Par Alexandre Lantier

Hier, Macron a accueilli le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Paris afin d’intensifier la guerre OTAN-Russie en Ukraine. Les deux présidents ont signé un accord pour que la France livre 100 Rafales à l’Ukraine à l’horizon 2035, contrat dont le montant serait donc d’entre 12 et 25 milliards d’euros selon la configuration des Rafales vendus à l’Ukraine.

Ce type d’accord réfute la propagande impérialiste cynique selon laquelle la France et les autres pays de l’OTAN «aident» l’Ukraine contre la Russie. En fait, l’OTAN combat la Russie jusqu’au dernier Ukrainien, se servant de l’Ukraine comme prétexte pour financer leur propre militarisation. Préparant ouvertement des guerres plus larges, ils risquent constamment un embrasement général de la guerre avec Moscou.

Dans son discours aux côtés de Zelensky à l’Elysée, Macron a déclaré qu’il veut toujours envoyer des troupes françaises en Ukraine, politique massivement impopulaire en France et rejetée par 89 pour cent de la population d’Europe de l’Ouest. Il a assuré que son objectif reste «de déployer une force de réassurance en retrait de la ligne de contact … On n’aura pas une paix robuste et durable, s’il n’y a pas de force de réassurance.»

Macron a affirmé que la livraison de 100 Rafale à Kiev à l’horizon 2035 doterait l’Ukraine d’une «capacité de dissuasion» contre la Russie. «Nous continuerons à miser sur le rapprochement de nos industries de défense», a-t-il dit, appelant par ailleurs à des livraisons de «drones intercepteurs, des bombes guidées» avant 2028. Il a aussi annoncé un contrat d’un demi-milliard pour Alsthom, qui vendrait à l’Ukraine les locomotives nécessaires à transporter les armes européenes en Ukraine.

Par ailleurs, Macron a menacé les navires pétroliers qui exportent l’énergie russe vers le reste du monde, y compris l’Europe et la France. «Nous renforçons nos actions contre la flotte fantôme russe qui finance plus du tiers de l’effort de guerre» russe, a-t-il dit.

Alors que Trump menace d’expulser des centaines de milliers d’Ukrainiens des USA vers leurs pays, où ils seraient enrôlés de force dans les armées ukrainiennes, Macron a salué le revirement de Washington vers une posture plus ouvertement hostile envers la Russie. «La confrontation à la réalité peut changer la donne», a déclaré Macron. «Je pense que ce qu’il s’est passé de l’autre côté de l’Atlantique devrait en inspirer beaucoup et les rendre moins péremptoires».

Zelensky, actuellement empêtré dans un vaste scandale de corruption dans lequel ses plus proches collaborateurs sont soupçonnés d’avoir détourné des millions d’euros destinés à l’achat d’armes, a salué Macron comme un allié. «L’Ukraine n’est pas seule dans sa défense», a-t-il dit, se réjouissant d’avoir avec Macron «un ami à ses côtés.» Il a qualifié d’«historique» la commande ukrainienne de Rafales et souligné que le partenariat militaire avec la France «va continuer sur dix ans».

Zelensky a dit qu’il commandait aussi 8 systèmes de défense antiaériennes SAMP-T à l’horizon 2035, au-delà des 12 commandés par la France pour elle-même, pour rejoindre 8 systèmes Patriot envoyés en Ukraine par les USA, l’Allemagne, et les Pays-Bas. L’achat de 8 systèmes SAMP-T coûterait 4,4 milliards d’euros, en plus des dizaines de milliards pour les Rafales.

L’accord entre Paris est Kiev est illégitime, scellé par des présidents rejetés par leurs populations, afin de continuer une guerre au service non du peuple ukrainien, mais des puissances impérialistes de l’OTAN. Macron a chuté à 15 pour cent dans les sondages à cause de sa politique d’austérité et de réforme des retraites menée contre l’opposition de l’écrasante majorité des Français. Quant à Zelensky, il a chuté à 20 pour cent dans les sondages suite aux affaires de corruption. Il ne reste au pouvoir que grâce à sa suspension indéfinie des élections présidentielles.

