très important pour toute la population palestinienne.
En ce qui concerne les universités – les 13 grandes universités de Gaza ont été détruites -, les cours ont repris virtuellement le 25 novembre dernier pour le premier semestre, avec un peu de retard à cause de la situation. C’est un premier point encourageant.

Du 25 octobre au 20 novembre, les étudiants ont pu s’inscrire sur place (des bureaux ont été réouverts dans des locaux partiellement détruits ou loués dans les environs de l’université).
Autre point encourageant : une session extraordinaire de BAC a été organisée en octobre-novembre 2025 pour permettre aux étudiants qui n’avaient pas pu passer les examens lors de la session de juin comme prévu à cause de la situation.
Après deux ans d’agression et d’horreur, l’annonce des résultats de cette session a donné lieu à un rare moment de joie, de bonheur et de fête à Gaza pour les familles et les nouveaux bacheliers qui ont ainsi pu s’inscrire directement à l’université pour l’année 2025-2026 !
Malgré la situation, l’espoir subsiste. 85 % des étudiants sont inscrits, cela montre une fois de plus l’importance de l’éducation.
Les cours à l’université, même s’ils sont donnés virtuellement, sont quant à eux payants. Cela coûte moins cher qu’habituellement parce que les étudiants n’ont pas à se déplacer par contre ils rencontrent d’autres difficultés : pour pouvoir se connecter, par exemple, ils ont besoin d’électricité et de réseau internet. Heureusement, des associations ainsi que des universités ont ouvert et réaménagé des locaux pour permettre aux étudiants de venir suivre des cours virtuellement.
Après un mois et demi d’accords fragiles de cessez-le-feu, il n’y a pas de grands changements dans la vie quotidienne qui reste difficile mais on sent que les gens aiment la vie. Les jeunes sont en train de nettoyer les rues de leurs quartiers dévastés, la société civile s’active pour répondre aux besoins de la population.
On peut donc dire que malgré leurs préoccupations quotidiennes, malgré la pluie qui a inondé et ravagé récemment les camps de tentes, malgré la fragilité du cessez-le-feu, l’éducation reste prioritaire pour les habitants de Gaza.
Envoyer les enfants à l’école et, pour les jeunes adultes, continuer leur cursus universitaire, montrent que les Palestiniens ont de l’espoir, qu’ils pensent à l’avenir et mettent tout en œuvre pour former une nouvelle génération basée sur la liberté d’expression, la démocratie, la justice et la paix.
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