Le coût faramineux du programme d’achats ukrainiens auprès des industriels français sera porté en partie par les travailleurs ukrainiens, mais en très grande partie par le contribuable français et européen, alors que la France et d’autres pays européens croulent déjà sous leurs dettes. Dans l’analyse finale, cela ne fera qu’augmenter la pression sur les finances publiques et accélérer les politiques d’austérité visant la classe ouvrière à travers l’Europe.

La Commission européenne a préparé un rapport, lu hier par l’AFP, selon lequel l’Ukraine aurait besoin de 70 milliards d’euros en 2026 pour financer sa guerre contre la Russie. «L’ampleur du déficit de financement de l’Ukraine est significative», a déclaré Ursula von der Leyen dans une lettre qui accompagnait le document.

Les milieux dirigeants européens préparent divers projets pour financer cette somme, qui viseraient tous à piller d’une ou autre façon les travailleurs. L’un serait de prêter l’argent à l’Ukraine, renforçant la dette d’un pays ruiné par la guerre, l’amputation de ses territoires russophones plus industrialisés, et l’avarice de sa propre oligarchie capitaliste postsoviétique. Un autre serait de donner la somme, en transférant davantage de fonds publics européens des services sociaux vers la guerre, voire en amputant carrément des l’épargne des Français, telle que leurs Livrets A.

Finalement, la Commission envisage sérieusement à présent de voler les 210 milliards d’euros en fonds russes gelés détenus en Europe, surtout en Belgique. Ceci décrédibiliserait l’Europe auprès des créditeurs étrangers, qui devraient eux aussi craindre le risque que leurs fonds en Europe soient confisqués, alors que les pays d’Europe empruntent des centaines de milliards d’euros sur les marchés internationaux pour financer leurs dettes. Pour cette raison, le gouvernement de droite belge s’oppose toujours à la proposition de l’UE de confisquer les avoirs russes.

Ces dépenses énormes ne visent pas à sécuriser l’Ukraine contre les attaques russes, mais à bâtir une industrie capable de mener la «guerre de haute intensité» souhaitée par Macron et les autres chefs d’État européens. Les menaces de Macron visant la «flotte fantôme» russe cachent le fait que le Kremlin ne mène pas une guerre à outrance contre l’Europe et n’a pas pour but de conquérir le continent, menace agitée sans relâche par les dirigeants européens pour justifier leur politique d’austérité et de guerre.

En réalité, la «flotte fantôme» continue à alimenter les pays européens en énergie bon marché. La France achète le tiers de son gaz naturel liquéfié (18 pour cent de sa consommation totale de gaz) auprès de la Russie. Moscou continue à alimenter les ménages français en énergie bon marché parce que l’oligarchie capitaliste post-soviétique russe n’a pas pour but de conquérir l’Europe. Elle cherche encore à ménager ses relations avec l’impérialisme européen, qu’elle espère rétablir en cas de résolution du conflit.

L’effondrement de la cote de Zelensky et les efforts de Washington de forcer les Ukrainiens réfugiés ailleurs à combattre contre leur volonté souligne que ceci n’a rien d’une tentative d’aider la nation ukrainienne à défendre sa liberté contre l’envahisseur russe. Comme pendant les deux guerres mondiales du 20e siècle, les capitalistes de divers camps recueillent la précieuse manne financière qui leur revient des massacres sur le champ de bataille.

La question décisive, aujourd’hui comme pendant les guerres mondiales du siècle dernier, est la construction d’un mouvement international dans la classe ouvrière contre la guerre. Celui-ci ne peut pas se faire à travers les partis politiques et les appareils syndicaux regroupés dans le Nouveau Front Populaire dirigé par Jean-Luc Mélenchon. Ceux-si ont signé le programme électoral du NFP en 2024, qui les engageait à défendre l’envoi de troupes françaises, maquillées en «casques bleus», et ont bloqué toute tentative sérieuse pour faire chuter Macron via la lutte des classes.

Les travailleurs doivent construire leurs propres organisations à la base et l’Alliance ouvrière internationale des comités de la base (IWA-RFC en anglais). Seule une offensive de la lutte des classes, menées indépendamment et de pair avec un mouvement politique pour le pouvoir ouvrier et le socialisme pourra stopper l’escalade de la guerre et le pillage social des travailleurs.

Source : WSWS
https://www.wsws.org/fr/…

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